Histoire du mouvement ouvrier en France (5) 1895 - La Verrerie ouvrière d’Albi

mardi 19 juillet 2016.
Source : Site de FO
 

À la suite de l’échec de la grève des verriers de Carmaux, trois cents ouvriers syndiqués furent licenciés. C’est alors que Jaurès, qui ne cessa durant ce long conflit de soutenir les grévistes dans leur lutte contre la Compagnie, proposa la création d’une verrerie appartenant à la collectivité ouvrière, où tous ceux qui furent congédiés pourraient travailler dans le respect de la liberté syndicale. Cette idée souleva l’enthousiasme de tous les verriers de France, des organisations syndicales et coopératives. Jaurès, avec sa foi ardente et sa générosité habituelle, écrivit dans La Petite République du 26 novembre 1895 :

« Cette usine ouvrière sera la forteresse de la liberté syndicale... Les militants de Carmaux seront sauvés de la misère et de la faim... Le coup porté aux prétentions patronales sera rude et il faut que tous les travailleurs fournissent leur pierre à cette usine ouvrière ».

L’idée était audacieuse, et la réalisation demandait un effort considérable. Mais l’appel de Jaurès fut entendu. Rochefort, directeur de L’Intransigeant, envoya aussitôt 100.000 francs, le quart du capital, nécessaire à la construction. Les dons des ouvriers affluaient et ce fut les verriers eux-mêmes, transformés en maçons, n’acceptant qu’un salaire de 1 fr. 25 par jour, qui bâtirent leur propre usine. Toutefois, ce n’était pas une simple coopérative, mais une société industrielle dont les actionnaires étaient exclusivement des associations ouvrières. Pour détromper ceux qui se faisaient trop d’illusions, Le Cri des Travailleurs écrivait :

« La Verrerie Ouvrière n’est autre qu’une simple atténuation du régime capitaliste qui nous écrase et poussée aussi loin que le permet la légalité dans la société actuelle ».

Cette mise au point n’empêcha pas les réactionnaires et les cléricaux de voir dans la verrerie prolétarienne un « essai de la société future ». Finalement, grâce aux sacrifices des travailleurs, l’usine d’Albi fut inaugurée en octobre 1896 et, le 1" janvier 1897, la fabrication des bouteilles commença.

Dès le début, la réaction, au service de la Compagnie concurrente de Carmaux fit tout pour ruiner l’entreprise des travailleurs qui, en 1897, traversa une période critique. C’est alors que les verriers abandonnèrent cinq quinzaines de salaire en retard et offrirent au surplus 40% de leur salaire futur pour écarter la faillite. Malgré l’abnégation des travailleurs, à la fin de décembre 1897, le déficit était si alarmant qu’un nouvel appel fut lancé aux organisations syndicales et coopératives qui, par leur prêt substantiel, empêchèrent l’usine de péricliter. En 1898, elle réalisa 8.974 francs de bénéfice et dans la même année elle fabriquait 3.629.888 bouteilles. Au début de 1899, les commandes dépassèrent la production.

Après des débuts particulièrement difficiles, la Verrerie Ouvrière connut de nombreuses années de prospérité qui permirent son continuel développement. En janvier 1924, elle traversa toutefois une crise interne qui, d’après l’historien Georges Weill, aboutit à des graves dissensions entre le conseil d’administration et le syndicat.

Mais la Verrerie d’Albi, qui survécut à la guerre des capitalistes et à d’autres grands conflits mondiaux de l’histoire, demeure comme l’œuvre même de la solidarité ouvrière.

René Gibère


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