Rapports aux élus et aux scrutins électoraux, élection présidentielle, stratégie : Roussel joue sur tous les tableaux, quitte à aggraver la confusion au sein du parti.

jeudi 8 octobre 2020.
 

Pris entre deux histoires, le PCF hésite encore et toujours : être un parti de la gauche historique et s’inscrire dans une alliance – fut-elle mouvementée — avec le PS ? Ou bien être partie prenante des nouvelles radicalités qui s’incarnent politiquement, principalement autour de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon ?

Le PCF n’en finit pas de chercher son positionnement politique.

Le choix est d’autant plus cornélien que le leader insoumis a souvent maltraité le PCF, ses dirigeants et ses militants. Parfois même carrément insultés : « Vous êtes la mort et le néant », leur avait-il lancé en 2017. On a vu mieux entre alliés. Depuis LFI a perdu de sa superbe et il semble aujourd’hui tout à fait primordial pour Mélenchon de sceller un accord avec le PCF. Il s’est même donné la peine de rendre visite au Parti lors de ses universités d’été et de tweeter : « Ample et profonde convergence avec le programme développé ». Mazette !

Le discours en deux temps du secrétaire national du PCF

Pourtant le discours de Fabien Roussel n’avait rien de bien neuf. Il reprenait les fondamentaux communistes : « Nous demandons à reprendre le pouvoir sur l’économie et sur la manière de créer les richesses. (…) Les richesses doivent être créées sans exploiter les hommes et les femmes et sans épuiser la planète. » « Nous voulons de l’argent pour l’hôpital, pas pour le capital ! » « une reconquête du fret ferroviaire », « une priorité, celle d’éradiquer tous les trafics malheureusement en hausse dans notre pays : de drogue, d’êtres humains, d’argent sale, d’armes. Reprenons le pouvoir dans toutes les rues de la République » « Notre plan à nous, c’est de reprendre la main sur l’utilisation de l’argent public pour le mettre au service de la reconquête industrielle ! » « Pour répondre aux urgences sociales et environnementales, il faut rompre avec les logiques de rentabilité imposées par la finance. Mais il faut aussi rompre avec des traités européens qui placent notre économie sous le joug des marchés financiers. » « Quand on vend tout au privé, on est privé de tout ! » « Nous ne voulons pas de sa nouvelle loi de décentralisation qui prévoit un droit à la différenciation (…) c’est la fin de la république ! » Bref, un discours classique dans lequel on entendait l’influence des économistes du Parti, gardien de la doxa et principaux soutiens de celui qui se présente comme le Secrétaire national de l’identité communiste réaffirmée.

En revanche, l’intervention de Fabien Roussel est nettement plus alambiquée quand il aborde les questions d’alliance et de stratégie politique.

Celui qui, au dernier congrès, a battu le secrétaire national sortant et s’est fait adouber par les militants avec la promesse d’une présence communiste à toutes les élections, entortille ses mots : « Attention, si chaque force politique justifie sa candidature – et chacun peut la justifier –, les uns pensant que l’écologie est le centre de tout, d’autres pensant qu’ils sont légitimes par rapport à leur résultat aux dernières élections présidentielles – on peut les comprendre –, si d’autres pensent que c’est parce qu’il faut un candidat unique, à tout prix et qu’importe le programme, si tous ceux-là pensent que le Parti communiste français, comme en 2012 et en 2017, ne présentera pas de candidat, eh bien, je le dis à tout le monde : vous vous trompez ! » Gros succès. Applaudissements nourris et joie dans les rangs de ceux qui expliquent l’affaiblissement politique du PCF par son absence aux deux dernières présidentielles. Mais aussitôt Fabien Rousel douche les ardeurs et ajoute : « Je dis : discutons. Pas de préalable. Discutons, parlons ensemble ». Jean-Luc Mélenchon et les leaders de LFI n’ont pas fait le déplacement pour rien. Mais l’affaire n’est pas faite. Hier, les représentants de LFI et du PCF se sont rencontrés pour discuter des échéances qui précèdent la présidentielle à savoir les départementales et les régionales. À l’issue du rendez-vous, le PCF pourrait privilégier une alliance avec le PS plutôt qu’avec LFI afin, croit-il, de préserver voire de conquérir des sièges.

Toutes les options pour 2022 sont sur la table

Mais pour la reine des batailles, celle que vise Jean-Luc Mélenchon, Fabien Roussel fait durer le suspense… et monter les enchères. On murmure que le Parti s’organise pour être prêt. Lors du prochain congrès extraordinaire qui aura lieu en juin 2021, Fabien Roussel pourrait prendre du champ et se consacrer exclusivement à la campagne présidentielle. Igor Zamicheï, l’actuel secrétaire départemental du PCF-Paris, coordinateur de l’exécutif national du PCF et partisan d’une ligne identitaire, pourrait reprendre le flambeau. Roussel candidat : info ou intox ? On dit… intox.

Certes, l’influence électorale du PCF, désormais en archipel permet de limiter l’impact local de mauvaises élections nationales. Il est possible de faire 1,9% à l’élection présidentielle, comme en 2007, et conserver un groupe de députés. Mais, en quinze ans, l’affaiblissement s’est poursuivi. L’érosion s’est amplifiée aux dernières municipales. Le corps militant lui-même se fragilise dangereusement. Son unité idéologique est en cause. Et les divisions explicites au plus haut niveau de l’appareil continuent. Comment sortir de la nasse ? Le volontarisme est la marque de fabrique des nouveaux dirigeants. Ils sont décidés à affirmer le parti et sa ligne. Quitte à faire exploser le consensus implicite qui épargne les élus des débats internes. Installée dans les années 80, cette ligne de partage – à vous le local, à nous la politique nationale – a permis de limiter l’hémorragie des élus à la différence des intellectuels, partis eux en nombre.

Aujourd’hui, le groupe dirigeant entend reprendre en main les élus et réduire leur autonomie relative. L’affaire de Vitry-sur-Seine en est le signal. Le maire sortant Jean-Claude Kennedy, s’est vu ravir la mairie au troisième tour, par surprise et dans le dos des électeurs, par un tenant de la ligne identitaire. Il bénéficie du soutien de Fabien Roussel et de ses proches. Mais, surprise ! Roussel et ses proches ont été mis en minorité sur ce point précis lors du dernier Conseil national du 5 septembre. C’est dire que sa base politique n’est pas si solide dans le saint des saints. Il y a chez Roussel à la fois un désir de conforter les sièges et les élus, et dans le même temps une défiance historique à l’égard de ces mêmes élus qu’on moquait autrefois dans le parti au nom du "crétinisme parlementaire". Contradictoire.

Appareil politique éclaté, corps militant affaiblit, finances au plus bas, base électorale étiolée… Roussel raconte un conte de fées à ses militants, celui d’un revival du PCF. Mais il sait que c’est une chimère : il ne sera pas candidat à l’élection présidentielle. Tout au plus sera-t-il candidat dans la région Hauts-de-France et voudra-t-il préserver un groupe à l’Assemblée. Sur ces points, Jean-Luc Mélenchon veut bien discuter.


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