Face au Covid-19, « le confinement est la seule solution »

dimanche 1er novembre 2020.
 

Fallait-il reconfiner ? Existe-t-il une alternative ? Quelles critiques peut-on faire à la politique sanitaire du gouvernement ? On a causé avec le docteur Nathan Peiffer-Smadja.

Regards. Emmanuel Macron a décidé, unilatéralement, de reconfiner la France. Des voix s’élèvent pour dénoncer un « remède pire que le mal ». Sans tomber dans le négationnisme du Covid, y a-t-il une alternative au confinement ?

Nathan Peiffer-Smadja. Actuellement, le confinement est la seule solution. Et encore, ce reconfinement est un peu light. On n’arrivera probablement pas à endiguer l’épidémie aussi rapidement qu’en mars. Ça va se payer très cher. Le gros problème, ça n’est pas tant les malades du Covid que toutes les pathologies qu’on ne prend pas en charge. La surmortalité et la dégradation de l’état de santé de la population liées aux conséquences du Covid, on en verra les impacts dans des années et ça ira bien au-delà des dégâts causés par le Covid lui même. Effectivement, il y a une petite diminution des polytraumatisés, des comas alcooliques, grâce au confinement, mais ça ne compense pas du tout les lits qu’on perd pour gérer les infections graves, les pathologies chroniques, les cancers, les décompensations de diabète, les AVC, les infarctus. Ces gens-là sont laissés sur le carreau, c’est ça qu’il faut bien comprendre et c’est pour ça que le Covid concerne tout le monde, c’est pour ça qu’il faut limiter l’épidémie et confiner.

Quelles critiques peut-on formuler à l’encontre de la politique qui est menée ?

On peut critiquer la politique qui est menée sur le long terme. Les gouvernements successifs ont cassé le service public hospitalier au profit de la santé privée. Il y a une américanisation de notre système de santé. On manque aussi de vraies politiques de prévention et de santé publique. Comme on fait de la tarification à l’activité, la prévention ne peut pas être cotée. On n’a ni le temps ni le financement pour ça. Puis, plus précisément concernant le Covid, on peut regretter qu’il y ait eu une série de mesurettes depuis cet été – où l’on savait que le virus circulait massivement –, on a vu que cette stratégie de la riposte graduée ne marche pas. Il faut en tirer les leçons. Il faut des mesures fermes avant que la situation ne soit critique. Mais les gens n’étaient pas prêts à accepter des mesures fermes alors qu’il n’y avait pas d’hospitalisations et pas de décès – c’est une faillite de la mentalité de prévention, extrêmement favorisé par le discours « rassuriste ». Pourtant, dès le début de l’été, le Conseil scientifique a dit qu’en octobre-novembre, il va y avoir un problème, vu la direction que l’on prend. Il aurait fallu investir plus sur le tracing des cas, prioriser la politique de tests sur les cas contact et mettre quelque chose en place pour isoler les gens porteurs du virus. À Taïwan, ils ont utilisé les hôtels pour ça. Demander aux gens de rester chez eux, quand le foyer est de 3, 4, 5 personnes, ce n’est pas comme ça qu’on évite les transmissions. Mais même si certaines choses auraient pu être mieux faites et plus tôt, il y a une incertitude globale concernant le Covid, et une part de fatalité non négligeable. Les Allemands ont mis en place tout ce que je vous dis, et pourtant ils sont dans une situation compliquée actuellement.

« Comme on prend des mesures maintenant, il est probable qu’on ait une sorte de lune de miel à la fin de l’année, comme on a eu cet été. Il ne faut peut-être pas empêcher formellement les fêtes, mais il faudra réagir très tôt après. »

Concernant les lits, Emmanuel Macron, lors de son allocution du 28 octobre, a déclaré : « Nous avons repoussé nos capacités qui sont passées de 5000 lits avant la première vague à 6000 aujourd’hui, nous allons les porter au-delà de 10.000 lits en réanimation. » Une déclaration qui semble contredite par les soignants. Qu’en est-il selon vous ?

Je ne sais pas du tout comment ils calculent ça. Je ne vois pas où est-ce qu’ils ont ouvert des lits. À Bichat, il n’y a pas eu d’augmentation de lits. On a un peu plus de possibilité de réanimation, mais rien de très significatif. Après, depuis la première vague, le gouvernement ne pouvait pas faire grand chose. Ce n’est pas en huit mois qu’on forme des infirmiers, des réanimateurs, en nombre suffisant pour ouvrir suffisamment de lits. Ils auraient pu s’intéresser à l’hôpital public bien avant cette épidémie, mais ça c’est un problème qui concerne tous les gouvernements récents.

Comment jugez-vous le comportement de la population face à cette épidémie ?

Les choses ont été respectées, les Français ont joué le jeu. Même s’il y a toujours une part de la population qui ne va pas suivre. Il y a des jeunes qui ont fait des soirées cet été, mais bon, on ne va pas empêcher les gens d’être ce qu’ils sont.

Pourtant, nous n’avons pas connu de mouvements de contestation comme l’Allemagne ou l’Italie…

C’est vrai, ça m’a étonné. Mais on a probablement la plus grosse brochette de professeurs rassuristes. On a un noyau fort de gens très bien placés dans l’establishment de la recherche qui ont tenu des discours complètement délirants. Ça, peu de pays l’ont eu.

Enfin, ne craignez-vous pas que tout craque à l’approche des fêtes de fin d’année ?

Non, comme on prend des mesures maintenant, il est probable qu’on ait une sorte de lune de miel à la fin de l’année, comme on a eu cet été. Il ne faut peut-être pas empêcher formellement les fêtes, mais il faudra réagir très tôt après car on risque d’avoir des hauts niveaux de circulation virale, sans hospitalisation ni décès. Là, il faudra être ferme, continuer le télétravail partout où c’est possible, garder le protocole sanitaire dans les écoles, etc.

Propos recueillis par Loïc Le Clerc


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