Montebourg, ou l’aventureux pari du souverainisme des deux rives

vendredi 29 janvier 2021.
 

L’ex-socialiste se prépare pour 2022 en tentant une synthèse entre gauche républicaine et droite gaulliste autour du redressement d’une France au bord du gouffre. Une ligne « disruptive » qui, pour l’heure, ne convainc pas grand monde dans les appareils partisans.

Ces derniers temps, Arnaud Montebourg a déjeuné avec beaucoup de monde. Guère étonnant pour un possible candidat à la présidentielle. Ce qui l’est davantage : l’ancien socialiste a multiplié les rencontres avec des figures de droite. Contacts avec Henri Guaino, le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy (et plume du « discours de Dakar »), déplacement prévu dans les Côtes-d’Armor aux côtés de deux députés Les Républicains (LR), Marc Le Fur et Olivier Marleix, pour soutenir les représentants syndicaux du site de Nokia menacé de plan social…

À l’automne, le chef d’entreprise de Bleu Blanc Ruche et des glaces « La Mémère » a aussi croisé, lors d’un dîner au Palais du Luxembourg, le sénateur Sébastien Meurant qui appelle régulièrement sa famille politique à dialoguer avec le Rassemblement national. Les deux hommes, forts en gueule, se sont trouvé des points communs et, à l’issue de la soirée, se sont lancé, comme une évidence : « Il faut qu’on se revoie. » Dont acte, quelques semaines plus tard, lors d’un déjeuner, en tête à tête cette fois.

Échanges d’amabilités en privé, mais encore par médias interposés. Mardi dernier, c’est Guillaume Peltier, numéro 2 de LR, qui faisait part de ses « points communs » avec l’ex-socialiste, jusqu’à envisager « une volonté commune de tourner la page de 40 années d’échecs en France et de revenir à la souveraineté populaire ».

Montebourg, c’est utile (Jean-Luc Mélenchon)

Sans oublier cet étonnant pas de deux avec Xavier Bertrand. « Il a une vision, il a fait bouger les choses », déclarait récemment le candidat putatif des LR à la présidentielle à propos d’Arnaud Montebourg, lequel s’est fait un plaisir de rendre la pareille : « Dans les Hauts-de-France, [Xavier Bertrand] a réhabilité la politique. Il y a certaines idées qu’il défend que j’approuve profondément. » Le lendemain, rapportait Le Figaro, l’ancien ministre de la santé de Sarkozy envoyait un SMS à l’ancien ministre du redressement productif de François Hollande, pour lui proposer de « se reparler ».

Montebourg est-il encore de gauche ? 2022 : le candidat de tous les souverainistes ?

Patriotes de tous les partis, unissez-vous ! Un an avant la présidentielle, la ligne affichée par Arnaud Montebourg a en tout cas réussi une partie du pari : faire le « buzz » autour d’une potentielle candidature du chantre de la « démondialisation ». Une candidature que les jeunes quadras de son premier cercle, ex de Sciences Po ou de l’Ena qui suivent l’homme à la marinière depuis son passage à Bercy, préparent activement, persuadés qu’après ses deux défaites cinglantes aux primaires socialistes de 2011 et 2016, leur champion ira cette fois « pour gagner ».

Jadot, Hidalgo, Montebourg, ambiances de campagne (Jean-Luc Mélenchon)

Le 10 janvier, la petite galaxie montebourgeoise a donc lancé un micro-parti, délié de toute attache partisane. Baptisée « L’Engagement », du nom du livre de Montebourg, paru en novembre chez Grasset, que l’auteur signe à tour de bras lors de séances de dédicaces très politiques, cette nouvelle formation ambitionne d’être « non un mouvement classique, mais un mouvement interclassiste qui part des besoins de gens et qui va chercher très large au-delà des étiquettes, même si on part de la gauche », détaille Valentin Przyluski, son homme de confiance vers lequel Montebourg, « submergé de messages », renvoie chaleureusement Mediapart.

En une semaine, la profession de foi de L’Engagement aurait engrangé 2 000 soutiens assez hétéroclites : des socialistes, mais aussi des électeurs de Jean-Luc Mélenchon en 2017, des déçus de Bayrou, des radicaux, des cadres et entrepreneurs, ou tout simplement des fidèles chez qui « Montebourg un jour » rime avec « Montebourg toujours », comme on dit, sourire aux lèvres, chez ses proches.

Prochaine étape avant la déclaration officielle de l’impétrant, peut-être courant mars : faire fleurir des dizaines de comités locaux dans toute la France, histoire de montrer qu’« Arnaud n’est pas seul, à part dans la nomenklatura parisienne – mais ça, on s’en moque », souligne Valentin Przyluski. Si pour l’instant le PS fait les yeux de Chimène à Anne Hidalgo, les montebourgeois, qui n’ont enregistré que peu de soutiens de figures socialistes (comme la sénatrice Laurence Rossignol), l’affirment autant qu’ils l’espèrent : l’arrivée de Montebourg dans la stratosphère pourrait faire tanguer le parti d’Olivier Faure.

Montebourg, nouveau « présidentiable » incontournable ? « La crise du Covid a révélé comme jamais la faiblesse de l’État, et nos idées sont devenues majoritaires », veut croire Michaël Dudragne, l’assistant du sénateur montebourgeois de Saône-et-Loire, Jérôme Durain, qui indique que l’interview de son mentor à Libération, en avril, en plein pendant le confinement, avait déclenché un flot d’« appels entrants » de potentiels soutiens s’interrogeant sur ses intentions pour 2022. « Voilà près de vingt ans que nos gouvernants s’appliquent à réduire le champ de l’État, y soutenait le héraut du « Made in France ». On voit le résultat : un État qui organise sa propre défaisance est donc défait en période de combat. Une reconstruction majeure se présente devant nous. »

Une reconstruction qu’il se propose d’engager autour d’une nouvelle synthèse politique, où droite et gauche se serreraient les coudes pour rendre sa puissance à une France en grave décomposition démocratique, économique et sociale. Au programme : une profonde refonte des institutions pour les débarrasser des scories bureaucratiques ayant conduit, entre autres, à l’incurie actuelle face au Covid 19. Et surtout, une reprise en main industrielle et économique : nationalisations, relocalisations, circuits courts... « Ce que la candidature Montebourg veut dire, c’est qu’on peut reprendre nos vies en main », résume Valentin Przyluski.

La seule solution à même de pouvoir éviter la catastrophe qui s’annonce, estime lui aussi l’économiste « atterré » David Cayla : « Dès que l’État aura arrêté la perfusion actuelle du chômage partiel, les faillites vont se multiplier comme jamais. La crise va tout emporter et il faudra tout reconstruire. C’est là qu’il faut quelqu’un qui apparaisse à la fois suffisamment anti-système pour conduire le changement, et comme un homme d’État capable de repenser la société française… Sinon, la défiance actuelle envers les institutions, ajoutée à la crise économique majeure qui est devant nous, peut déboucher sur des candidatures totalement folles. »

D’où cet appel à faire exploser le vieux clivage droite-gauche pour lui substituer celui entre (néo)libéraux et partisans d’un État interventionniste. « La droite post-gaulliste favorable à la participation, qui défend notre pays et n’est pas favorable à la mondialisation, me paraît tout aussi proche de moi que de nombreuses personnalités de gauche », affirme-t-il ainsi dans Le Point. « Le sujet, ce n’est pas la gauche, ce n’est pas la droite, c’est la France ! », répète à l’envi, depuis quelque temps, l’ancien ministre de François Hollande, pour qui « patriotisme » et « souverainisme » ne sont plus des gros mots.

Le 23 janvier, il devait d’ailleurs se rendre à une réunion publique à Paris, organisée par une petite association chevènementiste, « Nation souveraine », pour un débat sur la République. Finalement reporté à cause des restrictions sanitaires, le rendez-vous (400 spectateurs inscrits) l’aurait placé, dans l’amphi de l’institut de Géographie, aux côtés de « républicains » de tous bords : Jean-Pierre Chevènement, le député LR Julien Aubert, Henri Guaino, l’économiste David Cayla, Céline Pina, un temps proche du Printemps républicain avant de rejoindre la galaxie Onfray, ou encore l’ex-conseiller à l’international de Jean-Luc Mélenchon, Djordje Kuzmanovic – lequel avait pris la pose sous l’Union Jack pour fêter le Brexit, en février 2020, avec François Asselineau, Florian Philippot et Nicolas Dupont-Aignan…

Un bain quelque peu « confusionniste » qui interroge le politiste spécialiste du PS Rémi Lefebvre : « Ou c’est une stratégie d’entrée en campagne disruptive pour transgresser et occuper le terrain alors que la droite est dans une période de latence avec les régionales, ou c’est quelque chose de plus pensé, qui part du constat que le potentiel électoral de gauche est à un étiage particulièrement bas et qu’il faut l’élargir », tente-t-il de théoriser.

« Le talent de Montebourg, et sa spécialité, c’est sa capacité à “disrupter” : il y va à fond ! », analyse de son côté le camarade de l’Hérault Michel Calvo. L’adjoint aux affaires sociales du maire PS de Montpellier, qui a créé un groupe départemental autour d’une trentaine de sympathisants, socialistes pour la plupart, est quant à lui convaincu que l’entreprise est avant tout tactique : se faire une place dans un paysage déjà saturé de candidatures. Et faire oublier, par cet ethos « anti-establishment », l’étiquette du poing à la rose qui colle encore à la peau de l’ancien frondeur…

Tenter, par toutes les contorsions, d’élargir son espace politique : à vrai dire, l’entreprise est devenue presque banale au sein d’une gauche dont le socle électoral s’est considérablement rabougri depuis dix ans. Quand Jean-Luc Mélenchon avait essayé, en 2017 de fédérer les « fâchés, pas fachos » en mettant à distance les marqueurs traditionnellement associés à la gauche, Anne Hidalgo vise l’électorat des écologistes et des Marcheurs déçus, et Yannick Jadot, les écologistes « d’où qu’ils viennent »…

Reste à Montebourg le créneau expérimenté (en vain) par Jean-Pierre Chevènement il y a près de deux décennies, quand le ministre de l’intérieur de Jospin voulait unir les « Républicains des deux rives ». « Tout le monde sait qu’à gauche il n’y a plus de majorité électorale, donc il faut une majorité populaire qui aille des gilets jaunes aux cadres diplômés », confirme un conseiller du candidat putatif qui parle d’« arc souverainiste » allant de la gauche républicaine à la droite sociale.

Une idée pas si nouvelle, même si, cette fois, l’intéressé a décidé de hausser son niveau de jeu. Déjà en 2016, lors de son discours du mont Beuvray, quelques mois avant les primaires, le sortant du gouvernement Valls – qu’il avait pourtant contribué à installer à Matignon – entendait en effet construire « un projet alternatif […] aux appareils et hors de leur censure ». Mais s’il appelait à bâtir des « compromis innovants entre des forces antagonistes » pour « retrouver la France comme puissance », il expliquait néanmoins sa conception (certes extensive) de la « gauche » (aussi bien Colbert que Simone Veil, Michel Foucault que Régis Debray) – un mot martelé douze fois en vingt minutes de discours.

« À l’époque, raconte le socialiste de l’aile gauche Laurent Baumel, alors membre de son équipe de campagne avec François Kalfon, Kalfon et moi avons dissuadé Montebourg, déjà tenté d’entrer dans un rapport direct entre un homme et le peuple, d’être trop dans l’emphase, dans la provoc’. Peut-être alors, l’avons-nous trop bridé. »

Briser le cercle de la raison

Aujourd’hui, donc, plus de bride ni de politiquement correct. Montebourg « ne sai[t] plus ce que “la gauche” veut dire », réserve ses sorties presse au Figaro, et s’est même retrouvé à attribuer quelques bons points à la politique économique « keynésienne » de Donald Trump : « [Le personnage est] odieux, néanmoins les petits salaires se sont envolés, le chômage est tombé à 3 % et son protectionnisme a été pour moi vertueux. Il y a des éléments protectionnistes à reprendre », estimait-il ainsi au moment de l’élection américaine.

Dans son ouvrage, celui chez qui d’aucuns croient déceler les accents d’un « Boris Johnson de gauche » écrit aussi cette phrase en forme de vademecum politique : « Ne jamais préférer d’autres intérêts que ceux de la France et ne répugner devant aucun procédé pour la défendre. » La France donc, quoi qu’il en coûte.

Une ligne qui n’est pas que tactique. Sur le plan idéologique, il s’agit de « briser le cercle de la raison libérale », avance Valentin Przyleski. Mais aussi de répondre à ces délaissés de la mondialisation et des métropoles, ces gens de « quelque part » selon l’essayiste David Goodhart (qui les oppose aux « gens de nulle part »), décrits avec d’autres mots dans Ceux qui restent (La Découverte, 2019) par le sociologue Benoît Coquard.

« Oui, on est pour l’indépendance, mais pas sur une ligne “cocardière” », défend, lui, John Palacin, conseiller régional d’Occitanie et qui fut le directeur adjoint de la campagne des primaires 2011, avant de devenir membre de son cabinet à Bercy. Il convoque l’imaginaire du Conseil national de la résistance (CNR) lorsque, pour relever la France après la guerre, la droite et la gauche s’étaient unies pour défendre le programme des « jours heureux », et mettre en œuvre une grande série de nationalisations, le suffrage universel direct, la sécurité sociale ou l’augmentation massive des salaires. « Il faut se rappeler que le CNR, précise-t-il, c’était beaucoup de gens de gauche, et un peu de gens de droite, car la droite avait été très affaiblie par la collaboration. Par ailleurs, le centre de gravité était clairement à gauche. »

Ces dernières années, des coalitions de ce genre ont certes pu se matérialiser autour de certaines causes, comme la sauvegarde d’Alstom ou, l’an passé, la mobilisation, au succès relatif, contre la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP) qui a mobilisé des Insoumis au PS, et jusqu’à une partie (certes très minoritaire) des Républicains. Des alliances qui verraient d’ailleurs fréquemment le jour au cœur même de l’appareil d’État, sans que cela n’émeuve quiconque : « Quand j’étais au cabinet d’Arnaud, j’ai pu expérimenter personnellement le fait que ceux qui défendent l’intérêt général n’étaient pas tous de gauche, loin de là ! », raconte ainsi Valentin Przyluski. « Notre projet est un projet de fond, il ne saurait se réduire à un décalque de la vieille stratégie chevènementiste », ajoute John Palacin.

Ce qui n’empêche pas Claude Nicolet, chevènementiste devant l’éternel et fondateur de l’association Nation citoyenne, organisatrice de la réunion annulée du 23 janvier, de voir midi à sa porte : « Je ne peux qu’applaudir : Montebourg fait ce que nous proposions il y a vingt ans, même si les personnages en présence étaient alors Seguin et Chevènement ! », s’enflamme cet électeur de Mélenchon en 2017 qui croit dur comme fer au « retour de la nation » dans la doxa politique française. Aujourd’hui, juge-t-il, « les Républicains des deux rives doivent se parler pour contrer le libéralisme et aussi une certaine partie de la gauche, comme les écologistes “indigénistes” et les pro-CCIF [Collectif contre l’islamophobie en France – ndlr] ».

Même enthousiasme du côté de François Cocq, ce très proche de Jean-Luc Mélenchon, banni sans ménagement du mouvement il y a deux ans. Désormais, celui-ci se retrouve en phase avec « l’idée d’un État protecteur, d’une souveraineté de progrès, mais aussi d’une forme de raison populaire. Montebourg a su prendre en compte ce qu’il s’est passé avec les Gilets jaunes, c’est rare ».

Djordje Kuzmanovic voit lui aussi dans le personnage une alternative à un Jean-Luc Mélenchon qui, de zigzags stratégiques en zigzags idéologiques, aurait abandonné sa ligne fédératrice de 2017 : « Un bloc souverainiste qui s’oppose au bloc néolibéral : grâce à un alignement des planètes, Montebourg pourrait incarner ce grand courant-là ! », dit-il, même s’il attend des « gages » : « Il doit entreprendre un travail de séduction, comme Jean-Luc l’a fait après sa sortie du PS. S’il y parvient, c’est lui qui incarnera le courant populiste et Mélenchon sera obligé de se retirer de la course vers 2022. »

Pour l’instant, l’hypothèse ne semble pas ébranler le moins du monde le leader de La France insoumise : « Montebourg laboure mon jardin », se contente-t-il de commenter en souriant. Il faut dire que, comparés aux 200 000 parrainages citoyens qui accompagnent la candidature du député de Marseille, L’Engagement et ses 2 000 signataires font, pour l’instant, figure de petit joueur. L’insoumis en chef a toutefois récemment rencontré l’ancien socialiste, et lui aurait proposé un « pacte de non-agression ».

Lundi, il s’est aussi fendu d’un post de blog où il raille les « picorées à droite » de son possible adversaire, et avertit qu’une telle ligne ne peut que conduire à « un compromis tiède aboutissant au final à la conservation des rapports sociaux actuels ». Son lieutenant Éric Coquerel, lui aussi passé par le chevènementisme à la fin des années 1990, ne dit pas autre chose : « Cette stratégie d’union sacrée, c’est celle qui a fait passer Chevènement de 14 % à 5 % en 2002. Quand on se dit ni de gauche ni de droite, on finit toujours par se faire emporter par un courant droitier. »

Pour une fois raccord avec les insoumis, le PS oscille, lui aussi, entre circonspection et inquiétude face à l’objet politique non identifié proposé par Montebourg. « Qu’il veuille revenir à plus de souveraineté, sur le plan sanitaire, alimentaire, démocratique, je suis d’accord. Être souverain, oui, mais pour décider par exemple d’un impôt sur la fortune ! Eux [la droite – ndlr], ils sont contre », a fait remarquer Olivier Faure sur France Inter ce week-end.

« La ligne des “Républicains des deux rives” peut créer un effet dans une opinion qui évolue dans un paysage politique beaucoup plus destructuré qu’en 2002, ajoute Laurent Baumel, mais elle exclut, de fait, Montebourg des interlocuteurs de gauche. » Un autre ancien camarade : « Quand je le vois parler à Guaino ou Bertrand, je me dis qu’il a oublié qu’ils sont à l’origine de la RGPP [Révision générale des politiques publiques ; lancée sous Sarkozy, elle vise à supprimer un fonctionnaire sur deux – ndlr]. Par ailleurs, cela fait des années qu’Arnaud a pris langue avec des crypto-souverainistes comme Hubert Védrine ou des gens proches du Frexit, ce qui me déplaît sur le fond. »

Y compris dans l’entourage de Montebourg, on ne cache pas un léger malaise. Sur les termes, on s’interroge : et si on remplaçait « souverainisme » par « indépendance » – moins sulfureux ? Quant à l’affichage répété avec des figures de droite, il laisse certains un peu songeurs : « Que Julien Aubert soit d’accord avec nous, pourquoi pas : il fait ce qu’il veut. Mais on a quand même de grandes différences avec les gaullistes. Je ne me vois pas marcher avec des mecs qui ont combattu le mariage pour tous », dit un proche. Un autre : « Depuis les années Sarko, le souverainisme de droite n’existe que de manière marginale. La droite est devenue largement ultralibérale. À moins bien sûr que Xavier Bertrand fasse fructifier une droite sociale et souverainiste, mais je demande à voir... »

À droite, on observe cette forme de triangulation avec un mélange de curiosité et de perplexité. Chez ceux qui murmurent à l’oreille de Xavier Bertrand, on y voit une opportunité tactique, destinée à prendre Emmanuel Macron en tenailles. « Montebourg, c’est compatible avec ce qu’on porte. Il faut réfléchir à un élargissement autour de la grandeur française, de l’esprit gaulliste », avance William Thay, le président du Millénaire, un think tank qui, au détour d’une note consacrée à la « révolution Trump », estimait récemment que « la droite doit voir les possibilités de parler à un électorat plus large que son socle historique ». « Néanmoins, ajoute William Thay, il faudra bien sélectionner les figures de gauche pour ne pas perdre notre cœur de doctrine. Entre Hubert Védrine et Dominique de Villepin, par exemple, il n’y a pas de différence. Cette union-là peut marcher. »

« Montebourg parle le langage de la souveraineté, estime quant à lui Sébastien Meurant. La question de la nation n’est pas de droite ou de gauche. La situation est tellement grave qu’il va falloir faire des choix. » Olivier Marleix abonde : « Le mondialisme débridé de Macron a entraîné une espèce de sursaut patriotique, à gauche comme à droite. Le constat est de plus en plus partagé, y compris à droite, d’un capitalisme mondial illibéral, d’une mondialisation sans règles, qui détruit nos valeurs et notre tissu économique. »

L’ancien conseiller de Sarkozy reste cependant très prudent sur l’idée d’une véritable recomposition politique : « Quoi qu’on dise, Arnaud Montebourg reste un homme de gauche, on a des nuances et des différences sur la liberté d’entreprise, sur l’immigration… » Même topo de Julien Aubert, pourtant l’une des figures les plus ouvertement souverainistes de LR, qui préside depuis trois ans son propre mouvement, « Oser la France », destiné à réunir les « Républicains des deux rives » autour du gaullisme et du rapport à la France. « On a des points communs sur le plan de la stratégie industrielle mais au-delà, il n’y a pas grand-chose, juge-t-il. J’aimerais bien savoir ce qu’il propose sur l’immigration, sur l’identité ou sur l’islamisme. Le patriotisme, ce n’est pas seulement économique, c’est charnel. »


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