Médicaments : quand le « génie français » passe sous pavillon coréen

mardi 9 février 2021.
 

La société YposKesi, l’une des plus prometteuses biotech françaises, créée par l’AFM-Téléthon et par la BPI, va être cédée à un groupe coréen. L’opération illustre le naufrage de l’industrie pharmaceutique française et le double discours du pouvoir.

Par Laurent Mauduit

Dans les turbulences de la crise sanitaire, l’échec de Sanofi et de l’Institut Pasteur dans la recherche d’un vaccin français pour lutter contre la pandémie est l’un des grands débats du moment. Et de nombreux élus ont choisi d’en faire leur cheval de bataille, à l’image du député Insoumis François Ruffin qui, dénonçant le naufrage du groupe pharmaceutique, réclame à cor et à cri la constitution d’une commission d’enquête parlementaire sur le sujet.

Emmanuel Macron, lui, conteste farouchement la passivité dont on lui fait grief. Et depuis plus d’un an, il a, à d’innombrables occasions, répété que l’une de ses priorités était de défendre la souveraineté de la France et de l’Europe, notamment la souveraineté sanitaire, de telle sorte qu’elles soient indépendantes et libres de leurs choix pour l’avenir.

Appuyés par de nombreux tweets, c’est par exemple ce qu’il a dit avec force le 28 août dernier, à l’occasion d’un discours prononcé lors d’une visite de l’entreprise pharmaceutique Seqens à Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine), dont on trouve toujours trace sur le site de l’Élysée. Disant de l’industrie pharmaceutique qu’il s’agit d’un « secteur stratégique pour notre pays », il a assuré que le gouvernement ferait tout pour reconstruire une véritable filière française et pour œuvrer aux relocalisations : « C’est préparer la France de 2030. Ça n’est pas subventionner les secteurs en difficulté. Nous l’avons fait partout où c’était nécessaire et utile. C’est investir dans l’avenir, dans l’accélération de nos transformations, et de nos grandes transitions. C’est investir pour transformer, c’est bâtir la France de demain […] Dans ce contexte, les relocalisations jouent pour nous un rôle fondamental. D’abord, parce que c’est montrer qu’il n’y a pas de fatalité et c’est bâtir sur des secteurs d’avenir comme en particulier le secteur pharmaceutique, la capacité à relocaliser de la production », a-t-il ainsi déclaré.

Alors que Sanofi et l’Institut Pasteur n’ont pas été capables de concevoir et produire un vaccin contre le coronavirus, révélant en cela que la France avait largement perdu pied dans l’industrie du médicament, le chef de l’État a, en résumé, promis qu’il avait pris la mesure de ce désastre et que l’on pouvait compter sur lui pour regagner le terrain perdu.

Si le propos est rassurant, il peine pourtant à emporter la conviction. Pour qui connaît l’histoire de la société YposKesi, l’une des plus prometteuses biotech françaises, créée conjointement par l’AFM-Téléthon et par la Banque publique d’investissement (BpiFrance), et donc financée par les dons des Français ou par de l’argent public, on peut même douter de la sincérité présidentielle.

Pis que cela ! On se prend à penser que le chef de l’État manie le double langage puisqu’au moment même où il promet aux Français qu’il va œuvrer à une reconstruction de l’industrie française du médicament, YposKesi, la belle réussite française, est en train de passer discrètement sous pavillon… coréen ! Et cette cession, que Mediapart est en mesure de révéler, est pilotée par Bpifrance, un établissement public qui est présidé par Nicolas Dufourcq, un proche d’Emmanuel Macron.

Cette histoire mérite donc d’être contée par le menu, pour une double raison. D’abord parce qu’elle révèle la schizophrénie sévissant dans les sommets du pouvoir. Et ensuite, parce qu’elle permet de prendre véritablement la mesure du naufrage de l’industrie pharmaceutique française, happée par les logiques financières, car si l’AFM-Téléthon et la BPI ont opté pour une solution coréenne, c’est parce qu’elles n’ont pas trouvé de partenaires industriels ni en France ni en Europe. Partout, porte close !

capture-d-e-cran-2021-01-28-a-15-42-30 À l’origine d’YposKesi, il y a donc le combat courageux depuis 1958, année de sa création, de l’association AFM-Téléthon, qui regroupe depuis de longues années malades et parents de malades dans le combat contre les maladies génétiques rares – les maladies neuromusculaires. « Au sein de l’AFM-Téléthon, bénévoles et salariés s’allient pour mettre en œuvre une stratégie uniquement guidée par l’intérêt des malades et l’urgence de la maladie évolutive », lit-on sur le site de l’association.

Au fil des ans, l’AFM-Téléthon a donc progressivement comblé un vide – ou plutôt un double vide. Car l’industrie privée s’est pour l’essentiel détournée de ce secteur des maladies rares, exigeant des recherches immensément coûteuses sans perspective de profits. Mais la recherche publique, étouffée par des décennies d’austérité, a aussi été très largement défaillante.

Et cette défaillance, on semble s’y être tristement accoutumé, comme s’il était normal que l’État ne fasse rien – ou si peu – et que le financement de la recherche pour soigner les maladies rares ne dépende que de la générosité publique, notamment au travers du Téléthon qui recueille bon an mal an de 70 à 90 millions d’euros de promesses de dons – mais seulement 58 millions en 2020 du fait de la crise sanitaire.

Quoi qu’il en soit, depuis plus de 60 ans, l’AFM-Téléthon a donc multiplié avec pugnacité les initiatives pour financer des recherches très nombreuses. Mais au fil des ans, accumulant les projets, l’association s’est heurtée à une difficulté nouvelle, celle de l’industrialisation, afin de produire les médicaments tant espérés par les familles de malades.

Comme l’explique la présidente de l’AFM-Téléthon, Laurence Tiennot-Herment dans cette vidéo enregistrée sous l’égide de l’ESSEC, c’est ainsi que l’association s’est assez naturellement rapprochée de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), puis de la BPI quand elle a vu le jour, pour avancer dans cette direction.

Cette coopération AFM-Téléthon/BPI a connu deux grandes étapes. D’abord, cherchant à passer à des projets à but thérapeutique, l’association, qui avait en portefeuille « une quinzaine de projets qui étaient à un stade de maturité telle que cela pouvait donner lieu à un traitement sous dix ans », a approché une première fois la BPI pour lui proposer de créer avec elle un « fonds d’amorçage », pour aider à la création et à l’impulsion de start-up, chargées chacune de deux ou trois de ces projets, et permettre, à terme, l’accès aux médicaments à « des prix justes et maîtrisés » – ce qui est l’un des objectifs constants de l’AFM-Téléthon. C’est ainsi que ce fonds d’amorçage a vu le jour en mai 2013, l’AFM-Téléthon apportant 30 millions d’euros et la BPI 20 millions.

Puis, il y a eu une seconde étape. Le marché privé étant totalement défaillant dans ce domaine des maladies rares, l’AFM-Téléthon a pensé qu’elle devait alors chercher à régler le problème de l’industrialisation. Elle a alors repris contact avec la BPI, ou plus précisément avec l’une de ses structures, la Société de projets industriels, pour lui proposer de créer ensemble une plateforme industrielle, dans le but de produire à l’avenir des lots de médicaments de thérapie génique découlant de ses recherches, celles du Généthon, notamment pour soigner certaines maladies rares ou incurables, et ultérieurement certaines maladies plus fréquentes, comme certaines formes de cancer.

Pour l’AFM-Téléthon, cette démarche était donc une forme d’aboutissement. Ayant déjà créé un laboratoire très connu, le Généthon, pionnier de la thérapie génique depuis trente ans, l’association a donc voulu se doter d’un outil pour fabriquer des médicaments à façon.

C’est donc dans ce but que l’AFM-Téléthon a créé une holding financière rassemblant ses propres forces, à savoir l’association elle-même, le Généthon et un laboratoire de recherche sur les cellules souches dénommé CECS/I-Stem. Et c’est cette holding qui, en novembre 2016, a passé un nouvel accord avec la BPI pour créer cette plateforme industrielle, qui a donc été baptisée YposKesi (du grec Υποσκέσι, c’est-à-dire « la promesse »). Ci-dessous, une courte vidéo réalisée par l’association présentant le projet :

La holding de l’AFM-Téléthon, dénommée H-MRB, a donc apporté dans la corbeille de mariage 21,5 millions d’euros, plus un apport en industrie évalué à 38,5 millions d’euros, soit la somme considérable de 60 millions d’euros au total. Et la BPI a mis sur la table 52 millions d’euros, avec l’engagement que ses financements grimperaient jusqu’à 84 millions d’euros, dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir. Les deux alliés se sont donc partagé le contrôle de la nouvelle entreprise, l’AFM-Téléthon obtenant 54 % du capital et la BPI 46 %.

Et c’est peu dire qu’à l’époque, la « promesse » portée par YposKesi a soulevé un immense enthousiasme, tout particulièrement parmi les malades et leurs familles qui se sont pris à penser que la prochaine industrialisation de certains médicaments de thérapie génique allait peut-être bientôt mettre fin à leur calvaire.

Non à Couche-Tard mais oui à SK Holdings

L’enthousiasme était d’autant plus justifié que l’AFM-Téléthon, qui est une association à but non lucratif, rappelle constamment qu’elle agit dans un but d’intérêt public et qu’elle a pour ambition de permettre l’accès à des médicaments à « des prix justes et maîtrisés ». C’est un leitmotiv de l’association, qui revient constamment dans toutes les allocutions de ses responsables, comme en témoigne l’entretien qu’a réalisé le journal Le Parisien, le 17 novembre 2016, avec le président d’YposKesi, Frédéric Revah, lors de la création de la société.

En clair, c’est la promesse qu’une jeune entreprise française, financée grâce aux dons des Français et à des financements publics, cherchera d’abord à produire des médicaments de nature à guérir des malades, en dehors des logiques ultraspéculatives dans lesquelles le capitalisme financiarisé a happé toute l’industrie, et malheureusement aussi l’industrie pharmaceutique.

brigitte Même si elle n’a pas encore fait ses preuves, la toute jeune société est donc dans les années qui suivent fréquemment montrée en exemple. De nombreux parlementaires vont ainsi régulièrement à Évry pour visiter l’entreprise, installée juste en face du Généthon. Le 21 janvier 2019, Brigitte Macron fait elle-même le déplacement pour manifester l’appui de l’Élysée.

Et puis surtout, preuve de la grande sollicitude présidentielle, YposKesi est distinguée en janvier 2020 : le palais de l’Élysée organise alors en son sein, les 18 et 19 janvier, une exposition consacrée aux produits fabriqués en France et invite une entreprise particulièrement exemplaire par département à y participer ; et YposKesi est l’entreprise qui est choisie pour y représenter l’Essonne. Sur le site de l’Élysée, les exposants sont salués en des termes dithyrambiques : « À l’Élysée, nous sommes fiers de cette créativité, de ce savoir-faire, de ce génie français. Nous aurions aimé tout vous montrer, mais les murs du Palais ne sont pas extensibles. »

YposKesi : l’un des symboles du « génie français » !

Seulement voilà ! Malgré la très flatteuse mise en scène élyséenne, les débuts de l’entreprise sont chaotiques. C’est du moins ce que suggèrent plusieurs témoignages que Mediapart a recueillis. D’abord, la gestion est désordonnée, et de nombreux cadres dirigeants quittent le navire alors que l’aventure commence à peine.

En outre, selon une très bonne source, la constitution de l’entreprise se fait en partie avec l’apport d’actifs fictifs, valorisés pour 13 millions d’euros, prenant notamment en compte des brevets qui sont déjà tombés dans le domaine public. Et le commissaire aux apports, qui n’y connaît rien, n’y aurait vu que du feu, à la stupéfaction de cadres de l’entreprise.

Sur le plan financier, les débuts sont aussi préoccupants puisque, année après année, le chiffre d’affaires stagne, à peine au-dessus de 10 millions d’euros, tandis que les charges ne cessent de progresser, avec en bout de course un résultat d’exploitation qui s’enfonce de plus en plus dans le rouge : -12,3 millions d’euros en 2017 ; -14,3 millions en 2018 puis -18,7 millions d’euros en 2019. Au total, sur les trois premiers exercices, la société consomme la bagatelle de 43,2 millions d’euros.

En réponse aux questions de Mediapart, la direction de la BPI s’affiche pourtant sereine. Elle fait valoir qu’il est encore trop tôt pour s’inquiéter de ces résultats compte tenu de la jeunesse de l’entreprise. Et elle assure que les défections enregistrées dans l’entreprise sont monnaie courante dans un secteur où sévit une guerre des talents, et où les entreprises concurrentes cherchent constamment à débaucher les experts qu’elles repèrent. Rien donc que de très classique, selon la version qui nous a été servie…

Mais si les débuts apparaissent chaotiques, c’est surtout pour une autre raison : c’est que cette jeune société française, qui a tout juste quatre ans, va donc être croquée par une société coréenne. Et là, d’un seul coup, on se prend à songer que l’entreprise tourne le dos à la « promesse » qui était celle de sa création. Et tourne aussi le dos radicalement à l’engagement du chef de l’État de tout mettre en œuvre pour reconquérir une souveraineté du pays en matière d’industrie pharmaceutique.

Les premières sources qui nous ont alertés sur le rachat imminent d’YposKesi par le groupe coréen SK Holdings ne nous ont d’ailleurs pas même parlé de « promesse bafouée ». Usant de termes beaucoup plus critiques, plusieurs nous ont dit qu’il s’agissait d’une véritable trahison, compte tenu de l’espoir qu’YposKesi avait fait naître auprès de nombreux malades et de leurs familles.

La direction de la BPI, qui a donc accepté de répondre à nos questions, nous a d’abord confirmé que des négociations exclusives étaient bel et bien engagées avec ce groupe coréen, et pourraient aboutir dans les prochaines semaines. Les négociations en cours prévoient que le groupe coréen prendrait 70 % du capital et serait donc l’actionnaire majoritaire de l’entreprise, tandis que les actionnaires fondateurs, la holding d’AFM-Téléthon et la BPI, garderaient 30 % du capital, et siègeraient au conseil d’administration.

La rumeur qui circulait depuis quelques semaines dans quelques revues spécialisées (voir ici ou là) est donc confirmée : le symbole du « génie français » va bientôt passer sous pavillon coréen. D’après nos sources, c’est la banque Lazard qui serait à la manœuvre pour le montage financier. Il viserait donc à ce que l’un des plus grands conglomérats coréens – les « chaebols » , comme on les appelle dans ce pays – prenne le contrôle de la société.

Selon une revue spécialisée, SK Holdings souhaite prendre le contrôle d’YposKesi via sa filiale SK pharmteco : « L’opération représente la troisième acquisition cross-border dans le secteur CDMO/CMO (contract development & manufacturing organization, sous-traitant dans la fabrication de produits pharmaceutiques) après celle en 2017 du site de Bristol-Myers Squibb (BMS) à Swords (en Irlande) et celle en 2018 d’AMPAC en Californie (États-Unis). »

Par avance, la BPI balaye les critiques que l’opération ne manquera pas de susciter. Elle fait valoir qu’elle répond à des exigences très fortes. D’abord, elle estime que, depuis quatre ans, de nombreuses biotech similaires ont émergé un peu partout dans le monde, beaucoup aux États-Unis, un peu en Asie. Et que cette industrie très spécialisée est désormais entrée dans une phase de consolidation – ou, si l’on préfère, de concentration.

Il serait donc impossible de ne pas prendre en compte cette phase de regroupement, car le fait d’atteindre une taille critique est le gage pour conduire une industrialisation efficace, baisser les prix de production, et donc continuer d’honorer la promesse de l’AFM-Téléthon sur les prix des médicaments.

Et puis, deuxième argument, la BPI fait valoir qu’YposKesi a été approchée par de nombreux acteurs, mais a rejeté toutes les propositions qui émanaient de fonds d’investissement. Le but des actionnaires fondateurs était, nous a-t-on assuré, de trouver un acteur industriel acceptant les ambitions initiales de l’entreprise française, et désireux de développer l’activité à Évry. Pour la BPI, la question ne souffre donc pas la discussion : YposKesi restera une entreprise française !

La présidente de l’association Laurence Tiennot-Herment, et le président d’YposKesi, Frédéric Revah, qui est aussi le directeur du Généthon, ont aussi accepté de répondre aux questions de Mediapart. Ils nous ont fait valoir que l’association n’avait naturellement pas vocation à devenir durablement un acteur industriel, et qu’ayant amorcé le projet YposKesi, il était logique qu’un opérateur industriel prenne le relai pour gérer la nouvelle entreprise.

Autre argument : les deux responsables sont convaincus qu’ils ne prennent aucun risque en passant la main à un opérateur coréen, parce que, en amont, ce sont les recherches qui sont décisives. Les recherches et la conception des médicaments ultrasophistiqués de thérapie génique, ce sera donc le Généthon qui les pilotera. Et YposKesi aura seulement vocation d’être un prestataire, ensuite, pour produire à façon ces médicaments – ceux du Généthon ou éventuellement d’autres laboratoires.

Pour les deux responsables, il y a donc un nécessaire arrimage entre Généthon et YposKesi, que la cession de cette entreprise ne risque pas de remettre en cause, car le nouvel actionnaire coréen n’aura naturellement aucun intérêt à prendre ses distances avec le Généthon, qui est la référence dans ce domaine, et qui sera son client.

Laurence Tiennot-Herment est par ailleurs convaincue que la promesse de prix « justes et maîtrisés » n’en sera pas plus remise en cause par cette cession, pour la bonne raison qu’YposKesi n’aura la charge que de la fabrication industrielle des médicaments, Généthon gardant la main sur leur commercialisation. Les prix seront donc fixés par les concepteurs des médicaments, qui sont aussi ceux qui les commercialiseront, et pas par le fabricant à façon.

Tous ces arguments ne gomment pourtant pas l’interrogation de fond : pourquoi la société YposKesi est-elle vendue à un conglomérat coréen ? Emmanuel Macron aura évidemment les pires difficultés à répondre à l’interpellation. Les oppositions lui feront naturellement grief de prendre des postures avantageuses dans le débat public en se disant partisan de la souveraineté sanitaire du pays, et d’être partisan du laisser-faire en pratique.

L’interpellation vaut tout autant envers le ministre des finances. Car Bruno Le Maire a tout récemment fait acte d’autorité, en annonçant son opposition à une OPA, pourtant amicale, du groupe canadien Couche-Tard sur Carrefour, au motif que cela risquait de mettre en cause la « souveraineté alimentaire » de la France, mais il n’a pas sommé la BPI, contrôlée par l’État et la CDC, de suspendre son projet de cession d’YposKesi à un groupe coréen, comme si la souveraineté pharmaceutique de la France était le cadet de ses soucis…

L’État n’a donc pas mis son veto à l’opération, et quand bien même l’aurait-il fait, cela n’aurait pas changé grand-chose. Car c’est sans doute l’aspect le plus révélateur de l’histoire, et qui en dit très long sur le naufrage de l’industrie pharmaceutique française : c’est qu’en fait, les actionnaires historiques d’YposKesi, la BPI et l’AFM-Téléthon, ont multiplié les prospections pour trouver un opérateur industriel, en France et en Europe, et ils ont trouvé porte close partout.

Selon nos sources, ils ont en particulier frappé à la porte de Sanofi, dont le président du conseil d’administration est Serge Weinberg, l’ex-directeur de cabinet de Laurent Fabius, mais le groupe pharmaceutique n’a pas levé le petit doigt. Pas de profits rapides en perspective, ni de généreuse distribution d’actions gratuites : Sanofi ne s’est pas montré intéressé par le projet !

C’est donc dans ces conditions que des pourparlers ont été entamés avec SK Holdings, qui présente au moins l’avantage de travailler déjà à façon et donc de correspondre très exactement au profil recherché.

Sans doute est-ce d’ailleurs la raison pour laquelle l’idée d’une commission d’enquête parlementaire sur Sanofi, défendue par François Ruffin, mérite sûrement de faire son chemin. Car elle permettrait de mieux cerner les causes du naufrage de l’industrie pharmaceutique française. Pas seulement le retard sur les vaccins contre le coronavirus ; plus largement, l’effondrement d’un secteur qui a été happé par les logiques financières du nouveau capitalisme, et qui a perdu pied progressivement avec les logiques industrielles…


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