Sur les origines du virus, l’OMS rend ses conclusions

vendredi 12 février 2021.
 

« Avons-nous changé drastiquement de vision ? Je ne pense pas. Avons-nous amélioré notre compréhension de la situation en y ajoutant plus de détails ? Absolument. » Peter Ben Embarek, scientifique danois et leader de la délégation d’experts internationaux mandatés par l’OMS pour enquêter sur l’origine du virus à Wuhan en Chine, a rapidement voulu doucher les espoirs de ceux qui espéraient des révélations sur l’origine de la pandémie qui met la planète sens dessus dessous depuis un an. Prudents concernant leurs premières conclusions, les scientifiques ont déterminé que la transmission du virus de l’animal à l’homme par un hôte intermédiaire restait l’hypothèse « la plus probable », même si ce dernier n’a pas été identifié. Cette piste demande néanmoins « des recherches plus spécifiques et ciblées », a précisé Ben Embarek lors d’une conférence de presse à Wuhan. La délégation a estimé la fuite du virus depuis un laboratoire « hautement improbable ». Plus surprenant, elle n’a pas écarté l’hypothèse d’une transmission par les produits congelés, quand Pékin pointe du doigt des importations de surgelés à chaque découverte de nouveaux cas de Covid.

« Menaces et pressions constantes »

Plus d’un an après le début de la propagation du virus, la venue de cette mission internationale a été présentée par les médias d’Etat chinois comme une preuve de la transparence du régime. Pourtant, à l’heure où les experts de l’OMS mettaient les pieds à Wuhan pour entamer leur quatorzaine, après des mois de négociations pour obtenir les autorisations, les autorités chinoises faisaient le ménage en ligne. Une discussion qui regroupait une centaine de membres de familles de victimes du Covid-19 sur WeChat, application aussi populaire que censurée, était désactivée. Plusieurs de ces familles ont attaqué en justice les autorités locales de Wuhan et de la province du Hubei pour leur inaction et leur retard au début de l’épidémie. Une attitude qui leur vaut d’être désormais la cible du pouvoir chinois.

« Les menaces et les pressions sont constantes. Seul un petit nombre de familles continue de résister », explique à Libération Zhang Hai, qui a perdu son père l’an dernier à cause du virus et qui était à l’initiative du groupe WeChat. Originaire de Wuhan, il dénonce une « enquête passive » et « non indépendante » de l’OMS. « J’ai suivi leur itinéraire avec attention, les enquêteurs devaient soumettre à la partie chinoise les endroits à visiter et les personnes à interroger avant que les autorités locales ne se chargent de tout organiser. Dans ces conditions, c’est impossible d’enquêter indépendamment », proteste Zhang, qui a demandé à plusieurs reprises à rencontrer les experts internationaux, sans succès.

Le parcours des enquêteurs, tenus à bonne distance des journalistes sur place, a en effet de quoi interroger. Passés par le marché de Huanan, considéré comme le premier foyer connu de la pandémie, fermé et nettoyé depuis le 1er janvier 2020, les scientifiques ont surtout fait étape dans un musée de Wuhan, où ils ont visité une exposition à la gloire du Parti communiste chinois et qui rend hommage à la réponse sanitaire du gouvernement. De son côté, l’OMS – critiquée pour son attitude conciliante envers Pékin – avait depuis longtemps modéré les attentes autour de cette mission tant attendue. Le mois dernier, Michael Ryan, le directeur des questions d’urgence sanitaire, affirmait déjà que l’équipe ne cherchait « pas des coupables ni des accusés ».

Désengager sa responsabilité

Durant leur séjour, les experts ont également pu visiter l’Institut de virologie de Wuhan, cible de l’administration Trump qui affirmait, sans preuve, que le virus se serait propagé depuis ce laboratoire ultra-sécurisé spécialisé dans les coronavirus. Depuis le début de l’épidémie, l’origine du Covid-19 est devenue un point de raidissement entre Pékin et Washington. En début de semaine, l’ambassadeur chinois aux Etats-Unis, Cui Tiankai, enjoignait les Etats-Unis à « accepter eux aussi » une enquête de l’OMS sur leur sol, faisant écho à une thèse selon laquelle le virus a été importé en Chine par des soldats américains, à l’occasion des Jeux paramilitaires de Wuhan à l’automne 2019.

Depuis plus d’un an, la Chine cherche à désengager sa responsabilité dans une crise sanitaire qui a égratigné son image à l’international, infecté plus de 106 millions de personnes et causé la mort de 2,3 millions d’entre elles (pour les cas enregistrés). Dans les médias d’Etat chinois, on réfute la thèse d’un virus originaire de Wuhan. En ce sens, le chef de la délégation chinoise, Liang Wannian, a indiqué que le virus circulait déjà avant qu’il ne soit identifié dans la capitale du Hubei en décembre 2019, avant d’ajouter que les recherches ne devraient « pas être limitée à un seul endroit » sur le globe. Les autorités chinoises, elles, réfutent le terme d’« enquête » de l’OMS, le ministère des Affaires étrangères préférant désigner cette mission comme « un des volets de la recherche mondiale sur l’origine du virus ».


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