Les conséquences en chaîne du dérèglement climatique sont déjà à l’œuvre. Elles contaminent tous les grands cycles de la nature. Les océans n’échappent pas à ces bouleversements. Les scientifiques surveillent avec attention les courants océaniques depuis des décennies. En effet, leur bon fonctionnement joue un rôle très important dans la régulation du système climatique mondial. Il faut savoir que les océans ne sont pas des masses immobiles et inertes. Au contraire, ils sont brassés et liés entre eux par des courants marins en surface ou sur les fonds ou entre deux et passant de l’un à l’autre au long d’un trajet en boucle fermée. Les scientifiques ont un terme savant pour nommer ce tapis roulant à grande échelle. Ils l’appellent « circulation thermohaline ». Cette circulation fait office de thermostat du climat.
Le « Gulf Stream » est un des courants les plus connus. Il circule d’Est en Ouest dans l’Atlantique Nord. Il transporte les eaux chaudes du golfe du Mexique vers le Nord de l’Europe. Concrètement, cela représente près de 20 millions de mètres cubes d’eau par seconde, soit près de 100 fois le débit du fleuve Amazone. Ce courant agit comme un régulateur thermique et influe directement sur la météo. Par exemple, nous lui devons le doux climat de la façade Atlantique. Il était très stable depuis un millénaire. Or, une étude publiée jeudi dernier tire la sonnette d’alarme. Les scientifiques se sont aperçus qu’il ne circulait plus à la même vitesse qu’auparavant. Ainsi, le Gulf Stream n’a jamais été aussi faible depuis mille ans. Les chercheurs ont abouti à cette conclusion en étudiant une de ses composantes. appelée « circulation méridienne de retournement Atlantique » (AMOC). Au total, le courant océanique aurait diminué de 15% en soixante-dix ans.
Voyons d’abord les causes de ce ralentissement. Normalement, lorsqu’elles arrivent au Nord, les eaux de surface deviennent assez salées et froides pour plonger dans les profondeurs. Cela donne de la force au mouvement pour repartir vers le sud. Mais du fait réchauffement climatique, les glaces fondent et les précipitations sont plus importantes. Cela injecte de grandes quantités d’eau douce dans l’eau de mer. A cela s’ajoute le réchauffement des eaux de surface. Ainsi, moins salées et plus chaudes, les eaux de surface perdent en densité. Or, c’est la différence de densité entre les eaux de surface et celles des profondeurs qui est le moteur des courants marins. Mécaniquement, des eaux de surface moins denses seront à la peine. Voilà comment le roulement du tapis s’enraye.
La gravité et l’importance du phénomène se mesurent à l’aune des conséquences potentielles. En Europe du Nord, la fréquence des tempêtes et le niveau des mers augmenteraient. Les saisons pourraient être plus marquées. Concrètement, cela signifie des hivers plus froids et d’importantes vagues de chaleur l’été. La vie marine pourrait elle aussi être impactée et s’appauvrir. Dans la région du Sahel, les précipitations se feraient encore plus rares. On voit comment un ralentissement important du Gulf Stream pourrait avoir des conséquences directes sur nos existences.
Nos modes de production, de consommation et d’échanges actuels nous placent sur des trajectoires de réchauffement entre +3°C et +5°C. Or, plus le réchauffement augmente, plus la circulation des courants océaniques ralentit. Tout est lié et nos vies en dépendent. Certes, l’ampleur de ce ralentissement reste l’inconnue majeure. Certains modèles prédisent que d’ici la fin du siècle, ce courant aura diminué de 20 %, d’autres avancent un chiffre de 80 %. Quoiqu’il en soit, un tel cercle vicieux risque de nous faire franchir un point de bascule irréversible et dévastateur. Cela nous donne donc une raison supplémentaire de s’atteler à la grande bifurcation écologique. Celle-ci a pour objectif de restaurer l’harmonie entre les cycles de nos activités et ceux de la nature. Il n’y a pas d’autres façon de préserver le seul écosystème compatible avec la vie humaine.
Date | Nom | Message |