Hong Kong : condamné à passer 14 mois en prison, Lee Cheuk Yan continue sa lutte pour « donner aux pauvres et aux opprimés la force de s’exprimer et de se lever pour défendre leurs droits ».

mardi 27 avril 2021.
 

« Votre Honneur, je plaide coupable mais je n’ai commis aucune faute en affirmant que le droit des peuples à manifester pacifiquement est un droit fondamental et je crois que l’Histoire m’absoudra. Puis-je en dire un peu plus sur mon parcours afin que Votre Honneur puisse comprendre pourquoi j’ai décidé de défiler avec le peuple pour l’avenir de Hong Kong ?

En tant que chrétien, à la lecture des Écritures de Pâques, je me suis souvenu que le Christ était allé à la rencontre de son destin sur la Croix, se sacrifiant pour l’humanité afin de réconcilier les pécheurs avec Dieu.

De son arrestation à sa condamnation à mort par Ponce Pilate, je considère que Jésus est resté un prisonnier politique qui n’avait commis aucun crime, si ce n’est celui d’être perçu comme une menace par la hiérarchie juive pour avoir servi les pauvres et les opprimés et pour avoir prêché la bonne nouvelle.

Tout au long de l’histoire, ce sont des prisonniers politiques – de Gandhi à Martin Luther King en passant par Nelson Mandela -, qui ont été les pionniers des droits dont jouit aujourd’hui l’humanité.

J’ai été président du mouvement anti-apartheid de Hong Kong dans les années 1980 et je me souviens encore de la détermination de Nelson Mandela disant, lors de son procès en 1963 : « c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir ». Son idéal, c’était l’égalité pour les Noirs Sud-africains et il a ensuite passé 27 ans en prison.

J’ai été ravi qu’en 1994 il ait été élu président de l’Afrique du Sud, donnant ainsi l’espoir aux opprimés du monde entier de voir la justice advenir grâce à la mobilisation obstinée du peuple.

Je me suis longuement étendu sur l’inspiration que j’ai personnellement trouvée en Mandela, car j’ai commencé à militer en 1978 pour les droits des travailleurs et la démocratie.

L’idéal de ma vie est de donner aux pauvres et aux opprimés la force de s’exprimer et de se lever pour défendre leurs droits. Chaque fois que les opprimés affirment leurs droits et se battent pour leur dignité, je me sens également plus fort et stimulé pour poursuivre la lutte difficile et les défis auxquels Hong Kong est confronté. Je me suis demandé ce que serait ma vie sans cette lutte. La lutte est ma vie, je ne peux pas imaginer ma vie sans elle.

Cela fait quarante-trois ans que je lutte et votre Honneur doit comprendre la profonde douleur que j’ai ressentie en voyant le pouvoir d’État utiliser la force brutale contre le peuple, en étant le témoin des sacrifices de tant de Hongkongais.es qui ont été blessé.es, emprisonné.es ou exilé.es, mais aussi en voyant que le peuple était privé de ses droits fondamentaux et en constatant la régression de la démocratie.

J’ai vu mon idéal s’effondrer mais je continuerai la lutte même si les ténèbres nous environnent. C’est un idéal pour lequel je suis prêt à subir toutes les sanctions.

Votre Honneur peut dire que la loi est la loi et que je ne semble pas montrer de remords pour avoir violé la loi dans ce procès où l’on juge les événements du 31 août 2020.

J’espère que Votre Honneur comprendra l’importance capitale que j’accorde au droit à la liberté d’expression par la parole ou la manifestation. C’est le seul moyen dont disposent les faibles et les opprimés pour redresser les torts qui leur sont faits. S’ils en sont privés, j’appellerai cela de la violence systémique à l’égard du peuple et je ne veux pas que Hong Kong soit gouverné sur la base d’une telle violence systémique. C’est pourquoi je ferai tout mon possible pour affirmer le droit des gens à marcher dignement et pacifiquement pour s’exprimer.

Votre Honneur, vous devez être profondément attaché au respect de la loi et je respecte votre idéal. Je voudrais citer la regrettée juge Ruth Bader Ginsburg :

« Les juges doivent continuer à réfléchir et peuvent changer d’avis. J’ai toujours l’espoir que si la Cour s’aveugle sur tel point aujourd’hui, elle ouvrira les yeux demain ».

J’ai été très impressionné par sa passion pour l’égalité des sexes, par le fait qu’elle se soit battue toute sa vie pour cette cause et qu’elle ait pu accomplir une œuvre si importante. Son message était que les temps changent et que les juges devraient s’adapter à leur époque.

Pour Hong Kong, le pire est peut-être encore à venir, et nous avons besoin que les professionnels du droit ouvrent les yeux sur la souffrance du peuple, qu’ils se demandent dans quel camp est la loi et qu’ils réfléchissent à la manière d’accompagner les événements pour faire avancer les droits et la dignité du peuple.

Je me soumets humblement à votre condamnation et, quelle que soit votre sentence, je ne regretterai jamais d’avoir défendu les droits du peuple. »


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