Les syndicats de Suez portent plainte pour trafic d’influence

mardi 27 avril 2021.
 

Révoltés par le sort réservé à Suez, les syndicats CGT, CFDT et CTFC ont déposé plainte ce 22 avril pour trafic d’influence auprès du Parquet national financier. Ils attendent que la justice fasse la lumière sur l’OPA de Veolia, « orchestrée de bout en bout », selon eux.

Ils en agitaient la menace depuis l’automne, mais finissaient toujours par reculer, tant la charge leur paraissait explosive, tant ils espéraient trouver un compromis honorable. Les derniers événements, marqués par ce qu’ils considèrent comme « la trahison du conseil de Suez » pour avoir accepté dans la précipitation l’accord de principe avec Veolia le 12 avril, les ont convaincus que leurs espoirs étaient vains.

Jeudi 22 avril, les syndicats CGT, CFDT et CFTC de Suez ont porté plainte auprès du Parquet national financier (PNF) pour trafic d’influence. La plainte vise nommément Antoine Frérot, PDG de Veolia, Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d’administration d’Engie, Thierry Déau, PDG de Meridiam, et Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée.

Dans ce dernier épisode, l’intersyndicale qui jusqu’alors faisait bloc s’est fissurée, même si officiellement elle continue de négocier unie. Dès les derniers jours, FO avait fait savoir qu’elle ne souhaitait pas se joindre à cette action parallèle, jugée trop risquée, trop tardive. La CFE-CGC, qui s’était jointe à la plainte déposée auprès du PNF, a finalement fait volte-face dans la matinée du 22 avril et annoncé son retrait. « On n’est pas complètement en phase avec cette action qui arrive trop tard, selon nous », explique Éric Guillemette, responsable de la CFE-CGC.

Trop de pressions ? se demandent les autres syndicats. Ces défections n’ont pas entamé leur détermination, d’autant qu’ils sont majoritaires chez Suez.

« On a failli partir trois fois au PNF. Mais à chaque fois des forces obscures se sont liguées pour nous en empêcher. Maintenant, il faut que la justice passe. Elle seule peut apporter la preuve d’une orchestration dans cette opération, et confirmer ou non le sentiment que l’on a depuis le début d’être dans une opération truquée », dit Jeremy Chauveau, délégué CFDT de Suez.

« Depuis le début de cette OPA, il y a forte suspicion d’entente. Ce n’est pas vrai, on ne monte pas une OPA de plusieurs milliards en un mois. Tout a été fait bien avant, sûrement avec l’aval du gouvernement. La justice doit nous dire ce qui s’est passé », explique Wilhem Guette, responsable CGT de Suez.

Selon l’article 432-11 du code pénal définissant le trafic d’influence, « est puni de dix ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction, le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif public, de solliciter ou d’agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, dons, des présents ou des avantages quelconques pour elle-même ou pour autrui (…) Soit pour abuser ou avoir abusé de son influence réelle ou supposée en offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour elle-même ou pour vue de faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable ».

Depuis le début, les salariés de Suez ont « le sentiment impalpable que quelque chose de lourd » pèse sur eux, selon l’expression de Jeremy Chauveau : la partie se joue ailleurs, sans eux, en toute opacité. Le soutien sans réserve apporté par le premier ministre Jean Castex, au lendemain de l’annonce d’une OPA de Veolia sur Suez, jugeant que « cette opération faisait sens », leur a donné l’impression que les dés étaient pipés par avance. Depuis, cette impression ne s’est pas démentie.

Car l’attaque lancée par Veolia sur Suez a tout sauf été une opération répondant aux « principes de transparence et d’intégrité du marché, de loyauté dans les transactions et la compétition, ainsi que du libre jeu des offres et de leurs surenchères », pour reprendre la définition de l’Autorité des marchés financiers. Dès le 30 août, jour de l’annonce de Veolia, une mécanique implacable s’est mise en route.


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