Le syndrome du Poisson Rouge

lundi 3 septembre 2007.
 

La Rochelle ? Une seconde ! Auparavant, je dois d’abord parler d’une chose importante. La présence de Sarkozy aux universités d’été du MEDEF. Forte image. C’ est le pendant de son séjour aux Etats unis : un autre monde se met en place. Un nouvel univers de symboles et de priorités. La force de Sarkozy est de faire de toutes ses transgressions des évidences.

GRAMSCI

J’ai eu la possibilité de m’exprimer à ce sujet car France Inter m’a donné la parole. Le bien que ça m’a fait de me retrouver en ligne pour contredire la droite ! Vous n’imaginez pas ! C’est disproportionné, je le sais bien. Des auditeurs qui m’ont entendu m’ont téléphoné ou écrit pour me remercier. Et alors j’ai compris qu’ils étaient tout simplement orphelins d’un parole d’opposition. Quelqu’un m’a écrit : « on se sent moins seul en allant au boulot ! ». Parole. Je crois que je comprends bien ce que cela veut dire. De mon côté, je me suis retrouvé dans l’ambiance de la bataille de la session extraordinaire du parlement. Là il s’agissait de dire pourquoi je trouvais choquant qu’il aille à l’université d’été du MEDEF. Du basique. Mais c’est un basique utile qui affronte les nouvelles évidences. L’art de Sarkozy c’est précisément de faire passer pour des évidences ce qui n’est qu’un pur parti pris. Car je regrette sur ce sujet aussi ce que j’ai entendu de la bouche de certaines poules mouillées socialistes qui ont peur de passer pour des ringards en critiquant la prétendue « modernité » de la démarche de Sarkozy. C’est un moment de bataille culturelle. Sarkozy nous a prévenus : il a lu Gramsci et il l’applique.... Naturellement le plus grave c’est ce qu’il a dit. Lui a compris que la politique se gagne en passant par la tête des gens. C’est frappant de le voir dire que les obstacles à la croissance sont « dans les têtes ». Concrètement, les obstacles d’après lui ce sont les conquêtes sociales. Il faut d’abord convaincre qu’elles sont la cause du mal. C’est une bataille culturelle davantage qu’économique. C’est pourquoi j’ai commencé par évoquer cet aspect de la démarche du président.

Reconnaissons-le : pour l’instant il n’y a rien en travers de sa route.

L’OPPOSITION ?

Le venin de l’ouverture continue ses ravages. Et l’opposition de convenance continue. Par exemple sur le discours de politique étrangère. Comment un discours qui affirme que le « premier défi » (même pas « l’un des défis » ou « un défi » en général, non, le premier !) est « le risque de confrontation avec le monde musulman », repris cinq fois et s’achevant, entre autres nouveautés stupéfiantes par l’idée d’une contribution des religieux musulman français à la politique du gouvernement dans ce domaine peut-il laisser le PS sans voix ? Pire, comment un tel discours peut-il néanmoins conduire le secrétaire national chargé des questions internationales, Pierre Moscovici à lui faire des félicitations pour sa « tenue » et ne trouve à lui reprocher que ses contradictions avec ses déclarations passées ?

Ma thèse est que les conditions intellectuelles et morales qui ont produit comme résultat que le gouvernement de droite puisse être composé de 20% de socialistes sont toujours à l’œuvre. Ce sont les mêmes qui ont conduit le SPD à gouverner avec la droite plutôt qu’avec Die Linke. Et quand je vois François Hollande déclarer à La Rochelle, ce salon du prêt à porter idéologique, qu’on ne va « quand même pas dire qu’on va généraliser les trente cinq heures » et « qu’il faut travailler plus », je n’ai pas seulement envie de vomir, je me dis la machine à nourrir l’ouverture s’ouvre de nouveaux espaces. Car si les socialistes pensent aussi « qu’il faut travailler plus », s’ils pensent aussi que les régimes spéciaux doivent être revus, et ainsi de suite, alors, au niveau local où l’on a encore davantage de sujets d’entente possible, de façon bien plus naturelle, au nom de quoi s’interdirait-on des « majorités de projets » entre tous et n’importe qui de droite et de gauche ? Bref l’échangisme politique a de beau jour devant lui dans le microcosme des « parti de gouvernement ».

LE POISSON ROUGE ET SON BOCAL

J’ai lu une tribune drôlement bien écrite dans le journal « Libération » sous la signature de Michael Moglia (http://www.liberation.fr/rebonds/27...) Ca s’intitule « la mémoire du poisson rouge ». Il montre comment pour que les jeunes quadras rénovateurs puissent croire eux-mêmes à ce qu’ils racontent aujourd’hui il faut d’abord qu’ils oublient ce qu’ils ont dit eux-mêmes juste un instant avant. Sinon ils se sentiraient eux-mêmes tellement ridicules qu’ils ne pourraient pas terminer leur démonstration. Bref, il faut qu’ils aient une mémoire de poisson rouge qui, parait-il, ne se souvient de rien au-delà des trois minutes précédentes. Moglia a mis le nom sur la chose.

J’ai écris un texte il y a bien longtemps pour montrer que la question de la mémoire critique était centrale dans la fonction du parti. Aujourd’hui je complète ma pensée d’un seul mot : « et vice versa ». Fabriquer de l’oubli, pour soi-même et pour les autres, peut être aussi décisif que de conserver de la mémoire. Je propose d’étendre la formule puisqu’elle permet de bien résumer ce type de situation.

Parlons du « syndrome du poisson rouge » au PS. Par exemple quand François Hollande dit qu’il faut respecter le parti, c’est grâce à ce syndrome qu’il peut ensuite proclamer sans s’étouffer de rire qu’il va quitter la fonction de premier secrétaire parce que son image en a souffert. De même quand il dit que les questions de la présidentielle de 2012 ne sont pas les plus urgentes rien dans le bocal mental où il tourne en rond ne l’empêchera trois minutes plus tard d’annoncer sa candidature pour 2010 sans tousser.

On peut donc dire qu’on peut aussi « penser comme un poisson rouge ». Cela consiste à mettre dans une même phrase deux propositions séparées par une perte de mémoire. Exemple : « Il faut être discipliné et respecter le vote des militants, donc François Bayrou aurait pu être mon premier ministre ». « Il faut prendre le temps du débat sur l’essentiel et c’est pourquoi je conclu que nous devons mettre dans la déclaration de principe notre adhésion à l’économie de marché ». J’ouvre un concours. Amis lecteurs qui souhaitez y participer, je rappelle que les citations doivent être datées et leur sources vérifiables. Et surtout le deuxième terme de la déclaration doit dire exactement le contraire du premier. Enfin la formule doit pouvoir être débité avec l’aplomb et l’air d’évidence de qui vous savez.


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