La loi « Climat et Résilience », illustration de l’antagonisme entre capitalisme mondialisé et transition écologique

mercredi 19 mai 2021.
 

Sous un titre bien ronflant et susceptible de provoquer une sympathique approbation pour qui ne cherche pas les tenants et les aboutissants, cette loi démontre que dans le cadre d’une économie capitaliste et ultralibérale il ne peut que y avoir des avancées mineures sans rapport avec le niveau de l’urgence climatique et la nécessaire transition énergétique pour réduire l’émission de gaz-à-effet-de-serre.

Le texte de loi ne pouvait qu’être en-deçà des exigences pour vraiment changer de paradigme et prendre les mesures concrètes afin de respecter les engagements pris lors de l’Accord de Paris en 2005. Ce texte qui devait être selon les annonces présidentielles « Le grande texte du quinquennat » accouche d’une souris malgré les jalons élaborés par la « Convention citoyenne pour le climat ».[1]

Dans ce cadre, cette loi aurait-elle pu, comme le suggère celles et ceux qui appellent, ce 9 mai 2021 à une marche pour le climat :

être l’instrument d’une réorganisation de notre société en donnant les moyens à tous les citoyens et citoyennes de vivre dignement en préservant la planète, et donc notre avenir ? être l’instrument clé de régulation pour faire payer les plus gros pollueurs et réduire la pression exercée sur les plus précaires, déjà les plus impactés par les effets du dérèglement climatique ? anticiper la reconversion des emplois des secteurs les plus polluants et la création d’emplois dits « verts » ?

Cette loi montre les limites fixées par le système économique mondialisé dans sa forme ultralibérale.

Pourtant, la crise du Covid-19 qui a ébranlé le monde, notamment les personnes les plus fragiles vivant dans une précarité plus ou moins grande selon les pays, qui a mis en exergue le gâchis des délocalisations, notre dépendance industrielle, alimentaire et sanitaire a montré la responsabilité du capitalisme mondialisé comme l’indique le philosophe des sciences Philippe Hunemann : « Les trois principaux scénarios ayant pu conduire à SARS-Cov-2 semblent liés au capitalisme postindustriel. Celui-ci a engendré les changements environnementaux qui ont pu permettre le contact avec le pangolin ou un autre animal sauvage. Il a conduit à l’élevage intensif ; notamment des visons. Quant à la fuite d’un laboratoire où auraient été menés des expériences de gains de fonction[2], elles ramènent à un système où le scientifique devient l’équivalent d’un coureur dopé en s’adonnant à des manipulations sur des virus pour provoquer des franchissements de barrière d’espèce qui lui assureront des publications. Tout cela peut se faire de façon honnête, mais sans se soucier des conséquences… »[3]

Exiger « la reconversion des emplois dans tous les secteurs polluants, l’accès aux soins, à un logement décent, à de la nourriture saine, de l’eau potable et de l’air pur pour toutes et tous, la préservation de la biodiversité et des ressources naturelles », exiger « des mesures pour modifier nos moyens de production et de consommation en tenant compte que ce n’est possible qu’en réduisant les inégalités pour construire une société plus juste », proclamer « que la justice climatique va de pair avec la justice sociale »[4] découle de l’urgence climatique et sociale.

Prendre conscience que le coût social et écologique de la production capitaliste n’est pas totalement assumé par l’entrepreneur que la part non assumée ou externalisée est prise en charge ou supportée par un tiers (les travailleurs, la puissance publique donc l’ensemble des contribuables, la nature, Prendre conscience que le « jour du dépassement » où l’humanité dans le cadre de l’économie-monde a consommé intégralement les ressources que la Terre procure arrive de plus en plus tôt : en 1980, le 3 novembre, en 1990, le 4 octobre, en 2010, le 28 août, en 2019, le 29 juillet (source : Global Footprint Network). Prendre conscience que des millions de morts sont dus à la pollution, Prendre conscience que le productivisme est mortifère pour la planète et l’être humain, que le productivisme n’a d’autres visées que le profit de ceux qui développent la production par soif d’enrichissement personnel, Prendre conscience que la société de consommation illimitée et mortifère dans un monde « fini », autrement dit la production dans un cadre capitaliste, fait naître de nouveaux besoins, suscite de nouveaux désirs de consommation et n’a pas pour but la satisfaction des besoins humains mais l’émergence continue d’une demande destinée à offrir des débouchés afin de réaliser des bénéfices importants, Prendre conscience que la société de consommation suscite du gaspillage avec la substitution aux besoins réels pour vivre dignement de nouveaux besoins inventés, artificiels qui rendent difficiles la réflexion individuelle et collective sur le sens de la vie,

Tout cela doit nous conduire à comprendre que la notion de « capitalisme vert » est une illusion tout comme un « capitalisme social ». C’est cela qui explique, fondamentalement, l’échec de la prise en compte des propositions de la « Convention citoyenne pour le climat » par la représentation nationale majoritairement acquise à l’économie-monde dans sa forme ultralibérale, majoritairement acquise au dogme de la croissance continue et infinie dans un monde pourtant fini.

Tout cela suppose un type de société en totale contradiction avec l’économie-monde car elle exige d’aller vers la décroissance reposant sur une notion du « suffisant » à définir collectivement, permettant du sortir du cycle infernal et vicieux du « travailler et produire plus, pour consommer plus, travailler et produire plus encore pour consommer plus », garantissant la reconquête par les individus de leur autonomie dans leur choix de vie…

Dans ce cadre, les notions de progrès et de progressisme tels que définis au XIXe siècle doivent être interrogés. Il serait judicieux de sortir de la confusion entre progrès technologiques et techniques et progrès humain en opérant la distinction entre « avancée technique » et « progrès humain ». Les accès à l’eau courante, à l’électricité, au réfrigérateur, l’accès au système de santé ont été des apports importants qui ont permis aux classes populaires par exemple de vieillir sans sombrer dans la misère. C’est pourquoi la défense de la Sécurité sociale, bien commun, doit être préservée et renforcée tant dans la satisfaction des besoins essentiels que dans le retour à une authentique démocratie sociale fragilisée par diverses réformes/régressions depuis plusieurs décennies poussant à une étatisation rampante.

Ayons à l’esprit ce qu’affirmait déjà George Orwell concernant les progrès mécaniques (techniques et technologiques) : « On ne peut utiliser avec discernement les produits de la science et de l’industrie que si on applique à tous le même critère : cela me rend-il plus humain ou moins humain ? » « Toute nouvelle invention mécanique peut produire des effets opposés à ceux qu’on en attendait. »

Créer les conditions du bonheur hors du consumérisme

Nous pourrions parodier les paroles de Louis Aragon chantées par Jean Ferrat (« Et pourtant je vous dis que le bonheur existe / Ailleurs que dans le rêve, ailleurs que dans les nues / Terre, Terre voici ses rades inconnues ») : Le bonheur existe ailleurs que dans le consumérisme, ailleurs que dans le productivisme érigé en dogme. Terre, Terre voici la société de décroissance, de la sobriété heureuse.

NOTES

[1] Bilan catastrophique en la matière du quinquennat Macron :

Diminution des ambitions de réduction des émissions de gaz à effet de serre passant de 2,3 par an à 1,55 Réintroduction des néocotinoïdes mortifères pour les insectes pollinisateurs et la biodiversité Prolongation de l’usage du glyphosate mortifère pour l’équilibre des sols.

De quelques propositions qui ne devaient pas être retenues, on est passé à près de 60 % non prises en compte dans le débat.

[2] Gains de fonction : le but est de doter des virus de nouvelles facultés. Il semble acquis que SARS-CoV-2 est issu d’un réservoir de sarbecovirus (sous-groupe de coronavirus liés au syndrome respiratoire aigu sévère dont les SARS-CoV -1 et SARS-CoV-2 ) composé de chauves-souris et de pangolins. Pour passer de la souche animale à la souche humaine il a fallu une série de transformations. Un virus ne saute pas facilement d’une espèce à une autre. Les virologues étudient, depuis 20 ans, en laboratoire, comment un virus peut passer d’une espèce à une autre. Ils réalisent des expériences de « gain de fonction ». Les expériences de gain de fonction sont devenues habituelles. Mais la donne a changé et nous voyons actuellement des virologues réputés mettre en cause ces expériences dans le contexte de la pandémie de Covid. L’un d’entre eux a même considéré que ces expériences visant à mieux connaître la circulation des virus revenait à détecter une fuite de gaz en utilisant une allumette.


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