« Quel est le nom d’un tel régime ? » : la mise en garde du syndicat de la magistrature après la manifestation des policiers

vendredi 21 mai 2021.
 

La manifestation des policiers qui s’est tenue ce mercredi 19 mai 2021 devant l’Assemblée nationale aura décidément fait couler beaucoup d’encre. Dans la mêlée, une voix s’est fait peu entendre : celle du syndicat de la magistrature. Car c’est bien la justice et la séparation des pouvoirs qui ont été violemment prises à partie lors de la manifestation. « Le problème de la police, c’est la justice. La justice doit rendre des comptes » a menacé le représentant du syndicat d’extrême droite Alliance Police du haut de sa tribune devant le palais bourbon.

Le symbole est fort : des syndicats de police qui menacent l’institution judiciaire devant l’Assemblée nationale. Montesquieu peut se retourner dans sa tombe, la séparation des pouvoirs est en danger. Le ministre de l’intérieur venant en personne participer à ce coup de pression à la justice, au pouvoir exécutif et législatif. Un ministre de plein exercice participant à une manifestation devant l’Assemblée nationale ? On aura décidément tout vu.

Le syndicat de la magistrature a ironiquement souligné « le courage politique et surtout le sang froid démocratique de ces responsables politiques (qui) méritent d’être salué : il eût été peu stratégique, alors qu’il est temps de battre campagne, de ne pas être du côté de la belle unanimité qui se forment pour accuser ceux qui appliquent les lois votées années après années ». En effet, à l’exception notable de La France insoumise (LFI), l’ensemble du champ politique s’est rendu à cette manifestation, du Rassemblement national (RN) au Parti communiste français (PCF), en passant par Europe Écologie les Verts (EELV) et le Parti socialiste (PS).

Le syndicat de la magistrature dénonce « l’instrumentalisation des drames récemment vécus par deux fonctionnaires de police, bien commode pour nos élus et nos ministres qui espèrent ainsi faire oublier le renoncement des gouvernements qui se sont succédé à faire des forces de l’ordre de véritables agents de la paix publique, et à améliorer leurs conditions de travail et leur formation ».

C’est justement le seul mouvement politique qui ne s’est pas rendu à la manifestation, qui propose depuis des mois de réformer la police nationale de la cave au grenier. Recrutement de 10 000 policiers, retour de la police de proximité pour recréer les liens polices populations, suppression de l’IGPN et création d’un organe de contrôle indépendant, dissolution des BAC et renforcement de la police judiciaire pour démanteler les réseaux, paiement des heures supplémentaires dues, limitation des contrôles d’identité et mise en place d’un récépissé, plan de rénovation des commissariats, création de nouvelles écoles de police et passage de la formation à deux ans, valorisation des agents administratifs et scientifiques, mise en œuvre de la désescalade dans la gestion du maintien de l’ordre, etc.

Le leader des insoumis a tenu une conférence de presse pour réagir face à la gravité de la situation juste après la manifestation des policiers : « Venir devant l’Assemblée nationale menacer la justice ? Cela n’est pas acceptable en République. Citoyens, ne confondez pas un corps dont nous avons tous besoin, avec des syndicats qui disent le représenter. Le peuple est le maître de la police » a notamment déclaré Jean-Luc Mélenchon. Le Président du groupe LFI à l’Assemblée a notamment rappelé que les insoumis avaient proposé une commission d’enquête sur les suicides dans la police à l’Assemblée nationale. Aucune organisation policière n’a soutenu la proposition des insoumis. Pourtant, on meurt quatre fois plus de suicides que sur le terrain dans la police.

Les syndicats policiers présents ont préféré proférer un coup de pression aux pouvoirs judiciaires, législatifs et exécutif réclamant un durcissement pénal, plutôt que de porter des revendications sur le manque criant de moyen dans la police. Le syndicat de la magistrature a tiré la sonnette d’alarme contre « une société dans laquelle la police devient une puissance autonome au lieu d’être une force publique au service des citoyens, dictant à l’exécutif la définition de la politique pénale, au parlement le contenu des lois, et revendiquant une indispensable impunité pour elle-même- puisqu’elle est la seule à pouvoir la communauté de l’anarchie. Quel est le nom de ce régime ? »

Par Pierre Joigneaux


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