Les événements météo liés au changement climatique n’ont pas fini de percuter l’organisation de la société dans laquelle nous vivons. Le réchauffement des pôles, la fonte des glaces là-bas auront bientôt un effet général sur le reste du climat. Un effet contre-intuitif : il fera de plus en plus froid du fait… du réchauffement. En effet le chaud à un endroit provoque de l’évaporation plus dense de l’eau qui forme des nuages et des pluies que le vent déplace. Faisant obstacle au soleil et refroidissant l’air ambiant, le froid s’installe alors plus vigoureusement. Les scientifiques disent que l’émergence d’une nouvelle ère glaciaire est statistiquement le débouché le plus probable du réchauffement climatique. Dans combien de temps et pour combien de temps ? Mystère. Dans l’intervalle vous allez grogner. Il fait plus chaud : la clim . Il fait plus froid : le chauffage. On ne sait plus faire autrement. Et quoi ? Tout cela a un prix : celui du combustible pour réaliser ces deux opérations. Et notamment, et même surtout, c’est une affaire qui met a contribution lourde la production d’électricité qui sert dans les deux cas à haute dose ! C’est la que ça va coincer…
Le prix de l’électricité a déjà augmenté de 50% en 10 ans. Nous payons dorénavant l’électricité une fois et demi plus cher. J’avais alerté sur le sujet dans un post de blog daté de janvier dernier. Cette fois, une nouvelle étude de l’association UFC-Que Choisir confirme mon analyse. Pour être bref, au cœur du problème se trouve le nucléaire. Les règles définies pour organiser le marché de l’électricité visent à résoudre une équation impossible. D’un côté, l’obstination à vouloir sauver quoiqu’il en coûte le parc nucléaire vieillissant devenu gouffre financier. De l’autre, un mécanisme de prix fixe inventé pour créer une illusion de concurrence. Je vous invite à le lire pour comprendre dans le détail comment nous avons pu en arriver là. En bout de chaîne, le prix de l’électricité explose. Merci qui ?
Mais je voudrais vous parler d’un autre sujet dans ce registre. Il est passé inaperçu. Seul un article du journal L’Humanité a tiré la sonnette d’alarme. Avez-vous entendu parler de la « tarification dynamique » ? Derrière ce petit nom sympathique se cache un principe dévastateur. En clair, le tarif d’une marchandise ou d’un service n’a plus de valeur fixe prédéfinie dans un contrat. Au contraire, il est indexé sur les prix du marché. Plus il y a de demandeurs plus le prix monte. Au final, le tarif facturé dépend des soubresauts de la bourse. Les libéraux sont avides de telles trouvailles. Ils l’ont appliqué a l’eau. Maintenant ils comptent le faire sur l’électricité. C’est déjà le cas au Texas. Si vous pensiez que ce système ne traverserait pas l’Atlantique, vous vous trompez. En France aussi, c’est maintenant devenu possible.
D’abord, l’Union européenne encourage la mise en place d’un marché européen de l’électricité pour organiser une concurrence artificielle. Je dis artificielle car la logique voudrait qu’une entité nationale produise l’énergie, la distribue et la vende. C’est un moyen stable et sûr d’assurer un service essentiel aux besoins d’investissements colossaux. Voilà pourquoi il s’agit d’un monopole naturel évident. Mais ça ne l’est pas pour les libéraux obnubilés par la concurrence et le profit. La Bourse Epex Spot couvre 8 pays européens, dont la France et l’Allemagne. Les producteurs d’électricité comme EDF vendent dans ce cadre l’énergie produite. N’importe qui peut en acheter puis ensuite en vendre. Des fournisseurs alternatifs peuvent donc l’acheter et la revendre au consommateur.
Pour aller encore plus loin, le recours à la « tarification dynamique » a été autorisé. Cela permet aux fournisseurs d’espérer des profits par la différence entre le prix d’achat du kilowattheure sur le marché et le prix de revente au consommateur. Cela a été rendu possible par une directive de l’Union européenne en juin 2019. Celle-ci va même jusqu’à l’imposer « auprès de chaque fournisseur qui a plus de 200 000 clients finals ». Cela signifie qu’EDF aura l’obligation de le proposer. Cette directive a été transposée en droit français sans aucun débat parlementaire. En effet, le gouvernement l’a fait passer discrètement par le biais d’une ordonnance.
Mais celle-ci se veut rassurante ! Elle impose que le fournisseur « informe le client sur les opportunités, les coûts et les risques », « recueille (son) consentement » et mette à sa disposition « un dispositif d’alerte en cas de variation significative du prix de marché ». On a toutes les raisons d’en douter. Dans son rapport annuel, le médiateur français de l’énergie a fait état de la multiplication des abus en tout genre de la part des fournisseurs d’électricité.
Ce système sera d’autant plus profitable en France. En effet, au nom de la concurrence, la Commission européenne oblige depuis plusieurs années EDF à vendre une partie de sa production d’électricité nucléaire à un prix bloqué aux fournisseurs « alternatifs ». Mais rien n’empêche désormais ces derniers d’acheter à prix fixe à EDF et de revendre au consommateur au prix fort du marché. Pour eux c’est la poule aux œufs d’or.
Surtout, le pire reste à venir. Je veux revenir sur le cas du Texas. En effet, ce système de dérégulation absolue a déjà démontré l’ampleur de son inadéquation à la nouvelle donne climatique. Ainsi, en février 2021, le réseau électrique texan a été paralysé par des conditions climatiques extrêmes. Le thermomètre est descendu jusqu’à -18 degrés. Il faut le dire : cet État américain est une caricature du néolibéralisme. La dérégulation de l’énergie y a été amorcée en 2002. Le système de « tarification dynamique » est devenu la norme. Le chaos suit de près.
Or, pour faire face à la vague de froid polaire, les habitants ont augmenté le chauffage, principalement électrique. Cela a provoqué un pic de surconsommation. En même temps, le blizzard a paralysé une grande partie du système énergétique. Du fait de la pénurie, l’électricité est devenue rare et convoitée sur le marché. Les prix de gros du gigawatt-heure sont passés de 50 dollars à près de 9 000 dollars en quelques heures. Mécaniquement, les tarifs non-encadrés de revente au consommateur final ont flambé. Certains habitants ont reçu des factures d’électricité mirobolantes allant jusqu’à 16 000 dollars. Une facture d’électricité de 15 000 euros ça vous dit ? Les libéraux vont vous rendre cela possible.
Les vagues de froid polaire ont à voir avec le changement climatique. Il faut donc s’attendre à ce qu’elles se reproduisent, voire s’accentuent. Nous l’avons d’ailleurs éprouvé en France au mois de janvier dernier. Le gouvernement aurait donc pu tirer les leçons de cet évènement climatique. Mais ils ont fait tout l’inverse. La tarification dynamique a été inscrite en droit français un mois après le blizzard au Texas. Si ce principe se généralise en France, à la prochaine vague de froid, c’est le chaos texan garanti. 2022 c’est vraiment décisif.
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