On doit se pré­pa­rer à chan­ger nos façons d’envi­sa­ger l’avenir

mardi 29 juin 2021.
 

Prospective

Le déve­lop­pe­ment du mode de pro­duc­tion capi­ta­liste est indis­so­cia­ble de la crois­sance démo­gra­phi­que. Il y a chez Marx quel­ques consi­dé­ra­tions sur ce sujet qui méri­te­raient d’être appro­fon­dies. Mais glo­ba­le­ment la démo­gra­phie, dans toutes ses dimen­sions, est un point aveu­gle du marxisme. Pourtant, la popu­la­tion mon­diale ne peut croî­tre indé­fi­ni­ment. Les 9 ou 10 mil­liards annon­cés pour la mi-XXIe siècle sont sans doute le maxi­mum tolé­ra­ble – sauf à se mettre au régime « soleil vert » et accep­ter le contrôle tota­li­taire global comme dans les pires dys­to­pies. Mais si la popu­la­tion se sta­bi­lise, plu­sieurs consé­quen­ces s’en dédui­sent : d’abord un vieillis­se­ment sta­tis­ti­que, sup­por­ta­ble à condi­tion que l’espé­rance de vie n’aug­mente plus ; ensuite la fin de la « crois­sance » capi­ta­liste et enfin des bou­le­ver­se­ments anthro­po­lo­gi­ques radi­caux.

Certains pen­sent que nous pour­rons vain­cre la mort. C’est évidemment pure folie. Un monde d’où la mort aurait dis­paru serait d’ailleurs un monde sans vie. Paradoxalement, ce désir d’immor­ta­lité est une mani­fes­ta­tion névro­ti­que de la pul­sion de mort. En réa­lité, dans les pays où l’espé­rance de vie est la plus élevée, celle-ci com­mence à sta­gner et on observe des régres­sions de l’espé­rance de vie en bonne santé. Significativement, le « record » de Jeanne Calmant n’a pas été battu et même pas égalé. Le spec­tre, hor­ri­ble du point de vue capi­ta­liste, d’une limite com­mence à se dres­ser devant nous. En même temps d’ailleurs, la nata­lité ralen­tit net­te­ment. L’Italie se dirige vers un taux de fécondité de 1,25 enfants par femme et la France est elle-aussi très net­te­ment en des­sous du taux de renou­vel­le­ment (1,84 enfants par femme). Si les pays d’Afrique sui­vaient cette voie, ce serait une bonne nou­velle « pour la pla­nète » et les amis de Mlle Greta devraient se réjouir.

Le vieillis­se­ment de la popu­la­tion induira auto­ma­ti­que­ment une baisse de l’inno­va­tion, un moin­dre goût du risque et si les vieux vivent en bonne santé assez long­temps, ils inter­di­ront aux jeunes de pren­dre la place. La consom­ma­tion bais­sera net­te­ment (la consom­ma­tion d’école, la consom­ma­tion de ce qui est néces­saire à l’élevage des enfants, etc.) et donc la pro­duc­tion aussi. Bref, les res­sorts du mode de pro­duc­tion capi­ta­liste seront brisés. Tout cela peut très mal finir.

La situa­tion n’est cepen­dant pas déses­pé­rée. Elle exige seu­le­ment une révo­lu­tion. Rien de moins que cela. L’huma­nité a long­temps vécu dans une quasi-sta­gna­tion démo­gra­phi­que et cela ne l’a pas empê­chée de pro­duire des œuvres dans tous les domai­nes, qui sou­vent nous ins­pi­rent encore. Si nous vou­lons que l’huma­nité ait encore une his­toire, on doit se pré­pa­rer à ce qui vient et chan­ger nos façons d’envi­sa­ger l’avenir. Accepter de vivre dans un monde limité, une vie limi­tée, et accep­ter qu’il n’y ait pas de crois­sance infi­nie de la richesse glo­bale.

Échanger le plus contre le mieux. La vie des nababs du capi­tal est une catas­tro­phe écologique et l’envier est pure sot­tise. Par contre, un monde où les iné­ga­li­tés socia­les seraient dras­ti­que­ment rédui­tes serait un monde bien plus inté­res­sant ! Un monde où la culture, la grande culture, serait à la portée du plus grand nombre serait un monde meilleur. Pour employer des termes peut-être un peu pom­peux, renon­cer à tout avoir pour être plus : voilà sans doute ce que devrait être un idéal com­mu­niste renou­velé, unis­sant la cri­ti­que marxienne du capi­tal et la tra­di­tion de la phi­lo­so­phie.

Denis Collin – 10 juin 2021


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