Accusé de blasphème, un Pakistanais de 9 ans menacé de peine de mort

samedi 14 août 2021.
 

Fin juillet, un garçon hindou de 9 ans a été arrêté dans la province pakistanaise du Pendjab pour avoir uriné dans une madrasa. Sa libération a provoqué début août l’attaque d’un temple et le blocage d’une autoroute.

La profanation du temple hindou de Bhong, au Pakistan, “montre une nouvelle fois combien les droits des minorités sont fragiles” dans la république islamique, observe Dawn. Mercredi 4 août, “une foule a vandalisé le lieu de culte” de cette petite ville du Pendjab, après qu’un garçon hindou de 9 ans, accusé d’avoir uriné intentionnellement dans la bibliothèque d’une école coranique, a été “libéré sous caution par un tribunal local”.

Dans une vidéo de l’attaque diffusée sur les réseaux sociaux, on peut voir “plusieurs hommes munis de bâtons et d’un pied de biche briser les vitrines” dans lesquelles étaient placées les idoles hindoues. “On ne peut qu’être soulagé de voir que personne de la minorité hindoue n’a été blessé, voire pire”, souligne le journal.

Cependant, le déferlement de violence lors de l’assaut du temple va maintenant “susciter une vague de peur et renforcer le sentiment d’insécurité des minorités pakistanaises dans leur ensemble”, même si le Premier ministre, Imran Khan, a condamné les faits. Une chose est sûre, cette affaire illustre “le dangereux niveau de radicalisation” auquel est arrivée la société pakistanaise, dénonce Dawn.

C’est le 24 juillet que le jeune garçon par qui tout aurait commencé a été dénoncé, “en vertu de la loi sur le blasphème”, ce qui fait de lui le plus jeune Pakistanais jamais poursuivi pour ce délit et menacé de la peine de mort. Bien que certains anciens de la communauté hindoue aient “présenté des excuses” aux responsables de la madrasa, “l’enfer s’est déchaîné à l’instigation de certains individus”, une dizaine de jours plus tard. Les magasins de Bhong ont alors été fermés “de force”, tandis que “des centaines de personnes” bloquaient l’autoroute Sukkur-Multan en signe de protestation contre la remise en liberté de l’enfant.

“Vieux différends”

Cette région du Pendjab pakistanais est marquée depuis longtemps par “de vieux différends financiers entre les communautés hindoue et musulmane”, précise le journal. Il arrive du reste “souvent” que les conflits religieux soient “délibérément exacerbés” dans le but de mettre un terme à ces différends liés à l’argent ou à la terre. La plupart du temps, la “cible” est expulsée, “qu’il s’agisse d’une famille ou d’une communauté entière”. C’est ce qui est arrivé aux parents du jeune garçon de Bhong, qui ont dû s’enfuir et se cacher ailleurs dans le pays.

La police locale rappelle que la sécurité des lieux de culte des minorités relève “de la responsabilité de l’État”, relaie The Nation. Elle fait aussi savoir qu’“une enquête judiciaire a été ouverte à l’encontre des fauteurs de troubles”. Quant aux officiers de police soupçonnés de “négligences” après l’attaque du temple, ils seront tenus “responsables des faits”, a-t-elle assuré. L’inspecteur Zafar Iqbal Awan, responsable des forces de police dans le sud du Pendjab, a jugé bon de déclarer que l’islam “nous enseigne la tolérance religieuse, l’harmonie et la liberté de toutes les minorités”.

Guillaume Delacroix

Courrier International


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