Kaboul : la débâcle de l’Occident ?

mercredi 18 août 2021.
 

Les talibans tiennent Kaboul, la capitale afghane, et désormais c’est tout un pays qui menace de sombrer dans le chaos. Alors que des milliers d’Afghans tentent de fuir l’horreur à venir, l’Occident détourne le regard.

À Kaboul, des scènes d’horreur devenues banales. Sous leurs uniformes, les Américains évacuent leurs ressortissants, des centaines d’Afghans se battant pour une place dans le ciel. Les avions volent, la population reste. Après des années à se battre pour combattre les terroristes du Taliban, un sentiment cruel d’échec surplombe l’Occident et ce qu’il reste du monde libre. Pour les Américains, le sentiment d’un second Vietnam s’imprègne, la première aiguille sous la chaussure du président progressiste Biden. En privilégiant leurs intérêts, n’était-il pas possible de sécuriser la population, de préparer en amont l’évacuation de réfugiés contraints à la clandestinité ou à l’oppression ?

Après l’ingérence, la fuite est cruelle et les dégâts bien réels.

Qui sont ces talibans ? Un groupe terroriste implémenté depuis l’URSS qui fait régner la Terreur avec l’utilisation de l’intégrisme religieux et l’aide d’Al Qaïda. Un « gouvernement islamique ouvert », qui cache le retour du contrôle du peuple, du paternalisme religieux et de droits de la femme bafoués. Violences, Viols et stigmatisation sont les premiers signes du retour d’un régime autoritaire et conservateur, où l’Ordre et la Terreur menacent l’intégrité non seulement du peuple afghan, mais aussi de déstabiliser et de réactiver des cellules terroristes qui semblaient s’éteindre.

Pour vaincre non seulement les Américains mais aussi un État soutenu par les Occidentaux, cette organisation a dû muter et profiter d’un contexte mondial isolationniste. Après 2001, l’heure était à l’interventionnisme. Il fallait lutter contre le terrorisme, venger le peuple américain meurtri dans sa chair. Une fois les talibans chassés du pouvoir, une guerre longue et coûteuse s’engendre. À mort Ben Laden ! Le chef d’Al Qaïda est retrouvé et enfin éliminé, provoquant progressivement une disparition des intérêts occidentaux. Les talibans, eux, se préparaient à changer d’ampleur. Avec les exécutions, avec les techniques de commando pour reprendre dans le sang les villes, la stratégie politique entre en jeu, avec des négociations commerciales et militaires de plus en plus poussées. Pour la population, un répit de fer, la faim, le sang ou le fouet et la Terreur. Aux États-Unis, la ligne ne bouge plus depuis Trump : ils n’ont plus d’intérêt à rester en Afghanistan, le pays doit se battre par lui-même. Ainsi, le retrait de l’un provoque le retour de l’autre, oubliant ainsi la composante la plus essentielle d’un pays : ses habitants.

Virevoltant entre les bombes et les coups, le peuple afghan souffre encore un peu plus chaque jour. Les exactions des talibans ne doivent pas être oubliées, ce nouveau gouvernement a provoqué l’horreur et n’est amené que par la brutalité. Ce pays arrivera-t-il à retrouver la paix et la liberté ? Plus le temps passe, et plus celles-ci semblent s’éloigner. Pourtant, Kaboul semblait rester un lieu préservé par la guerre et l’intégrisme, l’émancipation n’était finalement qu’un mirage passager. Des femmes qui pouvaient chanter, conduire des fonctions politiques ou informer par le journalisme, seront désormais contraintes par la loi des talibans. Une loi indigne de la condition humaine, une loi arriérée qui contraint la femme au rôle d’objet – voir d’esclave. Ces figures du féminisme émancipatrices sont désormais à la merci d’hommes cupides, tentent par tous les moyens de fuir un pays désormais hostile.

Il est vain de nous croire à l’abri derrière nos murs et nos mers. L’Histoire nous enseigne que ceux que nous abandonnons ce soir nous le ferons regretter demain. Car quand l’obscurantisme étend sa pénombre glacée, c’est le phare de la civilisation tout entier qui s’éteint.

Mais face aux cendres de ses propres échecs, l’Occident, l’héritier des Lumières, détourne le regard des ombres. Par un rance égoïsme pseudo-national, il refuse de tendre la main aux Afghans. Les tristes scènes de chaos à l’aéroport international de Kaboul ne sont que le triste reflet de l’échec d’un modèle. De la faillite d’un idéal : le nôtre. Notre incapacité à préserver la démocratie, mais surtout à protéger ceux qui subiront la tempête de la tyrannie. Quand un groupe terroriste foule aux pieds la jurisprudence du droit international, nous nous perdons en inaudibles protestations lointaines. Nos principes ne sont que des mots ; par nos actes, nous ne protégeons que nos intérêts. Les droits de l’homme ne peuvent se limiter à la déclaration : c’est dans l’action que nos valeurs doivent être défendues. Pourtant, ce soir, nous avons détourné le regard. Détourné le regard des femmes, parquées dans des tâches domestiques, mariées de force, lapidées, effacées sous les burqa et l’obscurantisme. Détourné le regard des minorités, sexuelles ou religieuses, qui se verront massacrées pour leur seule différence. Ce soir, après vingt ans d’échec, c’est dans un vent de panique que s’éteignent les dernières bougies de nos prétendues Lumières.

Pourtant, il est vain de nous croire à l’abri derrière nos murs et nos mers. L’Histoire nous enseigne que ceux que nous abandonnons ce soir nous le ferons regretter demain. Car quand l’obscurantisme étend sa pénombre glacée, c’est le phare de la civilisation tout entier qui s’éteint.

Nicolas Duplan Monceau et Théo, étudiants en science politique à Grenoble et Toulouse


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