Incendie dans le Var : les dérèglements climatiques affectent davantage la zone méditerranéenne

dimanche 22 août 2021.
 

Dans le sud de la France, l’équivalent de 11 500 terrains de football sont partis en fumée dans un mégafeu de forêt qui a coûté la vie à deux personnes. Son ampleur exceptionnelle devrait, dans les décennies à venir, se banaliser à cause des dérèglements climatiques qui affectent davantage le pourtour méditerranéen.

Depuis lundi en fin d’après-midi, une intense bataille se déroule entre 1 200 pompiers de tout l’Hexagone et un feu qui ravage la région du Var, dans le sud de la France. Plus de trois jours d’un combat acharné n’ont pas suffi à venir à bout de la fournaise qui a fait deux morts et 26 blessés légers, dont sept pompiers – selon le dernier décompte de la préfecture jeudi matin.

Alors qu’il a déjà brûlé plus de 8 100 hectares de forêt, de vigne et de garrigue, l’équivalent de 11 500 terrains de football, il est reparti de plus belle sur la plaine des Maures – une réserve naturelle au nord-ouest de Saint-Tropez – à la mi-journée.

L’Hexagone avait été jusqu’ici épargné par les feux qui ont dévasté une partie de l’hémisphère nord cet été. De la Kabylie à la Sibérie, en passant par la Grèce et la Turquie. Mais le sud de la France, comme le reste du pourtour méditerranéen, est particulièrement propice aux incendies l’été et n’a finalement pas échappé au désastre.

Selon le ministère de la transition écologique, la période 2007-2018 a connu une moyenne annuelle de 4 040 feux qui ont ravagé 11 117 hectares de forêt, sur les 16,9 millions d’hectares que la forêt compte sur le territoire métropolitain. Deux tiers des surfaces forestières françaises incendiées se concentrent en zone méditerranéenne. Ces derniers jours, des feux d’une moindre intensité se sont aussi déclarés dans le Vaucluse et dans l’Aude.

Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) indique que la France, entre autres, va connaître des conditions météorologiques plus favorables aux feux dans les années à venir à cause des dérèglements climatiques qui entraînent des sécheresses plus fréquentes, une baisse de la pluviométrie et des canicules à répétition... Ces incendies seront plus courants mais aussi plus violents.

« Le pourtour méditerranéen est une des régions mondiales les plus impactées par le réchauffement, c’est assez frappant dans le rapport [du GIEC – ndlr], expliquait à Mediapart Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue et coprésidente du groupe n° 1 du Giec – celui qui étudie les aspects scientifiques du changement climatique – depuis 2015. Aujourd’hui, les épisodes de sécheresse peuvent s’étendre jusqu’à quarante jours en moyenne, mais avec un réchauffement à 2 °C, on pourra atteindre soixante-dix jours. Les caractéristiques météorologiques qui renforcent les feux de forêts en Méditerranée seront aussi accentuées, c’est très net. »

Météo France a aussi réalisé des projections inquiétantes. Elles indiquent que la valeur moyenne de l’Indice forêt météo – qui permet d’estimer le danger météorologique des feux – a augmenté de 18 % entre la période 1961-1980 et la période 1989-2008. « À l’horizon 2040, l’IFM moyen devrait progresser de 30 % par rapport à la période 1961-2000. Certaines simulations montrent que cette augmentation pourrait atteindre jusqu’à 75 % d’ici à 2060. À cette échéance, une année comme 2003 deviendrait ainsi la norme en matière de danger météorologique de feux de forêts. »

Cette année-là, la forêt des massifs des Maures et de l’Esterel – la même partie du Var actuellement touchée – a été décimée à 80 %. Au total, 73 300 hectares ont brûlé en 2003, dont 61 000 autour de la Méditerranée, une surface équivalente à six fois la ville de Paris. Il s’agit de l’un des pires bilans enregistrés en France après celui de 1976, avec 88 300 hectares détruits.

Dans la prochaine décennie, les feux devraient également atteindre de manière plus fréquente des espaces situés plus au nord du pays. 290 incendies avaient été recensés en dehors des zones habituées aux feux en 2006, 162 en 2007, 210 en 2008. Il y en a eu 585 en 2017, 378 en 2018 et 737 en 2019. Le phénomène s’accélère.

Des étés secs, comme c’est le cas dans le sud de la France actuellement, favorisent les départs de feux. Une humidité très faible, une température élevée (37 °C) et du vent forment un dangereux cocktail. Dans ces conditions, un incendie moyen peut facilement devenir un mégafeu.

La fournaise varoise s’est, par exemple, propagée à une vitesse moyenne de 5 à 8 kilomètres par heure, une « vitesse inhabituelle » selon les autorités plutôt habituées à combattre des feux plus lents. « Ce feu est hors norme par sa vitesse, son ampleur et sa complexité, a reconnu le commandant de sapeurs-pompiers Florent Dossetti dans les colonnes du Monde. Il va falloir que l’on continue à lutter activement. »

Dans sa course, le feu a forcé près de 10 000 personnes, dont des touristes français et étrangers, à évacuer et à dormir dans des structures d’hébergement d’urgence. Les conséquences sur la biodiversité sont également considérables : 250 espèces sont menacées par ces incendies, dont une espèce rare de tortue.

L’origine du feu varois n’est pas encore connue. La cellule interprofessionnelle de Recherche des causes et circonstances d’incendie (RCCI) – ancienne cellule Vulcain – tente de reconstituer le déroulement des événements. Les premiers éléments indiquent que le point de départ probable de l’incendie serait une aire de repos le long de l’autoroute A57, au nord-est de Toulon.

Neuf feux sur dix sont d’origine humaine. Ils proviennent d’activités économiques (chantiers de BTP, activités agricoles...) ou bien d’activités du quotidien (mégots de cigarettes, barbecues ou feux de camp), indique le ministère de la transition écologique. La zone de départ du feu varois laisse penser aux enquêteurs qu’il aurait été provoqué par l’Homme.

C’est pourquoi le ministère de la transition écologique, en lien avec celui de l’intérieur et celui de l’agriculture, ainsi que l’office national des forêts (ONF) et Météo France ont renouvelé, début juin 2021, une campagne nationale de sensibilisation et de prévention des feux de végétation et de forêt. Elle incite, par exemple, les citoyens à ne pas faire de barbecue aux abords des forêts et des espaces végétalisés, à ne pas jeter de mégot au sol ou par la fenêtre de la voiture, à ne pas fumer en forêt ou en pleine nature, etc.

Il existe aussi toute une réglementation compilée dans la loi du 22 juillet 1987 concernant le droit des citoyens à une information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis sur le territoire français, dont une partie concerne la prévention du risque incendie de forêt.

Si lutter contre les mauvais gestes est plus qu’important, il est aussi nécessaire de s’attaquer au problème de fond : lutter contre les dérèglements climatiques induits par le réchauffement global. Il semble cependant plus simple pour le gouvernement de faire des petites affiches de sensibilisation plutôt que de réduire drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre.


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