Élections en Allemagne : et à la fin, c’est le moins mauvais qui gagne

samedi 4 septembre 2021.
 

Qui pour succéder à la Chancelière Angela Merkel ? Les Allemands sont appelés aux urnes le 26 septembre pour y donner leur réponse.

Putain 15 ans ! En août, les Catalans ont vu Lionel Messi quitter le Barça après 15 années de loyaux services, en septembre, c’est au tour des Allemands de faire leurs adieux à Angela Merkel. Des records de longévité comme ceux-là ne s’effacent pas d’un revers de manche. L’Histoire tourne une page, et la suivante est blanche.

Dans les starting-blocks, six partis et leurs candidats : l’union CDU-CSU (la droite démocrate-chrétienne) d’Armin Laschet, le SPD (les sociaux-démocrates) d’Olaf Scholz, les Verts d’Annalena Baerbock, le FDP (le parti libéral-démocrate) de Christian Lindner, l’AfD (l’extrême droite) d’Alice Weidel et Tino Chrupalla, et Die Linke (la gauche radicale) de Janine Wissler et Dietmar Bartsch.

Yoyo écolo

Dans les sondages, depuis des mois et des mois, la droite jouait la course largement en tête. Comme si l’après-Merkel leur était dévolu. Puis, au printemps 2021, les choses se sont mises à bouger. Les Verts ont pris la tête. Incroyable mais vrai ! Ils allaient bien battre non seulement le parti de la Chancelière, mais aussi – voire surtout – les sociaux-démocrates.

En France, alors que la campagne présidentielle s’installe également, les écologistes y ont vu un signe du destin. L’avenir est à eux. Et si c’est possible en Allemagne, alors ça doit l’être ici en France aussi. Il faut dire que depuis leur bon score aux européennes de 2019, leurs prises de guerre aux municipales de 2020 et l’« enseignement précieux » des régionales de 2021 (pour reprendre les mots du secrétaire du parti Julien Bayou), EELV se voit déjà cartonner en 2022.

Mais revenons Outre-Rhin. Car, depuis les envolées sondagières des écolos – fin avril, début mai –, c’est la chute libre. À en croire Mathieu Pouydesseau, membre de la direction de la GRS (Gauche Républicaine et Socialiste) et fin observateur de la vie politique allemande, cette chute s’explique avant toute chose par un élément : les écolos sont entrés en campagne et… leur électorat potentiel n’a pas franchement adhéré à ce qu’ils ont vu et entendu. En gros, tant que les écolos se taisaient, les projections faites sur eux fonctionnaient plutôt bien, mais celles-ci n’ont pas résisté à l’épreuve des faits.

Gênant, non ?

Et pourtant, l’écologie tient une place de choix dans les débats entre les divers candidats. Les inondations du mois de juillet, qui ont fait au moins 190 décès, ont d’autant plus porté au nu ce thème de campagne. Mais non, la mayonnaise Grünen n’a pas pris, bien au contraire. Il faut dire aussi qu’Annalena Baerbock n’est pas la meilleure des tribuns politiques. Dans les sondages, elle est la candidate la moins populaire parmi les principaux dirigeants politiques allemands. Et au sein des Verts, si sa ligne pragmatique et consensuelle – prête pour de futures coalitions centristes – l’a largement emportée, ce n’est pas sans jouer avec les statuts du parti qu’elle se retrouve candidate à la chancellerie. Puis il y a eu une accusation de plagiat dans le livre qu’elle vient de publier… Calamiteux pour son image. Le SPD, premier des derniers

La droite aussi s’effondre. Elle aussi, divisée dans une querelle d’égos des héritiers de Merkel, semble ne pas avoir choisi le meilleur des candidats. Comme il faut bien qu’une chute profite à quelqu’un d’autre – la politique a horreur du vide –, c’est le SPD qui rafle la mise. C’est presque mathématique. Cet été, le parti a bondi de huit points dans les sondages en un mois. Quitte à avoir un dirigeant modéré, tant sur le plan économique qu’écologique, autant s’appuyer sur quelque chose qui tient un tant soit peu la route. Voilà pour le raisonnement des électeurs.

Les sociaux-démocrates donc. Et la cruche va tant à l’eau que le SPD a réussi sa remontada, au point de dépasser l’union CDU-CSU ! En même temps, la première élection sans Merkel se profile sous le signe du plus mauvais score de la droite depuis... 1949.

Mais ce n’est pas seulement la médiocrité de ses adversaires qui pèsent dans la balance. A contrario, au SPD, la candidature d’Olaf Scholz, vice-chancelier et ministre fédéral des Finances depuis 2018, rassure. Son crédo ? Il est l’« héritier inattendu mais naturel de Merkel », comme l’écrit Mediapart. Une sorte de Joe Biden allemand. Cela peut paraître farfelu, mais ça marche. Dans les sondages, comme le précise le journaliste Pascal Thibaut, « 65% des Allemands estiment qu’Olaf Scholz SPD a la carrure d’un chancelier ».

Et la gauche radicale dans tout ça ? Ines Schwerdtner, rédactrice en chef du magazine Jacobin, résume tout en une phrase : « [Die Linke] est le premier de la classe, mais personne ne veut avoir affaire avec lui. »

Quelle coalition ?

Avec des scores aussi médiocres, il faudra bien trois partis pour gouverner l’Allemagne. La liste des potentiels alliances est presque aussi longue que la liste des candidats à la chancellerie ! Voici les plus probables :

une coalition de gauche : SPD + Verts + Linke ?

une coalition centriste : SPD + FDP + Verts ?

une coalition de droite : SPD + CDU/CSU + Verts ou FDP ?

Et puis, pourquoi pas une rupture avec l’entrée de l’extrême droite dans le jeu des alliances ?

In fine, ces élections sont plus une histoire de casting que de politique pure. Les Allemands vont certainement choisir en premier le soc-dem Olaf Scholz. Faute de mieux. Celui-ci n’aura que l’embarras du choix pour former sa coalition. La majorité des partis frôleront des records en matière de mauvais résultats, même les « vainqueurs ». Tout comme l’abstention. Sans parler du fait que 8% des sondés déclarent vouloir voter pour un « petit parti », qui n’obtiendrait pas 5% des suffrages et donc ne siégerait même pas au Bundestag… « C’est l’aboutissement de la Weimarisation de la République Fédérale d’Allemagne », analyse Mathieu Pouydesseau.

Loïc Le Clerc


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