Dans les vieux pots de la droite, LR concocte son projet présidentiel

dimanche 12 septembre 2021.
 

La droite d’opposition a publié son projet pour la présidentielle. Très proche de celui porté par François Fillon en 2017, il est amputé de certaines mesures très polémiques, comme la suppression de nombreux postes de fonctionnaires. À la place : la promesse d’un État « stratège ».

À défaut de candidat, Les Républicains (LR) ont un programme. Le parti de la droite d’opposition a profité du campus de rentrée de son mouvement de jeunes, samedi et dimanche au Parc floral (Paris), pour présenter son projet en vue de l’élection présidentielle. Distribué à plusieurs centaines d’exemplaires, le document de 38 pages a servi d’habile paratonnerre à la direction d’un parti encore incapable de trouver son ou sa candidate.

Ceux qui venaient au Parc floral pour en savoir plus sur la question sont rentrés bredouilles. Les organisateurs avaient pris soin d’éviter les questions qui fâchent : la course en solitaire de Xavier Bertrand, la primaire que certains appellent de leurs vœux, la multiplicité des candidatures… Même la séance de questions-réponses avec la salle, remplie d’un millier de jeunes adhérents, n’a pas dérogé à la ligne du week-end : priorité aux idées.

« Pour la présidentielle, il faudra l’incarnation, on vous l’a dit cinquante fois, a balayé Christian Jacob, le président de LR, à la tribune. Mais on incarne d’abord quelque chose et quelque chose de solide. Et on voit bien qu’en débattant sur le fond, il y a beaucoup moins de différences entre nous. Quand on débat, on rassemble parce qu’on est capable de se retrouver. Aujourd’hui, lequel d’entre nous ne se retrouve pas sur le projet ? »

Aucune voix ne s’est élevée de l’assistance, évidemment. Mais l’ambiance était plus à faire le plein de confiance et de motivation, drapeaux tricolores agités et « On va gagner » scandés, qu’à se gargariser d’un projet dont le candidat désigné pourra s’affranchir à loisir. « Il y a à boire et à manger là-dedans, souriait en aparté un référent local des Jeunes Républicains. Le parti a mixé les propositions des uns et des autres pour que chacun soit satisfait. »

« Nous avons fait un véritable travail de fond, s’est félicité Christian Jacob. Ce ne sont pas quatre technos qui l’ont rédigé sur un coin de table. » Référence aux forums, auditions, réunions et autres conventions mises sur pied depuis son élection à la présidence du mouvement, en octobre 2019. En tout, LR revendique dix-huit mois de travail et quelques centaines d’heures passées à élaborer ce programme.

Au fil des trente objectifs érigés comme des priorités (de « Stopper l’explosion de la violence » à « Trouver l’équilibre entre éthique et progrès technique »), se lisent quelques-unes des marottes habituelles de la droite. Ainsi du recul à 65 ans de l’âge de départ à la retraite, couplé à la suppression des régimes spéciaux. Sur le plan économique, LR indique vouloir « réduire progressivement les prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises et sur les ménages » et faire « un effort sérieux de maîtrise des dépenses publiques ». Du très classique.

Le parti de la rue de Vaugirard reprend des mesures déjà portées en son temps par Nicolas Sarkozy : la réduction de l’impôt sur les successions, la fin des 35 heures au profit de la négociation d’entreprise, l’autonomie des chefs d’établissements scolaires, la construction de nouvelles places de prison, le durcissement de la justice des mineurs, la mise en place d’une carte Vitale biométrique pour lutter contre les fraudes ou encore le refus de l’élargissement de l’Union européenne.

La droite d’opposition s’évertue aussi à marquer sa distance avec Emmanuel Macron, qu’elle accuse d’avoir « fracturé la France et opposé les Français », en se faisant la défenseure des classes moyennes (« grandes perdantes de la politique fiscale du gouvernement »), des campagnes, des corps intermédiaires et des collectivités territoriales. Au rang des critiques, LR pointe ainsi « l’explosion de la délinquance », le « laxisme judiciaire », l’immigration « incontrôlée » et l’état « catastrophique » des finances publiques.

Pour « rétablir notre pays dans ce qu’il a de grand » et « bâtir la France de demain » – dixit Christian Jacob –, la droite propose un investissement historique en matière sécuritaire : 25 milliards d’euros en un quinquennat pour moderniser les équipements des forces de l’ordre (véhicules, commissariats, casernes, outils technologiques…). Globalement, LR promet une justice plus dure, au sein de laquelle les réductions de peines se raréfient, le Code de procédure pénale est « radicalement » simplifié, les peines planchers sont restaurées et les parents de mineurs délinquants récidivistes se voient retirer les allocations familiales.

Fillon, l’inspiration (avec modération)

Le temps paraît loin où la droite s’indignait de la radicalité du programme de François Fillon. Le projet du parti compile de larges pans de celui porté en 2017 par l’ancien Premier ministre : la suppression de l’aide médicale d’État, la hausse du budget de la défense, l’instauration de quotas annuels d’immigrés, la création d’une allocation sociale unique plafonnée à 75 % du Smic (« pour que le travail rapporte toujours plus que l’assistanat »), l’autonomisation de la gestion des hôpitaux, la vente de HLM pour favoriser l’accession à la priorité, l’instauration de plafonds maximaux de logements sociaux dans certains quartiers…

Un projet marqué à droite où ne figurent plus, en revanche, les propositions largement décriées de privatisation de la Sécurité sociale, de passage aux 39 heures payées 37 ou de suppression de 500 000 postes dans la fonction publique. « Le moment n’est absolument pas le même qu’en 2017, convenait Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat et fidèle de François Fillon, à Mediapart en janvier. La France va sortir polytraumatisée des dernières années. Il faudra en tenir compte. On a aujourd’hui besoin d’un État protecteur. »

Pas question, donc, de faire avaler aux Français une pilule aussi grosse qu’il y a cinq ans. Alors que la primaire de 2016 avait tourné au concours d’économies (tous les candidats, sauf Jean-Frédéric Poisson, promettaient entre 85 et 100 milliards d’euros en cinq ans), LR se montre prudent cette fois. Le parti se contente de proposer une « stratégie de redressement des finances publiques » mais une « stabilité en volume du total des dépenses ». Autrement dit, la droite abandonne deux de ses totems : la réduction du nombre de fonctionnaires et leur temps de travail hebdomadaire.

Face au libéralisme de François Fillon, le projet présenté par LR injecte une dose – légère mais inédite – de souverainisme. « La crise que nous traversons interroge l’État dans sa mission fondamentale de protection », justifie le document. Et la droite de s’engager à « réarmer l’État » en définissant des missions stratégiques à investir en priorité (défense, santé, alimentation…) et en menant une politique volontariste de réindustrialisation par filière.

De nouveaux emprunts à l’extrême droite

Au jeu des sept différences, Les Républicains se montrent aussi plus offensifs sur les questions liées à l’insécurité ou à l’islam ainsi que sur les énergies renouvelables. Le projet présenté ce week-end assume son soutien au nucléaire et promet même la fin du financement de l’éolien et du solaire. Une thématique largement investie par le Rassemblement national, qui l’a placée au centre des débats médiatico-politiques lors des élections régionales de juin. Lire aussi

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Parce que LR est persuadé que son électorat se radicalise au fil des années, quelques propositions hier portées uniquement par l’extrême droite sont intégrées au logiciel de la droite. C’est le cas de la rétention de sûreté pour les terroristes, qui ne figurait en 2017 que dans les projets de Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan, de la mise en place d’un service national obligatoire de quatre mois (que François Fillon jugeait « fourre-tout et coûteux ») ou encore de l’interdiction du voile pour les mères accompagnatrices de sorties scolaires.

Reste une curiosité : cinq ans après son entrée en vigueur, la droite d’opposition souhaite revenir sur la loi interdisant le cumul des mandats. Elle compte, si elle accède de nouveau au pouvoir, « autoriser à nouveau les maires à exercer un mandat parlementaire ». Une demande qui avait déjà été formulée avec insistance par les élus LR à François Fillon en 2017, en vain. Le candidat désigné par le parti aura le même type de choix à faire, à l’heure de fondre le projet du parti dans le sien. Sur ce sujet comme sur les autres.


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