Covid-19 (France) : Avec le variant Delta, endiguer une 5e vague sera plus difficile, alerte l’Institut Pasteur

lundi 13 septembre 2021.
 

Alors que l’épidémie de Covid-19 semble reculer à nouveau en France, des épidémiologistes rappellent que la vaccination n’est pas suffisante pour en finir avec le coronavirus.

CORONAVIRUS - Le don de doucher les espoirs quand les choses semblent s’améliorer. Fin juin, alors que les chiffres de l’épidémie de Covid-19 en France n’avaient pas été si bas depuis des mois, l’Institut Pasteur alertait sur une possible quatrième vague à l’automne. À l’époque, le variant Delta s’imposait tout juste et n’était pas vraiment pris en compte.

Après un été compliqué, le regain de la campagne de vaccination et le pass sanitaire semblent avoir réussi à contenir la vague estivale provoquée par Delta. Mais il ne faut pas croire que la partie est gagnée, mets en garde l’Institut Pasteur.

Dans une nouvelle étude publiée ce lundi 6 septembre, des scientifiques ont modélisé, au vu des récentes données sur le variant Delta et de l’avancée de la vaccination, à quoi pourraient ressembler les mois à venir. Ces scénarios ne sont pas des prédictions et font des hypothèses qui pourraient fortement changer, mais permettent de comprendre les choix qui s’offrent à nous dans les semaines à venir.

Une quarantaine de pages qui alertent sur le risque, toujours présent, d’une 5e vague si rien n’est fait, mais qui porte aussi son lot d’espoirs, à condition que la campagne de vaccination ne faiblisse pas. Et à condition aussi que des efforts soient faits pour réduire la circulation du coronavirus, y compris par les personnes vaccinées.

Un risque de vague si rien n’est fait

D’abord, les chercheurs ont calculé ce qui pourrait se passer si plus aucune mesure n’était mise en place pour réduire la circulation du coronavirus. Dans un tel scénario, les admissions à l’hôpital quotidiennes dépasseraient les pics des précédentes vagues. Malgré la vaccination.

Pour bien comprendre, “il suffit de se replonger dans la première vague [de mars 2020], où nous avons eu environ 3% de la population fragile infectée par le coronavirus, ce qui a suffi à créer une vague”, nous expliquait en mai Simon Cauchemez, modélisateur pour l’Institut Pasteur et co-auteur de l’étude.

Dans leur étude, les chercheurs ont fait l’hypothèse que 90% des plus de 60 ans seront vaccinés à l’automne. Mais les 10% restants sont déjà bien plus nombreux que les personnes fragiles touchées par la première vague. Ainsi, si les plus de 60 ans non vaccinés ne représentent, dans le modèle, que 3% de la population, ils sont responsables de 43% des hospitalisations.

Ce constat était déjà présent dans l’étude publiée en juin. Mais alors pourquoi la hausse des vaccinations ne change-t-elle rien ? Car Delta, plus contagieux et résistant en partie aux vaccins, vient bousculer les modèles. En juin, les scientifiques de l’Institut Pasteur avaient fait l’hypothèse d’un taux de reproduction du virus (R0, le nombre théorique de personnes contaminées par un infecté) autour de 4. Il faut plutôt tabler sur 5, estiment les auteurs de l’étude.

Mais comme il est difficile d’être définitif et que les incertitudes sont importantes, les chercheurs ont testé des scénarios alternatifs, avec un R0 entre 3 et 6. Le graphique ci-dessous montre ce qui peut se passer en fonction du R0 et du niveau de vaccination de la population.

Avec un R0 à 4, comme en juin, le pic de la cinquième vague aurait été plus faible que celui des deux premières vagues, même en relâchant toutes les mesures de contrôle.

Avec un R0 à 5, il faudrait que 95% des plus de 60 ans soient entièrement vaccinés, 90% des 19-59 ans et 70% des adolescents. Pour l’instant, nous sommes à 88%, 81% et 64%. Et avec un R0 à 6, même ces niveaux de vaccination ne suffiront pas, tout simplement. De plus, les auteurs de l’étude ont pris en compte la résistance aux vaccins en diminuant leur efficacité dans le modèle mathématique.

Cibler les non-vaccinés uniquement ne suffira pas

Évidemment, ce scénario catastrophe n’aura pas lieu, car nous n’allons pas du jour au lendemain abandonner toutes les mesures mises en place actuellement. Et la bonne nouvelle, c’est qu’au vu de ce modèle, un confinement ne semble pas nécessaire.

Les deux précédents ont diminué la transmission du coronavirus de 70 à 80%. Mais cet automne, au vu de la couverture vaccinale et de la contagiosité de Delta, une diminution de 20 à 30% serait suffisante pour éviter de saturer les hôpitaux. C’est peu, mais c’est plus que dans l’étude de juin, où une réduction de 10% aurait déjà permis d’avoir un pic plus faible que les précédentes vagues.

“Ce niveau de réduction peut être atteint via des mesures de protection (comme les masques, le lavage des mains), un certain niveau de distanciation physique, le pass sanitaire et la stratégie tester-tracer-isoler”, notent les auteurs de l’étude. La grande nouveauté de ce modèle, c’est surtout que cibler les non-vaccinés uniquement pourrait ne pas suffire.

En juin, les calculs étaient clairs : prendre des mesures chez les non-vaccinés semblait quasiment aussi efficace que d’imposer ces mesures à l’ensemble de la population. “Ce modèle pose la question : s’il y a une reprise, doit-on demander à tous de respecter de nouvelles contraintes, ou doit-on aller vers des stratégies ciblées sur les non-vaccinés ?”, s’interrogeait alors Simon Cauchemez, évoquant notamment les questions éthiques et sociales.

La fin du masque n’est pas pour tout de suite

Depuis, Emmanuel Macron a choisi. En imposant le pass sanitaire à la majorité des lieux recevant du public, le Président a poussé la population française à se faire vacciner et, dans le même temps, a empêché l’accès des zones les plus à risque (restaurants, salles de gym, etc.) aux personnes les plus à risque d’attraper et de transmettre le Covid-19 : les non-vaccinés.

Cibler les non-vaccinés reste plus efficace. Alors qu’ils ne représentent que 29% de la population dans le modèle de l’Institut Pasteur, c’est près d’un infecté sur deux. Les mineurs, peu vaccinés, représentent un tiers des infections et sont responsables de la moitié des transmissions.

Pour autant, le modèle publié ce 6 septembre montre une vraie différence si l’on diminue la transmission du virus (donc le nombre de contacts par personne) chez les non-vaccinés uniquement ou sur toute la population. En juin, à l’inverse, la différence était presque négligeable.

C’est pour cela que même si “des mesures de contrôle ciblant les individus non vaccinés peuvent aider à maximiser le contrôle épidémique” (avec toutes les questions éthiques qui en découlent), “des mesures visant à réduire le risque d’infection et de transmission, comme le port du masque, devraient encore s’appliquer aux individus vaccinés dans des situations où la transmission est possible, par exemple en intérieur”, notent les auteurs de l’étude.

Certes, ces modèles sont loin d’être parfaits. La couverture vaccinale va encore augmenter. De plus, certaines régions, déjà très touchées, atteindront peut-être l’immunité collective plus rapidement. À l’inverse, les auteurs de l’étude n’ont pas tenté de calculer une possible diminution dans le temps de l’efficacité des vaccins, qui fait toujours débat.

L’automne et l’hiver sont encore bien incertains, mais il est peu probable que le masque disparaisse, même pour les vaccinés.

Grégory Rozières


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