2022 : Faure et Hidalgo sont sur un bateau...

lundi 13 septembre 2021.
 

Voilà donc le duo offert aux socialistes pour la campagne présidentielle : un premier secrétaire et une candidate. Soit. C’est inédit, au PS, qu’une élection du premier secrétaire soit si explicitement liée à celle d’un candidat à la présidentielle. Mais, est-ce que ça tient la route ? Pas si sûr.

Olivier Faure a sincèrement envisagé toutes les options en vue de la présidentielle à venir. Tout d’abord, il a opté pour une candidature commune, a minima avec les écolos. Hélas, chez EELV, galvanisé par les élections intermédiaires de ces dernières années, on a plus qu’une seule obsession : envoyer un écolo à l’Élysée, et sans l’aide de personne ! Bref, l’union à vite tourné court, pour devenir un concours Lépine de candidatures.

Alors, Faure, bien conscient que le PS ne peut pas se permettre de manquer la fête, est passé au plan B : présenter une candidature socialiste. En l’occurrence celle de la maire de Paris. Si Anne Hidalgo est présentée partout comme LA candidate, elle-même n’a pas fait d’annonces particulières en ce sens, bien qu’elle ne cache pas franchement son ambition d’y aller. Mais c’est aussi un choix par défaut, parce que, à part elle, ça ne se bouscule pas vraiment pour y aller… Même si on a pu entendre parler – un court instant – d’une éventuelle candidature de Bernard Cazeneuve ou de Jean-Christophe Cambadélis, a-t-on déjà vu si peu de prétendants ?

Il y a bien Stéphane Le Foll, candidat à un « débat présidentiel »… C’est un peu le dernier combat des hollandais. Eux qui ont connu l’âge d’or du PS ne se résignent pas à son déclassement, mais ils n’ont plus assez de force pour ressusciter leur phénix. Le Foll, Rebsamen, et même Cazeneuve, sont face à l’ironie de l’histoire : ils étaient ultra-majoritaires et sont devenus minoritaires au sein de leur propre famille. Que feront-ils après ? Rejoindront-ils Macron comme tant d’autres ? « Le Foll et Rebsamen ont leur mairie, Cazeneuve est avocat, analyse le politologue Rémi Lefebvre. Ils ont quitté la politique nationale et puis ils n’ont rien à gagner à rejoindre Macron, déjà parce qu’ils n’auront aucune place mais aussi parce qu’avec la droitisation du macronisme, le pas est beaucoup plus dur à faire qu’en 2016-2017. »

Mais avant tout ça, il va falloir choisir comment désigner le ou la candidate. Pour l’heure, la seule chose de sûre c’est qu’il n’y aura pas de primaire comme lors des précédentes présidentielles – le PS a supprimé la primaire ouverte de ses statuts. Après le congrès, les militants socialistes seront donc invités à revoter, en interne.

Le PS... et la gauche

À l’heure d’écrire ces lignes, ce sont pas moins de sept candidats qui sont en lice pour 2022 : un écolo, un socialiste, Fabien Roussel, Arnaud Montebourg, Jean-Luc Mélenchon, Philippe Poutou et Nathalie Arthaud. Pour Rémi Lefebvre, ça ne fait aucun doute, « comme il n’y a pas un candidat qui se détache réellement, alors plein de gens tentent le coup, mais beaucoup n’iront pas jusqu’au bout. C’est juste un poker menteur et ça va finir par une primaire par les sondages. » Les sondages, pythie pour départager les candidats de gauche ? Tous espèrent un siphonnage des intentions de vote, comme cela s’était passé entre Hamon et Mélenchon en 2017, mais Christian Paul, maire de Lormes et ancien député PS, y voit un risque non négligeable : « Si jamais ça s’équilibre jusqu’en décembre-janvier, que fait-on ? L’obsession qu’aurait dû avoir le PS, c’est la coalition. Une coalition où le PS aurait sa place. Faure la voulait, mais ça ne s’est pas fait. Ses signaux étaient-ils trop peu explicites ? Ou bien est-ce à cause des autres candidats ? »

Puis, il y a aussi la question de l’argent. Ça vaut pour un Arnaud Montebourg – qui n’est pas Macron 2017 –, mais tout autant pour le PS. « Le PS peut-il financer une présidentielle ? », interroge Fabien Escalona, journaliste à Mediapart et docteur en science politique. Car si les socialistes se demandent s’ils peuvent atteindre le second tour de la présidentielle, le risque de ne pas faire 5% au premier (et donc de ne pas être remboursé de ses dépenses de campagne) est bel et bien là.

Pour le PS, l’enjeu majeur n’est pas tant la présidentielle que les législatives qui suivront. Hidalgo, s’il se confirme ce dimanche qu’elle est bien candidate, n’y va pas pour gagner mais pour redresser le Parti socialiste – notamment dans la perspective des élections législatives. Par ailleurs, sans candidat à la première élection, il devient compliqué, voire impossible, de mener à bien des négociations pour les suivantes. Le premier tour de la présidentielle fera office de thermomètre de la gauche en vue de la construction du rapport de forces des législatives. La grande peur d’Olivier Faure, c’est d’être celui qui n’aura pas réussi à empêcher la satellisation du PS autour de LREM – à défaut d’avoir empêché les transfuges. L’après-Hollande, ça commence quand ?

Le constat reste le même depuis 2017 : le quinquennat Hollande a sérieusement entamé la gauche – et pas que le PS ! Depuis, au Parti socialiste, c’est la croix et la bannière pour sauver les meubles avant que le navire ne coule définitivement. Et d’écoper en attendant…

Il y a aussi une version optimiste de l’histoire. Depuis 2017, année où le PS s’est ramassé à la présidentielle et aux législatives, depuis il s’est strictement maintenu à ce niveau faible. Depuis, c’est le statu quo, mais le parti ne s’est pas effondré, notamment en préservant sa survie locale et régionale. Et pendant ce temps, aucun autre parti à gauche ne s’est imposé.

« L’horizon de la gauche ne va pas au-delà de quelques semaines. Mais à l’approche de l’élection, l’angoisse saisira les candidats », assène Christian Paul. Lui, il plaide pour que le temps qui reste d’ici 2022 soit utilisé pour que les différentes forces de gauche se rapprochent. « Le fait que Macron ne soit pas désiré devrait être une chance pour la gauche. En cela, l’exemple américain est intéressant. Ne faisons pas de Macron le Biden français, ne lui laissons pas l’occasion d’être le cœur de la grande coalition démocrate face à la droite », alerte-t-il. Hidalgo candidate, vraiment ?

D’ici là, tout est affaire de sondages donc. Et on ne peut pas dire qu’Anne Hidalgo fasse sensation. Actuellement, elle est donnée à 8%, comme Jadot, et juste derrière Mélenchon à 10. C’est toujours mieux que les 6% de Benoît Hamon en 2017, mais cela serait quand même très mauvais pour un candidat socialiste à une présidentielle !

« Hidalgo, maire de Paris, ne pourra pas aller au casse-pipe », assure Rémi Lefebvre. Beaucoup de cadres du PS ne croient pas à cette candidature mais ils semblent incapables d’imaginer un autre scénario. « Ils font croire qu’ils y croient, mais Anne Hidalgo, c’est une parade du PS pour prétendre à une existence nationale, lance Fabien Escalona. Elle tente le coup parce qu’il n’y a personne d’autre, mais elle pourrait bien se retirer au dernier moment pour éviter le fiasco. »

Alors admettons qu’Hidalgo aille au bout : non seulement il va falloir qu’elle s’adresse à toute la France, et pas seulement à Paris et aux grandes villes, mais on voit mal comment une alliance pourrait se créer entre elle et Mélenchon. Déjà aux régionales de 2020, Anne Hidalgo, tout en soutenant l’alliance de la gauche en Île-de-France, arguait qu’elle ne ferait « jamais d’alliance avec La France insoumise ». Rémi Lefebvre, lui, n’en doute pas un instant : « Un électeur de Mélenchon ne votera pas Hidalgo, et réciproquement. C’est un problème insoluble sociologiquement. » Nous voilà dans de beaux draps !


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