Tunisie : L’ivresse du pouvoir semble avoir eu raison du parti Ennahdha, actuellement en pleine zizanie

mardi 14 septembre 2021.
 

Gel de la candidature de Imed Hammami, montée des protestations, consolidation du clan anti-Ghannouchi au sein du parti et reconnaissance par nombre de dirigeants influents de l’échec dans la gestion du pays, autant de signaux qui attestent que le mouvement Ennahdha est en pleine zizanie. L’excès de confiance et l’ivresse du pouvoir semblent avoir eu raison du parti islamiste, de ses acolytes et de tous les partis politiques qui ont pactisé avec lui durant l’amère décennie qu’a connue notre pays.

Manifestement, le coup de tonnerre politique du 25 juillet dernier sur fond d’activation par le chef de l’Etat de l’article 80 de la Constitution tunisienne et de ce qui s’est ensuivi comme gel de l’ARP, de levée de l’immunité des députés et de limogeage du Chef du gouvernement, aura été fatal au parti Ennahdha qui est plus que jamais menacé d’implosion.

C’est certain que l’histoire nationale et la mémoire collective retiendront le jour de la célébration du 64e anniversaire de la proclamation de la République, où il a été mis fin au chaos et à l’instabilité, voire à la turbulence politique qui ont tant nui au pays. Force est de reconnaître que la vision radicale du parti islamiste, ses dogmes occultés ou ensevelis par une civilité douteuse, ses abus et malversations et surtout sa totale déconnexion des préoccupations des citoyens ont précipité cette tournure des événements.

Plusieurs de ses dirigeants notoires commencent à saisir, enfin, qu’une page de l’histoire de la Tunisie contemporaine vient d’être tournée et qu’un point final semble avoir été mis au règne maléfique du parti islamiste qui aura laissé des séquelles profondes aux plans économique, sociétal (altération des repères identitaires), sécuritaire (terrorisme) et culturel.

Est-ce une forme de reconnaissance sincère de leur responsabilité dans le cuisant échec ou s’agit-il plutôt d’un artifice ou d’une manœuvre politicienne de la part de ce parti pour se refaire une virginité et sauver la face en se repositionnant de nouveau sur la scène pour récupérer son électorat qui ne cesse de se rétrécir comme une peau de chagrin et regagner en popularité ?

A vrai dire, la tâche de la conduite des affaires publiques de la part du mouvement Ennahdha a toujours été facilitée par une opposition en manque de confiance, dispersée, voire divisée.

Et à chaque fois que l’opinion tiquait ou à chaque scrutin, le parti islamiste usait de tous les subterfuges pour se maintenir au pouvoir, en faisant des promesses qui dépassaient, et de loin, les capacités de l’économie nationale ou en entretenant l’illusion que l’intérêt général primait dans tous les cas de gure sur celui partisan ou particulier. Comment décrypter les causes de l’échec de ce parti qui reste l’acteur politique majeur tout au long de la dernière décennie ?

En fait, c’est là la rançon de l’impréparation : les structures du parti islamiste ne croyaient pas que ce jour pourrait arriver. D’ailleurs, c’est tout l’éco- système politique national qui est encore en plein désarroi.

En fait, même lors de la Révolution du 14 janvier 2011, les nahdhaouis sont arrivés au pouvoir dans un état d’impréparation manifeste. En témoigne les années du règne de la Troïka (mouvement Ennahdha, parti Ettakattol et le CPR) où les tergiversations et les bévues se sont multipliées à une large échelle jusqu’à ce que les acteurs politiques se ressaisissent et parviennent, avec l’aide de la société civile, à interrompre ledit règne.

Ils (les nahdhaouis) croyaient à tort, par ignorance ou par arrogance, que la conduite de la Tunisie était apparemment facile, surtout après la chute du régime dictatorial du défunt Zine El Abidine Ben Ali et donc, que le pays serait totalement apaisé. Ensuite, avec l’appui international, ils pensaient que l’économie nationale saurait s’en sortir sans aller jusqu’à la mise en œuvre de réformes structurelles censées être douloureuses, ce qui risquait d’entamer leur popularité.

Or, rien ne s’est déroulé comme prévu et le passage de relais n’a pas été effectué en douce, loin de là. Tous les gouvernements et les parlements qui se sont succédé depuis et dans lesquels le mouvement islamiste a tenu à être toujours représenté, n’ont jamais réussi à redresser une situation de plus en plus compromise qui s’est aggravée de jour en jour.

Du coup, la méthode de gouvernance maladroite a plongé le pays dans le blocage et le chaos, faute de réformes nécessaires, ceci sans parler

des manipulations électorales (révélées par la Cour des comptes),

du sort encore méconnu des sommes colossales sous forme d’aides et de dons internationaux reçus par notre pays lors de la Révolution du 14 janvier 2011,

de la submersion de la fonction publique de sureffectifs,

de la responsabilité dans les meurtres politiques des défunts Belaïd, Brahmi et Naguedh

dans le fait que notre pays était devenu une terre d’accueil pour les terroristes,

de la mainmise sur l’appareil judiciaire et de l’infiltration des ministères régaliens,

ainsi que du pseudo-relookage du parti en le rendant civil, tout en faisant croire à une adhésion à la laïcité de l’Etat.

Autant de couacs ou de fausses notes qui ont entaché l’image du mouvement Ennahdha et sa popularité. La fin de l’islamisme politique ?

Mais les menaces d’implosion du mouvement Ennahdha et de ses partis ou formations satellites peuvent-elles annoncer la fin de l’islamisme politique dans nos contrées ? Rien n’est moins sûr.

Car cette faction ne s’avouera pas vaincue pour autant, à l’image des tentatives (vaines) de se disculper aux yeux de l’opinion publique, de la montée de voix discordantes de membres influents prônant un changement profond dans les structures du parti, ce qui a d’ailleurs suscité l’ire du gourou de la direction du parti sur fond de prises de mesures disciplinaires.

Mais, observateurs et analystes restent convaincus que la reconnaissance des erreurs reste sans valeur si elle n’est pas suivie d’une prise de responsabilité courageuse qui permettra de lever le voile sur les zones d’ombre dans nombre de dossiers et de rendre compte des méfaits reprochés.

Autre manifestation de cette farouche résistance : la poursuite de l’activité de la branche de l’association de l’Union internationale des oulémas musulmans (classée par nombre de pays en tant qu’organisation terroriste) contre vents et marées et contre toutes les voix de bon sens des représentants de la société civile (dont notamment l’Observatoire national pour la défense du caractère civil de l’Etat et le Parti destourien libre) pour lesquels cette institution représente une sérieuse menace de radicalisation de la société tunisienne et matérialise la mainmise du parti islamiste sur les rouages de l’Etat et sur ses institutions.

Ce n’est un secret pour personne que cette branche a été instituée en Tunisie du temps du règne de Hamadi Jebali et a toujours bénéficié du soutien du mouvement islamiste.

D’après nombre d’observateurs qui défendent la laïcité de l’Etat, il faudrait faire en sorte d’interdire l’activité de toutes les associations douteuses qui propagent la pensée obscurantiste et encouragent le fondamentalisme et le terrorisme.

En fait, le mouvement Ennahdha n’a jamais abandonné son statut dépendant de la pensée des Frères musulmans, ce qui a d’ailleurs impacté sa stratégie politique et culturelle. Et du coup, il n’a jamais envisagé une volte-face géostratégique mondiale qui emporterait à jamais ce mouvement international qui a subi tant de revers depuis l’échec de la révolution égyptienne.

Pour l’heure, le mouvement islamiste cherche par tous les moyens à éviter la confrontation,

que ce soit avec les autres acteurs politiques, essentiellement celui qui a désormais les cartes en main, à savoir Kaïs Saïed (sur lequel pourtant a parié le parti islamiste lors des dernières élections présidentielles),

ou des vis-à-vis d’une opinion publique qui reste à reconquérir en attendant que les choses se tassent.

« Pour être efficace, il faut cacher ses intentions », disait Machiavel. Le chef de l’Etat semble pour le moment appliquer ce précepte, mais encore faut-il que l’attente de l’opinion ne soit pas, cette fois-ci, déçue

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