Nouveauté Quand Fontenelle inventait l’histoire des sciences

jeudi 13 septembre 2007.
 

Le livre de Simone Mazauric redonne toute sa place au fondateur d’une discipline qui place l’exercice de la raison critique au coeur du savoir.

Éditions Fayard, 380 pages,

22 euros (à paraître le 19 septembre).

Il y a deux cent cinquante ans mourait, presque centenaire, Bernard Le Bovier de Fontenelle. Entre la date de sa naissance à Rouen en 1657 et celle de sa mort à Paris en 1757, la société s’est profondément transformée : on est entré dans le temps des Lumières.

De cette transformation Fontenelle est sans conteste l’un des acteurs importants. Cependant, de cet homme à l’oeuvre considérable, il ne reste bien souvent, aujourd’hui, que des souvenirs un peu lointains : celui d’un secrétaire perpétuel

de l’Académie royale des sciences d’une longévité exceptionnelle, celui de l’auteur d’un beau succès littéraire et scientifique d’inspiration cartésienne, les Entretiens sur la pluralité des mondes, publiés en 1686, un an avant les Principes mathématiques de la philosophie naturelle de Newton.

Le livre de Simone Mazauric vient donc à point pour redonner une place à Fontenelle mais aussi à un certain travail de la pensée où s’affirme clairement ce qu’on peut appeler l’exercice de la raison critique. Un exercice de la pensée pour la liberté qui, prenant son essor à l’aube du XVIIIe siècle, doit toujours être réactivé, ce qui n’est pas une mince affaire.

Loin d’écrire un livre sur Fontenelle, l’auteure s’attache à penser, à partir de l’homme, l’invention de l’histoire des sciences au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles. Dans sa vie même, en effet, Fontenelle se trouve à la croisée des chemins et des débats qui vont déterminer à la fois l’engendrement d’une discipline, l’histoire des sciences et une orientation critique de la pensée.

Dans ce livre toujours bien documenté et d’une lecture agréable, Simone Mazauric nous invite à découvrir, en l’inscrivant dans la vie intellectuelle et scientifique de l’époque, les conditions de la genèse de la vie et des transformations de l’Académie royale des sciences, créée en 1666 sous la protection de Louis XIV. Fontenelle y entre en 1697, en qualité de géomètre et de secrétaire perpétuel, dont il prend officiellement la charge lors de la restructuration de l’Académie en 1699.

Décision est alors prise de publier chaque année les mémoires présentés aux séances de l’Académie ainsi qu’une partie introductive appelée « Histoire de l’Académie » dont la rédaction échoit au secrétaire perpétuel. Fontenelle va s’acquitter de cette tâche jusqu’en 1740 lorsqu’on lui accorde enfin, à quatre-vingt-trois ans, le droit de prendre sa retraite... Une retraite fort méritée, car c’est en rédigeant cette partie historique des mémoires que leur auteur a, si l’on peut s’exprimer ainsi, inventé l’histoire et la philosophie des sciences. S’attachant en effet à présenter et à mettre en perspective les différents mémoires, il en précise les contextes historiques et scientifiques d’une façon souvent très détaillée. En outre, tant dans ces textes que dans les éloges qu’il rédige des académiciens disparus, il introduit de nombreuses remarques sur la nature des objets mathématiques, la méthode scientifique, le rôle de la recherche fondamentale et l’utilité des sciences et des techniques : une véritable réflexion sur le vif s’élabore à partir de la science en acte.

Autant de textes merveilleux d’intelligence et de finesse où l’histoire des concepts, déjà, s’instaure comme ce qui doit faire le coeur de l’histoire des sciences, mais aussi le coeur de la pensée active parce que critique et réfléchie. Il faut lire le livre de Simone Mazauric et relire Fontenelle pour redécouvrir ce que signifient la jubilation et le sourire de la raison.

Michel Blay, directeur de recherches au CNRS


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