Thomas Sankara : un révolutionnaire

dimanche 10 octobre 2021.
 

Thomas Sankara, Président du Burkina Faso de 1983 à 1987, fait partie de ces hommes exceptionnels tels Patrice Lumumba, Salvator Allende, Ernesto Guevara, Ben Barka .., dont la courte vie fut brutalement interrompue par des assassins au service d’intérêts financiers.

La Haute-Volta - devenue le Burkina Faso - était une colonie faisant partie de l’Afrique Occidentale Française ( AOF) jusqu’au 5 août 1960 date de son indépendance. La capitale est Ouagadougou souvent simplifiée en Ouaga.

Les années de formation

Thomas Sankara ( 1949 - 1987 ) fit ses études secondaires au lycée de Bobo Dioulasso, la deuxième ville du pays. Bien qu’il fut un élève brillant d’une intelligence exceptionnelle, il n’obtint pas de bourse. Dans ces pays où faire des études supérieures coûte très cher, les enfants issus de familles pauvres ou même modestes n’ont que deux possibilités s’ils veulent continuer leurs études : entrer au séminaire ou dans l’armée. Le jeune Thomas préféra entrer dans l’armée (1).

De 1970 à 1973 il fut élève à l’Académie militaire d’Antsirabé, à Madagascar. Le pays était en ébullition. Une révolte populaire venait de renverser le vieux Tsirana , « Père de l’indépendance » mais dont la politique néo-coloniale était pilotée par la France. La nuit, avec ses condisciples venus de toute l’Afrique, Sankara discutait des événements observés pendant la journée. Lentement, une conscience politique se formait. Des lectures intenses favorisaient cette naissance.

En 1978 Sankara fut envoyé en stage au Maroc. A Rabat il découvrit l’abominable misère du peuple face au luxe insultant des classes dirigeantes.

Revenu à Ouaga fin 1978, il fut nommé commandant des unités de commandos et obtint le grade de capitaine. Alors, s’entourant de camarades dont les idées étaient proches des siennes, il entreprit un travail méthodique d’analyse des dysfonctionnements du système politique et de la structure économique de l’Etat néo-colonial. Un petit noyau pré- révolutionnaire était en gestation.

L’entrée en politique

Thomas Sankara devient secrétaire d’Etat à l’information puis est nommé Premier Ministre en 1982 par le Président Jean-Baptiste Ouédraogo.

Peu après sa prise de fonction, il part pour New Delhi où se tient la réunion annuelle des pays non-alignés (2) du 7 au 11 mars 1983. Son discours en séance plénière et ses interventions en commission font grande impression. Fidel Castro qui est alors le président en exercice du mouvement des non-alignés l’invite dans sa villa. Cette rencontre représente un tournant dans la vie de Thomas Sankara : il se sent reconnu, encouragé dans sa démarche révolutionnaire.

Mais il inquiète les services secrets français qui donnent ordre au président Ouédraogo d’arrêter Thomas Sankara. Trois jours après cette arrestation, les 20 et 21 mai, les étudiants, les lycéens, les petits fonctionnaires, puis tout le peuple de Ouaga et des faubourgs convergent au centre de la capitale exigeant la libération du capitaine. Blaise Compaoré, grand ami et camarade de Thomas Sankara organise la résistance qui aboutit à sa libération et à la chute du président Ouédraogo le 4 août 1983.

Thomas Sankara prend la tête du Conseil National de la Révolution (CNR) et exercera le pouvoir avec ses compagnons d’armes jusqu’au 15 octobre 1987. Le 4 août 1984, premier anniversaire de la révolution, le gouvernement de Thomas Sankara change le nom français de la Haute-Volta en Burkina Faso, nom qui signifie « Pays des hommes intègres »

La politique intérieure

Le Burkina Faso est l’un des pays les plus pauvres de la planète. Thomas Sankara commence par diminuer drastiquement les dépenses de fonctionnement de l’Etat ( baisse de 18% en 2 ans) et il s’attaque à la corruption qui gangrène toute la société.

Fini les luxueuses voitures de fonction qui sont vendues aux enchères, dès lors on roule en Renault 5, sans chauffeur, à commencer par Thomas Sankara lui-même qui donne l’exemple.

Les salaires des hauts fonctionnaires sont fortement diminués, chacun recevra le salaire qu’il touchait en activité avant son élection. Thomas reçoit la très modeste solde de capitaine. Le gouvernement finance les écoles, les hôpitaux grâce aux économies réalisées. Il soutient les agriculteurs, les encourage à pratiquer une agriculture biologique et le pays devient autosuffisant en alimentation. Il encourage la culture du coton, le tissage et la fabrication de vêtements, lui- même porte la chemise traditionnelle « made in Burkina ». Les Burkinabés sont incités à produire ce dont ils ont besoin afin de réduire les importations.

Enfin il s’engage dans une lourde tâche : l’amélioration de la condition féminine. Entre autres mesures, il promeut la contraception, interdit la polygamie et l’excision et fait du 8 mars, journée internationale des droits de la femme, un jour férié chômé ! Plusieurs femmes sont membres du gouvernement.

La politique extérieure

En octobre 1983, la première prise de position du gouvernement en politique étrangère surprend tout le monde car il soutient les mouvements révolutionnaires en lutte : les Sandinistes au Nicaragua, le Front Farabundo Marti au Salvador, le Polisario au Sahara occidental et il dénonce l’invasion étatsunienne de la Grenade.

Le 1er janvier 1984, la Haute-Volta devient membre non- permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, et selon le règlement, l’occupe pendant 6 mois. Pendant ces 6 mois, la Haute-Volta vote constamment avec le Nicaragua sandiniste et contre les Etats-Unis.

En 1986 Sankara effectue un voyage officiel à Moscou. Tous ses voyages à l’étranger sont effectués sur les lignes commerciales.

Mais le fait le plus marquant est le discours qu’il prononce à Addis-Abeba le 29 juillet 1987 à la 25ème conférence du sommet des pays membres de l’OUA (3) où il exhorte ses collègues à ne pas rembourser la dette de leur pays.

Discours sur la dette

Il commence par regretter l’absence de certains chefs d’Etat importants à ce sommet puis embraye sur le problème de la dette qu’il juge aussi crucial que le problème de la paix.

Quelques extraits de ce discours :

Nous estimons que la dette s’analyse d’abord de par ses origines qui remontent aux origines du colonialisme.( ....) La dette c’est encore le néo-colonialisme où les colonisateurs se sont transformés en assistants techniques(.....) qui nous ont proposé des sources de financement(....) nous nous sommes endettés pour cinquante ans, soixante ans, même plus....

Mais la dette, sous sa forme actuelle est une reconquête savamment organisée(......)faisant en sorte que chacun de nous devienne (un) esclave financier(.....) avec l’obligation de rembourser.

La dette ne peut pas être remboursée parce que, d’abord, si nous ne payons pas nos bailleurs de fonds ne vont pas mourir(...) Par contre si nous payons c’est nous qui allons mourir.

Nous ne pouvons pas rembourser la dette parce que nous n’avons pas de quoi payer ; nous ne pouvons pas rembourser la dette parce que nous ne sommes pas responsables de la dette...


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