La division de la société en classes : histoire longue et planétaire.

jeudi 28 octobre 2021.
 

La classe dominante fait toujours passer ses intérêts propres pour l’intérêt général et dissimule toujours la réalité de son existence.

Face à la violence des crises, des manipulations et démoralisations, comment rester à la fois lucide et serein ? Avoir une conscience de classe ! C’est d’ailleurs elle là que se situe la racine de l’insoumission. Voici le processus de son émergence dans le cerveau d’un humain en quête d’une justice sociale radicale.

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Préambule

« …Pour le moment, je voudrais seulement comprendre comment il se peut que tant d’hommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de nations supportent quelquefois un tyran seul qui n’a de puissance que celle qu’ils lui donnent, qui n’a pouvoir de leur nuire qu’autant qu’ils veulent bien l’endurer, et qui ne pourrait leur faire aucun mal s’ils n’aimaient mieux tout souffrir de lui que de le contredire. Chose vraiment étonnante — et pourtant si commune qu’il faut plutôt en gémir que s’en ébahir -, de voir un million d’hommes misérablement asservis, la tête sous le joug, non qu’ils y soient contraints par une force majeure, mais parce qu’ils sont fascinés et pour ainsi dire ensorcelés par le seul nom d’un, qu’ils ne devraient pas redouter — puisqu’il est seul — ni aimer — puisqu’il est envers eux tous inhumain et cruel. Telle est pourtant la faiblesse des hommes : contraints à l’obéissance, obligés de temporiser, ils ne peuvent pas être toujours les plus forts.… »

Étienne de La Boétie. Discours sur la servitude volontaire.

Écrit en 1574 en latin et 1576 en français. La Boétie avait entre 16 et 18 ans lorsqu’il a écrit ce texte qui garde son actualité du néolithique à nos jours.

Texte complet en PDF à l’adresse suivante : https://www.singulier.eu/textes/ref...

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Le texte suivant est volontairement schématique. Le détail nécessiterait la lecture de l’ouvrage en six tomes « La société » de Robert Fossaert dont on peut trouver une table des matières avec le lien suivant : http://classiques.uqac.ca/contempor...

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Nous allons très sommairement résumer la perpétuation de la division de la société en deux classes antagoniques.

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L’émergence des classes sociales

Pendant fort longtemps, l’Homo sapiens pour assurer sa survie était un chasseur – pêcheur – cueilleur. C’était essentiellement un nomade qui se déplaçait pour trouver ses ressources alimentaires et tenir compte des éventuels changements climatiques qui pouvaient atteindre de vastes zones géographiques.

Les plus anciens bateaux découverts (pirogues) datent de – 7000 ans. Entre – 9000 et – 6000 selon les régions du globe, il invente l’agriculture et l’élevage. Progressivement, il se sédentarise notamment à Sumer, au sud de la Mésopotamie (actuellement Irak)

Naissent ainsi de premières cités états les premières villes. Apparaissent l’ Irrigation, la constitution de stocks, la fabrication de différents outils qui implique le développement de divers artisanats (poterie, ferronnerie, travail du bois,…) qui font apparaître ainsi progressivement une division sociale du travail.

L’invention de l’araire au 4ème millénaire et de la roue aux alentours de – 3500 furent importantes pour le développement de l’agriculture puis du transport.

L’apparition des premières écritures cunéiformes (– 3400) à la même époque, permit une meilleure communication entre les villes notamment et de rendre possible un début de vie administrative.

Ainsi avec l’apparition de cette division sociale du travail les Homo sapiens se répartissent en deux classes sociales. Une classe dominante est une classe dominée.

La classe dominante est toujours numériquement minoritaire par rapport à la classe dominée.

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La puissance de la classe dominante s’appuie, au cours des siècles, sur cinq piliers :

le pilier économique, le pilier idéologique et culturel, le pilier administratif et judiciaire, le pilier de la force, le pilier politique.

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1 – Le pilier économique

Celui-ci puise sa force dans :

– l’accaparement ou l’appropriation des moyens de production et d’échange notamment les sols,.

Cela peut se réaliser par l’expropriation la réquisition, les guerres de conquête, la colonisation, les privatisations.

– l’appropriation définitive ou temporaire et l’exploitation de la force de travail des Homo sapiens de la classe dominée. Selon la période historique considérée ce sont les esclaves,les serfs, les salariés.

Les artisans, les petits commerçants, les petits agriculteurs sont assujettis à la classe dominante par la fixation des prix de leur production et de leurs marchandises par la classe dominante. (Donneur d’ordre, négociant,)

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Actuellement la classe dominée se divise économiquement en trois parties des salariés du secteur privé, les salariés du secteur public, les travailleurs indépendants.

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La classe dominante est constituée de deux pôles indissolublement liés : un pôle de la propriété et un pôle de l’organisation de la vie économique au niveau de l’unité de production et au niveau de la société. Autrefois les clercs, aujourd’hui les équipes de directions des entreprises multinationales.

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2 – le pilier idéologique et culturel.

Celui-ci tire sa force de l’appareil ou des appareils idéologiques pour auto justifier et légitimer auprès des dominés sa domination Pendant des siècles idéologies dominantes étaient la religion et les appareils idéologiques étaient et sont encore dans certains pays, des églises.

Une partie des sermons des prêtres a pour fonction de légitimer le pouvoir féodal en place. Le Haut clergé fait partie de ce pouvoir féodal lorsque le pouvoir de la bourgeoisie remplace le pouvoir féodal, l’idéologie libérale avec toutes ses variantes est véhiculée par l’appareil médiatique dont les supports se diversifient avec le temps (journaux, radio, télévision, Internet téléphone).

Les théologiens sont remplacés par les théoriciens du libéralisme, les prêtres sont remplacés par les journalistes.

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La culture artistique avec toutes ses diverses disciplines et la culture scientifique avec ses diverses spécialités jouissent d’une certaine autonomie mais peuvent être mises au service de cette classe dominante .

Les arts peuvent être influencés par la religion et témoigner de la puissance symbolique de la classe dominante.

L’architecture des monuments religieux avec les pyramides et les cathédrales en sont un exemple emblématique. La peinture, sculpture, musique peuvent être influencées par la religion chrétienne ou autre en Orient.

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Adossés à la fois sur le pilier idéologique et culturel, les différentes écoles ou centres de formation assurent la transmission des idéologies du savoir artistique et scientifique.

Les bibliothèques, les musées, etc. conserve le patrimoine idéologique et culturel.

3 – le pilier administratif et judiciaire.

L’organisation de la vie sociale et la gestion des différents secteurs de son activité nécessitent l’élaboration et l’application d’une multitude de réglementations notamment pour la collecte de l’impôt.

L’administration et la justice mettent en œuvre des règlements qui servent d’une part à la cohésion sociale et d’autre part à défendre les intérêts notamment patrimoniaux de la classe dominante.

Remarquons qu’en France, il existe une séparation entre le droit administratif et le droit pénal.

4 – Le pilier de la force

– La police est chargée de faire respecter les lois et d’assurer l’ordre intérieur, c’est-à-dire l’ordre social dominant. Il est donc très rare que la police ne soit pas du côté de la classe dominante.

– L’armée pouvant être constitutive de la classe dominante est chargé de la force extérieure.

Elle peut être utilisée pour la défense contre des agressions extérieures mais aussi pour la conquête de nouveaux territoires.

Occasionnellement elle peut se joindre à la police pour écraser des révoltes intérieures contre la classe dominante (Exemple de la commune de Paris de 1871).

L’armée peut être utilisée pour accroître le pouvoir économique de la classe dominante : par exemple par la colonisation.

5 – Le pilier politique.

La classe dominante s’appuie aussi sur une organisation politique se traduisant par différents types d’origine et d’États.

Les institutions politiques mettent en forme les différents pouvoirs politiques : pouvoir exécutif, pouvoir législatif, pouvoir judiciaire qui ne sont pas forcément séparés selon les régimes.

L’exécutif peut être incarné par un roi, un empereur,, monarque de droit divin, un président de la république, un dictateur, etc

Des assemblées parlementaires élaborent des lois dont la plupart défendent les intérêts de la classe dominante (loi sur la propriété, loi fiscale par exemple). Ces lois servent aussi à assurer une certaine cohésion sociale et une régulation de l’activité économique. Selon les rapports de force, certaines lois peuvent défendre intérêts des dominées.

Une constitution organise juridiquement les différentes instances politiques au sein d’un État. Sauf exceptions, celle-ci est rédigée par des agents de la classe dominante ou qui sont à son service.

L’État sous la tutelle du politique, coordonne l’action des différents piliers précédents.

L’état, muni de la violence légitime par le 4ème pilier défend le plus souvent le pouvoir de la classe dominante contre ceux de la classe des dominée. Mais l’État peut être traversé par des conflits internes résultant de la variabilité des rapports de force politique.

L’État est enraciné économiquement sur un certain type de mode de production variant avec les époques et les différentes régions du globe.

Les partis politiques sont des dispositifs institutionnels permettant de former et de faire émerger le personnel politique faisant fonctionner le gouvernement et les assemblées.

Ces partis peuvent s’identifier par leur positionnement au regard de la classe dominante.

Ils se divisent en trois groupes :

– Les partis qui défendent majoritairement les intérêts de la classe dominante : ce sont les partis de droite du centre, et de l’extrême droite.

– Les partis qui défendent selon les rapports de force sociaux à la fois les intérêts des deux classes : par exemple le PS, EELV, GénérationS et autres petits partis réformistes.

On peut les appeler les partis de la gauche élitaire.

Selon les périodes, ce genre de partis défend majoritairement les intérêts de la classe dominée o u majoritairement les intérêts de la classe dominante comme c’est le cas actuellement.

• Les partis qui défendent les intérêts de la classe dominée constituent la gauche populaire.

On y trouve l’extrême gauche (Lutte ouvrière, NPA , POF….), le PCF, La France Insoumise.

À côté de ces organisations politiques, existent des organisations syndicales et associatives où l’n pourrait retrouver les trois mêmes catégories que précédemment.

Les organisations syndicales du salariat et du patronat se retrouvent au niveau européen.

L’organisation politique d’un pays comprend aussi son organisation administrative et politique territoriale.

En France les communes, les, les départements, les régions, 52 États aux États-Unis ; 21 États pour l’Inde, 16 Lander en Allemagne, 22 provinces en Chine populaire, etc. dans une certaine mesure, le pouvoir central peut se trouver ainsi décentralisé.

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Inversement, les instances économiques et politiques peuvent dépendre d’institutions internationales : FMI, OMC, Union Européenne,OTAN, ONU, etc.

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L’internationalisation de la classe dominante.

Depuis fort longtemps, il a existé des liens familiaux ou amicaux entre les différentes cours royales.

Parallèlement à cela, il a existé avec le développement du commerce maritime une bourgeoisie pouvant avoir une implantation dans plusieurs pays.

Il s’est tissé des liens entre les différentes bourgeoisies nationales tant sur le plan économique que culturel.

Apparaît ainsi une sorte de dialectique entre bourgeoisies nationales et bourgeoisies transnationales.

Pour plus de détails voir dans la revue Mouvement un excellent article : la bourgeoisie face à la mondialisation.

https://www.cairn.info/journal-mouv...

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Le cas particulier des pays étatiques dits socialistes

Au XXe siècle sont apparus des pays où les moyens de production et d’échanges ont été collectivisés au sens où ils sont devenus propriété de l’État.

Mais ces moyens de production ont été gérés par une bureaucratie devenue de plus en plus coupée des producteurs eux-mêmes si bien que les collectifs locaux de travail n’avaient pas de pouvoir de décision prédominant : c’étaient de simples agents exécutifs des décisions prises par des commissaires aux plans.

Le problème s’est donc déplacé de celui de la propriété à celui du contrôle des moyens de production et d’échange.

Est alors apparu une nouvelle bourgeoisie : une bourgeoisie d’État contrôlant et gérant les moyens de production et d’échange constituant alors une caste appelée nomenklatura.

Cette nouvelle bourgeoisie s’est accaparée d’une partie du surplus produit par les producteurs ce qui lui a permis d’avoir des conditions de vie bien meilleure que celle de simples ouvriers.

Le schéma global en cinq piliers vu précédemment reste opérationnel. Tout se passe comme si le pôle organisation était devenu une classe à part entière.

Cette dérive montre que le contrôle et la gestion des moyens de production par les producteurs eux-mêmes restent capital pour abolir les rapports de classe.

Mais il ne faut pas sombrer de nouveau dans un économisme simpliste : il faut aussi agir sur sur la réalité psychosociologique des comportements humains.

** Hervé Debonrivage


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