Montebourg à la dérive

jeudi 11 novembre 2021.
 

Évènement de dernière minute ce dimanche : une déclaration d’Arnaud Montebourg contre les transferts de salaires vers la famille dans les pays d’origine de celle-ci. Ce serait pour obliger les gouvernements de ces pays à accepter de récupérer leur ressortissants expulsés de France dont aujourd’hui ils ne veulent pas toujours accepter le retour au point de départ. Une mesure cruelle. En quoi des milliers de gens sans moyens seraient-ils responsables des actes de leur gouvernement ? Et comment ne tenir aucun compte de ce qui se passera si de telle masse de population se retrouve sans ressources ? On peut légitimement penser que cela serait une incitation forte à de nouvelles émigrations de survie !

À peine l’idée était elle lancée que Zemmour et Le Pen en réclamaient la paternité antérieure. Car évidemment comme d’habitude sur le plateau aucun expert n’avait pensé à le dire. Non par complot mais parce qu’ils n’en savaient rien ! C’est désormais souvent la règle dans une bonne part du monde du journalisme politique. Ils ne suivent rien, ne lisent rien et ne bossent pas les sujets avant d’arriver sur le plateau. Donc Montebourg pouvait raconter ce qu’il voulait sans être chahuté sur ses reprises du programme de l’extrême droite. De plus, pas un des arguments de pur raisonnement que je viens d’avancer n’a donc été cité. Pourtant, à condition d’avoir une fois dans sa vie parlé avec une personne immigrée, tout le monde connaît comme moi le poids de l’argent qui retourne au pays dans les us et coutumes de l’immigration.

Enfin, pour un responsable politique qui s’intéresse aux affaires du monde, on doit savoir au moins de quoi on parle au plan macro-économique et géopolitique. Le transfert de salaire des migrants est la principale ressource des pays à revenu faible et intermédiaire (excepté la Chine). Il s’est élevé à 550 milliards de dollars en 2019, c’est a dire bien plus que toutes les aides publiques au développement. Pour certains pays, ces transferts dépassent le 25 % de leur PIB ! Selon l’économiste principal au pôle macroéconomie et gestion des finances publiques de la Banque mondiale, les envois de fonds des migrants sont en passe de devenir incontournables en matière de financement du développement. D’après cette note, ces flux sont au moins 3 fois plus importants que l’aide publique au développement et il prévoit que dans 5 ans, les transferts d’argent de cette nature dépasseront les montants réunis de l’aide publique au développement et des investissements directs de l’étranger vers ces pays. Dans certains pays, la part du PIB que représentent les envois de fonds dépasse largement celle des exportations de marchandises.

Des causes profondes sont à l’œuvre qu’il n’est pas au pouvoir de Zemmour, Le Pen ou Montebourg d’inverser. Par exemple, l’écart de revenu moyen par habitant entre un pays à revenu élevé, 43.000$, contre 795 dans un pays à faible revenu, soit une proportion de cinquante-quatre pour un ! Les déséquilibres démographiques aussi sont là où l’on voit que 55 millions de personnes seront en âge de travailler dans les pays à revenu faible et intermédiaire tandis que cette catégorie diminuera de 40 000 000 de personnes dans les pays à revenu élevé. Enfin le changement climatique, car on estime que déjà 143 000 000 de personnes ont été déplacées dans leur propre pays en raison des dérèglements du climat. Sans oublier le résultat des conflits et des violences puisqu’un nombre record de 7 millions huit-cent mille habitants ont été contraints de fuir leur foyer en 2018.

Les envois de fonds sont donc une planche de salut pour ces pays. c’est d’ailleurs l’aide la plus efficace puisqu’elle va directement aux familles ! Raison pour laquelle l’Organisation des Nations Unies a reconnu l’importance essentielle de ces envois pour la réalisation des objectifs de développement durable. S’il y a un problème avec ces transferts, c’est plutôt la ponction que les banques opèrent sur lui ! Elles prennent en effet en moyenne 7% pour un transfert de 200 dollar au sud du Sahara ! Le tarif moyen est de 9,3% points mais il peut attendre plus de 18% sur 5 directions les plus coûteuses. Ce qui s’apparente à une véritable prédation sans objet. En tous cas pour ce qui me concerne ma ligne ne bouge pas : il faut donner aux gens le moyen de vivre et travailler au pays. Et pour cela il faut qu’ils en aient les moyens.

Au point que la question se pose : cette pression à l’immigration économique n’est-elle pas le but visé par Montebourg et, au fond, ne se contente-t-il pas d’être cohérent ? Car le même homme dans la même émission, toujours sans interruption insolente de la part de qui que ce soit a pu dire : « ma position c’est de dire qu’on a une immigration économique qui est insuffisante aujourd’hui ». Ce qui n’est pas rien non plus et mériterait une discussion d’ensemble, me semble-t-il. J’admets cependant que ce moment semble avoir été assez improvisé dans l’esprit du café du commerce plutôt que dans celui d’un présentation programmatique sérieuse. Car la suite du propos sentait fort l’impro quand Montebourg parle de Zidane et d’Aznavour comme des immigrés naturalisés alors que les deux sont nés Français… Au demeurant, cette trouvaille ne figure pas dans le livre programme qu’il va bientôt distribuer. S’il parle de la sorte cependant, on peut penser qu’il le fait exprès. Son idée est de signaler une qualité par un point fort. Cette qualité c’est d’être compatible avec la droite (alias « les républicains de l’autre rive ».


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