Macron et Marseille : le grand bluff

jeudi 18 novembre 2021.
 

On se souvient des jours de délire marseillais d’Emmanuel Macron. Des heures de télé en continu, des promesses à jet permanent avalées sans un instant de recul ni de vérification par un système d’info en continu en folie. Et le discours au Pharo ? Et la visite devant les cornes de gazelle et les sablés au thé ? À présent, voici la mise en œuvre « concrète ». Les citations que je relève ici sont issues de l’article paru dans « Le Monde » le 10 novembre 2021 « Le plan « Marseille en grand » entre dans sa phase concrète ». L’article très bienveillant admet pourtant que la situation ne laisse pas tout le monde content. En effet, ce n’est pas mon cas. Entre autres.

Le point de départ est dans la lecture de la loi de finances en cours de débat à l’Assemblée nationale. « Le Monde » y trouve « 254 millions d’euros d’autorisation d’engagement pour rénover les écoles de Marseille, votés le 25 octobre. » Pour rénover 174 écoles comme le prévoit le plan Macron, Benoit Payan avait estimé les besoins à 1,2 milliard d’euros. Déjà, ce n’est pas la même somme, n’est-ce pas ? L’État va donc donner 20% de ce qu’il faudrait. Chapitre suivant noté avec enthousiasme par l’analyse citée : « 256 millions, dont 32 débloqués dès 2022, pour développer le réseau de transports publics de la ville, validés une semaine plus tard. »

Sur cette base, on va voir que mes conclusions sont diamétralement opposées à celle du quotidien. Commençons par une simple addition : 254 millions + 256 millions = 510 millions d’euros. Pourtant, en septembre, l’Élysée disait que le plan d’aide de l’État se chiffrerait à 1,5 milliard d’euros. Comme le chiffre a changé souvent, je cite ma source : une dépêche de l’AFP du 2 septembre. Parfois très gouvernementale et parfois moins, l’agence publique évite cependant en général de mettre le gouvernement dans l’embarras. Elle écrivait alors : « L’État apportera au total à Marseille environ un milliard et demi d’euros de financements nouveaux a détaillé l’Élysée jeudi soir ». 1,2 milliard promis, 510 millions votés, cela signifie donc trois fois moins de financements qu’initialement prévus. Une objection ? On se souvient peut-être que sous la pluie de promesses les médias n’avaient même pas ouvert le parapluie et s’étaient contentés de battre le Tam Tam en cadence. Sans oublier de fast checker mes démentis.

Deuxième précision hélas absente de l’analyse du « Monde ». Ces chiffres sont des « autorisations d’engagement », c’est-à-dire des financements prévus pour plusieurs années. Ils ne veulent pas dire davantage que ce que l’on sait : les promesses n’engagent que ceux qui les croient.

Que reste-t-il alors en argent frais ? Les financements prévus pour l’année 2022 se chiffrent à 32 millions d’euros pour les transports et 6 millions d’euros pour les écoles. C’est noté ? Alors le calcul est simple à faire pour la suite de ces « autorisations d’engagement » : si on dépensait chaque année la même somme qu’en 2022 cela les solderait sur 8 ans pour les transports et sur 42 ans pour les écoles. Quarante-deux ans !

Voyons la suite, « Le Monde » affirme : « Pour atteindre le total évoqué en septembre par le président Macron – entre autres, 1 milliard pour la mobilité –, le gouvernement a complété les autorisations d’engagement, qui valident les subventions directes de l’État, par deux autres amendements. Le premier, voté le 4 novembre, attribue à la Métropole Aix-Marseille-Provence 744 millions d’euros d’avances remboursables. Sur cette somme, 100 millions de crédit de paiement sont ouverts dès 2022, pour, assure le texte, « sécuriser le démarrage rapide des projets ». Donc ici est confirmé que les 3/4 des crédits votés dans le budget sont des « avances remboursables ». Macron promet, mais c’est Bercy qui tient les cordons de la bourse. Ici c’est clair. La même somme va pouvoir être comptée trois fois en recette. Une première fois dans la presse enthousiaste. Une seconde dans les annonces de la ville de Marseille et une troisième à Bruxelles où Bercy pourra dire que ce ne sont pas des subventions mais juste de l’argent qui sera récupéré. Plus belle la vie à Marseille !

Mais la magie ne s’arrête pas là : « Le second amendement, déposé samedi 6 novembre et soumis cette semaine aux députés, vise à donner la garantie de l’État à des emprunts à hauteur de 650 millions pour les écoles marseillaises ». Sur les écoles, c’est donc encore pire : l’État ne met à disposition que… des garanties d’emprunt. Il oblige donc la ville de Marseille à s’endetter auprès de banques privées. Et cela au moment où la ville est parmi les villes les plus endettées de France : 1,5 milliard d’euros de dette.

Et voilà comment finit le doux roman du pèlerinage des promesses de Macron à Marseille. Mais pas de soucis, le chœur des louanges ne s’arrêtera pas pour autant même si ces merveilleuses réalisations « n’apaisent pas tout le monde » comme le dit « Le Monde ». Quelle ingratitude tout de même ! Marseille, Macron s’est foutu de toi en grande largeur. Il vous a annoncé un milliard et il vous a donné 32 millions. Alors ? Génial ?


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