Covid-19 : le variant Omicron, identifié en Afrique australe, déjà repéré en Europe

mardi 30 novembre 2021.
 

Caroline Coq-Chodorge

Depuis 48 heures, la communauté scientifique engagée dans la lutte contre le Sars-CoV-2 échange à toute vitesse. Un nouveau variant du coronavirus a été repéré au Botswana, puis à Hong Kong chez un voyageur de retour d’Afrique du Sud.

Jeudi 25 novembre, des chercheurs sud-africains ont communiqué les premiers résultats d’un séquençage de prélèvements collectés entre le 12 au 22 novembre dans la région de Johannesburg : ils ont détecté 77 nouveaux cas positifs à ce variant, baptisé dans un premier temps B.1.1.529.

« On ne sait pas beaucoup de choses, a prévenu Maria Van Kerkhove, épidémiologiste à la tête du groupe de conseil technique sur le Covid-19 à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais on sait que ce virus présente de nombreuses mutations. La préoccupation est qu’un tel nombre de mutations peut avoir des conséquences sur la manière dont le virus se comporte. La communauté des chercheurs est en train de travailler pour déterminer où se situent ces mutations et ce qu’elles peuvent signifier sur le diagnostic, les traitements et les vaccins. »

« Il est toujours compliqué d’identifier très rapidement un variant préoccupant. Mais celui-ci soulève pas mal de questions », confirme le virologue Étienne Decroly, virologue à l’université d’Aix-Marseille et directeur de recherche au CNRS.

« Ses mutations sont nombreuses, en particulier sur la protéine Spike du virus. Elles touchent trois épitopes clés dans la réponse immunitaire face au virus. On peut en déduire un risque d’échappement de ce nouveau variant à la réponse immunitaire, qu’elle soit naturelle ou vaccinale. On constate aussi deux mutations qui modifient le site de clivage par la furine, qui joue un grand rôle dans la transmission interhumaine. »

Étienne Decroly souligne que l’émergence de ce nouveau variant préoccupant, si elle se confirmait, ne serait « pas une surprise ».

Plusieurs gouvernements ont pris les devants. La France a suspendu cet après-midi les vols en provenance d’Afrique australe. La Grande-Bretagne, l’Italie, l’Allemagne et l’Autriche refusent l’entrée aux voyageurs qui ont séjourné dans ces pays dans les quatorze derniers jours. La Commission européenne a proposé aux États membres d’activer le « frein d’urgence » sur les voyages en provenance des pays d’Afrique australe et des autres pays touchés.

Le groupe d’experts sur le Covid-19 de l’OMS s’est réuni vendredi pour se pencher sur ces nouvelles données. Il annonce, ce soir, que ce nouveau variant rejoint la catégorie des préoccupants, aux côtés de l’Alpha ou du Gamma. Dans l’ordre de l’alphabet grec, il est baptisé Omicron.

L’OMS invite tous les pays à « rehausser leur surveillance et leurs efforts de séquençage ». Elle indique aussi que « le nombre de cas dus à ce variant semble augmenter dans toutes les régions d’Afrique du Sud ».

Les données de séquençage sont encore limitées mais font craindre une croissance exponentielle des contaminations dues à ce variant. Dans le premier échantillon de prélèvements sud-africains, le nouveau variant s’est révélé largement majoritaire. « En moins de deux semaines, il domine », estime Tulio de Oliveira, directeur du Centre pour la réponse épidémique et l’innovation de KwaZulu-Natal, en Afrique du Sud.

Dans une série de tweets devenus viraux, il prévient que ce variant doit être l’objet d’une « grande préoccupation ». En extrapolant à partir de ces premières données de séquençage, le chercheur a dessiné des courbes permettant de visualiser sa vitesse de propagation possible.

Autre élément troublant : l’identification de ce variant est concomitante à une nouvelle poussée épidémique soudaine dans le pays, qui connaissait une accalmie depuis la fin du mois de septembre.

La lutte contre cette famille de virus est complexe, car l’immunité acquise n’est pas très robuste dans le temps

Étienne Decroly, virologue

Les chercheurs sud-africains, qui jouent la transparence, appellent la communauté internationale à « soutenir l’Afrique du Sud, ne pas la discriminer et l’isoler », insiste Tulio de Oliviera. Ce soutien doit être « financier, de santé publique, scientifique. Notre population ne peut pas supporter un confinement sans soutien financier », prévient-il.

Une bonne nouvelle, cependant : ce variant est détecté sans difficulté par les tests PCR. « Cela sera facile de le traquer », indique Tulio de Oliviera.

En Belgique, l’université de Louvain a déjà repéré un premier cas positif chez un voyageur de retour d’Égypte. Le Sars-CoV-2, encore une fois, a voyagé avant même d’être repéré.

Face à l’effervescence scientifique, Étienne Decroly invite à « prendre un peu de distance » : « On voit que la lutte contre cette famille de virus est complexe, que l’immunité acquise n’est pas très robuste dans le temps. Le virus a une propension à échapper à cette immunité, qu’elle soit naturelle ou acquise grâce au vaccin. »

Il précise que les vaccins ne sont pas directement en cause : « Les variants apparaissent naturellement, c’est le moteur de leur survie : quand le virus est confronté à une contrainte, les variants les mieux adaptés sont sélectionnés. La vaccination limite le risque de voir émerger de nouveaux variants, dans la mesure où elle ralentit la circulation du virus. »

Pour le virologue français, ce coronavirus interagit avec l’espèce humaine de manière similaire au virus de la grippe, qui a la particularité de muter chaque année.

Étienne Decroly pose la question de l’adaptation des vaccins aux nouveaux variants : « Si on est face à un virus qui mute régulièrement, il faut développer des rappels vaccinaux adaptés aux souches circulantes. Je regrette que le vaccin actuel n’ait pas été adapté au variant Delta. Il fonctionne, mais la modification des formules vaccinales permettrait une meilleur protection face aux variants émergents. »

Caroline Coq-Chodorge


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