L’Agence française anticorruption accable le RN à Marseille

samedi 18 décembre 2021.
 

En se plongeant dans la gestion conduite par le Rassemblement national de 2014 à 2020, l’agence a épinglé plusieurs dossiers pilotés par Stéphane Ravier puis Sandrine D’Angio dans le septième secteur de la ville. Deux sont qualifiés de « détournement de fonds publics » et de « prise illégale d’intérêts ».

Le Rassemblement national jurait en avoir fini avec les erreurs du passé, de celles qui, après ses premières victoires aux municipales de 1995, avaient vu plusieurs de ses maires rattrapés par la justice. Le passage de l’Agence française anticorruption (AFA) dans les services de la mairie de Marseille en apporte un contre-exemple.

Dans un rapport confidentiel que le maire de Marseille, Benoît Payan, a choisi de mettre en débat au prochain conseil municipal, vendredi 17 décembre, l’organisme pointe, entre autres, les nombreuses dérives de la gestion RN des 13e et 14e arrondissements de Marseille.

L’agence dirigée par Charles Duchaine, le juge qui avait lancé l’affaire Guérini, revient par exemple sur les vœux annuels à plus de 100 000 euros que Stéphane Ravier avait pris l’habitude de transformer en show. Il s’arrête sur le cocktail facturé ce soir-là 22 500 euros par une entreprise qui ne figurait pas parmi les fournisseurs habituels de la ville. « Seule une demande de quelques lignes par courriel à un autre candidat a pu être transmise à l’équipe de contrôle », notent les contrôleurs qui cherchent la mise en concurrence et pointent la participation de ce traiteur à deux autres éditions avec des devis du même niveau.

« Il apparaît que le directeur général des services n’a pas été informé de l’engagement pris vis-à-vis de ce fournisseur », ajoutent-ils, ce qui signifie que c’est le cabinet du maire de secteur qui aurait piloté la prestation.

« Aucune sanction » par la mairie centrale

Une autre gestion légère des services publics fait quant à elle l’objet d’une qualification pénale, un « possible détournement de fonds publics ». La possession de cartes carburant par le maire Stéphane Ravier et sept fonctionnaires de sa mairie fait partie des « dysfonctionnements graves susceptibles de constituer des atteintes à la probité », note le rapport. « Les cartes ont été utilisées pour des véhicules personnels alors que la mairie de secteur dispose d’une flotte de véhicules de services. Il apparaît également que des pleins de carburant ont été faits en dehors du territoire communal, et pendant les périodes de vacances », note le rapport, confirmant les informations de Marsactu à l’époque. Le maire disposait même d’une carte lui permettant de faire des achats dans les boutiques du groupe pétrolier. « Il ne l’a jamais utilisée », assure son entourage.

Les révélations de Marsactu, précise l’AFA, avaient alors eu une double conséquence : entrainer l’arrêt du dispositif et déclencher une enquête interne menée par la mairie centrale de Jean-Claude Gaudin. Mais les travaux de l’inspection générale des services (IGS) n’avaient pas décidé le maire et son équipe à agir contre le maire de secteur RN. « Pour autant, la mairie n’a prononcé aucune sanction disciplinaire, n’a fait aucun signalement au titre de l’article 40, ni déposé aucune plainte », s’étonne le rapport. Cet article 40 du Code pénal oblige pourtant tout agent public à avertir la justice de tout délit dont il aurait eu connaissance.

L’AFA revient aussi sur une embauche toute particulière de cette mairie de secteur, celle du fils de Stéphane Ravier. Celui-ci avait rejoint la toute nouvelle BIP (brigade d’intervention de proximité). Au vu de ce dossier, l’AFA a de nouveau sorti le Code pénal. Il y a là « un risque de prise illégale d’intérêts ». Depuis l’été 2015 et son entrée en mairie de secteur, le jeune homme a cumulé une dizaine de contrats jusqu’à sa titularisation par la mairie centrale, trois mois avant les élections municipales de 2020. Sur chacun d’entre eux figurait noir sur blanc la mention « sans aucune possibilité de renouvellement ».

Si Stéphane Ravier estime que « c’était à la mairie centrale, responsable légale des embauches, de l’arrêter », l’AFA conclut que tout s’est effectué en catimini dans les murs de la mairie de secteur : « Les recrutements de contractuels motivés par un accroissement temporaire ou saisonnier d’activité n’ont pas l’obligation d’être transmis au contrôle de légalité, ce qui a permis que ces contrats puissent se succéder sans respecter les dispositions légales. De plus, la mairie centrale n’a pas exercé de contrôle de deuxième niveau qui aurait permis de mettre fin à cette situation dès la signature du deuxième contrat. »

Décidément négligente dans sa gestion des fonds publics, la mairie des 13e et 14e arrondissements est encore épinglée dans deux autres dossiers. Le premier vise une subvention à l’association Chatons sans toit, pour la stérilisation des animaux errants, hors de tous les cadres légaux. L’action ayant été réalisée, les élus s’étaient alors cotisés pour rembourser les frais engagés dans un mélange des genres là encore étonnant.

La dernière critique est assez explosive par ses implications politiques. Stéphane Ravier aurait fourni un avantage à une complémentaire santé très proche du Rassemblement national. Qualifiée de « vitrine sociale des mairies FN » par Le Monde, cet organisme a bénéficié d’avantages indus, estime l’AFA. Ce mandataire en assurances, sous statut associatif, bénéficiait gratuitement d’un bureau en mairie de secteur. Un avantage qu’il n’aurait pas dû obtenir compte tenu de son activité « commerciale », soulignent les contrôleurs. « L’idée de base, c’était d’offrir une mutuelle à bas prix. Quand il y a eu une alerte, nous l’avons arrêtée », précise-t-on au sein du RN local. L’avenir dira si cette diligence affichée suffit à éviter que la justice ne se saisisse des faits.

Jean-Marie Leforestier


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