Pécresse 2022 : pourquoi elle pourrait l’emporter et comment elle va perdre

dimanche 26 décembre 2021.
 

Que sait-on, au fond, de la championne des LR pour la présidentielle ? On a essayé de la comprendre – et c’est pas si facile !

Comme un enfant au mois de décembre ouvrant un à un les volets de son calendrier de l’avent, les électeurs et militants de la droite n’en pouvaient plus d’attendre leur candidat. En l’occurrence, c’est une candidate. Un événement. L’effet fut immédiat. En un mois, Valérie Pécresse est passée de 10 à 19% dans les sondages. La présidente de la région Île-de-France va-t-elle déjouer le duel Macron-Le Pen, ce match-retour de 2017 que l’on annonce depuis… 2017 ?

Et pourquoi pas ? Reste à trouver sa place dans un casting très droitier. On ne va pas se mentir, la rouste prise par Xavier Bertrand et la victoire de Valérie Pécresse ne sont pas une telle surprise. Quant à sa deuxième place dans les enquêtes d’opinion – certains la donnent même vainqueure au second tour ! –, ils ne reflètent qu’une forme de logique sur le positionnement politique des Français : ils sont actuellement à droite et attendent des solutions de droite.

Qui est Valérie Pécresse ?

Valérie Pécresse est une sorte d’énigme dans le paysage français. Elle-même sait-elle ce qu’elle pense vraiment ? Où habite-t-elle politiquement ? École catholique, ENA, députée UMP sous le quinquennat Chirac, ministre de Fillon (notamment à l’Enseignement supérieur et de la Recherche) puis présidente du conseil régional d’Île-de-France, l’on pourrait recopier ici ce que l’on écrivait au sujet de Xavier Bertrand en début d’année : « [Elle] a un parcours assez impressionnant, on a l’impression qu’[elle] coche les cases. Il ne lui manque que l’Élysée. »

Valérie Pécresse, c’est un paradoxe : elle vient de la droite Chirac-Juppé mais incarne aujourd’hui la droite conservatrice – et dit régulièrement tout le bien qu’elle pense de Nicolas Sarkozy – et lors des débats de la primaire cet automne, elle se plaint à Léa Salamé : « On n’a pas le droit de parler d’islamisme ? » ; elle manifeste avec le drapeau bleu et rose aux cris de « un papa, une maman » mais quitte le parti en 2019 au moment où Laurent Wauquiez officialise l’approche avec la droite catho-réac’ de Sens commun.

Le score d’Éric Ciotti, le poids médiatique d’Éric Zemmour, tout ça l’oblige évidemment à entamer une campagne très droitière. Valérie Pécresse fait les choses par calcul politique. Et ça lui réussit plutôt bien. Il faut aussi lui reconnaître qu’elle n’aura pas céder aux appels du macronisme – qui l’a sollicitée au moins deux fois pour intégrer l’exécutif. Un point pour elle.

Pécresse-Macron, Macron-Pécresse

Le Congrès des Républicains s’est montré des plus équilibrés : quatre tendances à 25%. On se serait cru à EELV ! Problème : la droite n’a pas de chef naturel et Valérie Pécresse ne fait rêver personne. Mais cette fois-ci, les attentes sont relativement raisonnables, la « droite d’en haut », comme aime à dire Jean-Sébastien Ferjou, le fondateur d’Atlantico, n’aura pas le luxe de se déchirer : en 2022, ils peuvent tous disparaître tels des socialistes de 2017 ! Ils en sont tous conscients, pour avoir encore des postes à la rentrée prochaine, il ne faut pas trop déconner. L’erreur de 2016 – l’excès de confiance en la victoire à venir – ne sera pas reproduite. Finalement, la surprise à droite, c’est que les apparatchiks mettent leurs divergences de côté et affichent une équipe unie. À voir si ça tient sur la durée.

La plus grande difficulté que va affronter Valérie Pécresse, c’est de maintenir subtilement le paradoxe, ou le doute, qui plane vis-à-vis de son positionnement politique personnel. Elle va devoir mener une campagne bien à droite afin de garder à la maison les Ciotti et consorts, tout en évitant de s’écraser sur la concurrence Le Pen-Zemmour et, par-dessus le marché, sans passer à l’inverse pour une pâle copie d’Emmanuel Macron.

Pécresse présidente ?

Il y a un coup à jouer, l’air de rien. Après tout, on peut se raconter ce que l’on veut à gauche, mais depuis 2017, la première force politique du pays, ce fut LR : au Parlement – où ils ont le principal groupe d’opposition à l’Assemblée et tiennent le Sénat – comme lors de (quasiment) chaque élection intermédiaire où ils sont arrivés en tête. Mais Pécresse peut-elle gagner l’élection présidentielle pour autant ? Oui, évidemment, mais rien n’est assuré d’avance. Car elle est assise entre deux chaises : l’une néolibérale-européiste, très bien occupée par Macron, et l’autre prise par deux candidats nationalistes.

« La question ne se pose pas sur la place qu’il y a entre Le Pen et Macron, avance Jean-Sébastien Ferjou. Il y a inversion de la charge de la preuve, depuis le début du quinquennat : les traitres de la droite sont partis et ont accusé la droite de n’être que repliée, ringarde, réac, en voie d’extrême-droitisation. De l’autre côté, le RN disait que les LR étaient des macronistes qui ne s’assumaient pas. La difficulté, si Pécresse est élue, c’est qu’elle incarnera l’alternance et non pas l’alternative. »

« Cette campagne ne correspond pas à Valérie Pécresse, assure pour sa part l’historien Gilles Richard. Ça ne va pas marcher. LR va finir comme le PS, ils ne remonteront pas ! La seule hypothèse pour que Pécresse soit la roue de secours : que Macron s’effondre. » In fine, on tombe toujours sur la même conclusion : il n’y a qu’Emmanuel Macron qui peut faire perdre Emmanuel Macron. Au profit de quel gagnant ? Réponse dans moins de quatre mois.

Loïc Le Clerc


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