Hidalgo 2022 : le baroud de déshonneur socialiste

lundi 31 janvier 2022.
 

Pourquoi Anne Hidalgo est-elle la candidate du Parti socialiste ? Pourquoi la débrancher si sa candidature est déjà morte ? Au nom de quoi, si ce n’est la survie du PS ? À ses risques et périls.

Dans son entourage, on l’appelle « La Candidate ». Une marque de déférence, une sorte de « president-elect », comme une étape avant d’être appelée « La Présidente ». Tous ceux qui l’ont côtoyée à Paris le disent : Anne Hidalgo est une femme politique « autoritaire » et qui n’a pas un grand talent pour se faire des amis. On la dit rancunière. Mieux vaut l’avoir avec soi. Elle a surtout un mental d’acier. Rien ne l’arrête et jamais elle ne doute dans ses capacités à influer le cours de l’histoire. La légende raconte que sans elle, les JO 2024 n’auraient jamais été parisiens. Là où son prédécesseur, Bertrand Delanoë, avait échoué en 2010.

Lors de son investiture, en octobre 2021, Anne Hidalgo voulait se montrer bien entourée. Le PS, lui, voulait montrer qu’il avait encore des muscles. Ainsi, à Lille, on retrouve Martine Aubry (il va sans dire), Bernard Cazeneuve et… et c’est à peu près tout. Voilà donc ce qu’il reste du Parti socialiste. L’investiture d’Anne Hidalgo s’est faite par défaut. Personne ne voulait vraiment y aller si ce n’est elle, sans que personne ne comprenne bien pourquoi. Olivier Faure, le Premier secrétaire du parti, n’avait rien à y redire. Pour lui, la maire de Paris a plutôt un bon bilan, une réputation internationale, notamment en matière d’écologie. Ça lui suffit.

Certes, il s’agit d’une candidature arrivée par le haut. Certains militants auraient pu apprécier que d’autres cadors s’y frottent. Qu’il y ait ne serait-ce qu’un semblant de débat interne. Les Cambadélis et autre Le Foll – qui s’étaient montrés disponibles pour représenter les couleurs du PS à l’élection présidentielle – ont pu très vite retourner à leurs occupations. Ainsi, en septembre, lors du 79ème congrès du parti, Olivier Faure avait rattaché à sa réélection le nom d’Hidalgo pour 2022. Une première dans l’histoire socialiste qui prévoyait pourtant dans ses statuts le recours à la primaire interne. Oh, il y a bien eu un vote des adhérents, en octobre. Il faut faire genre. Mais, au fond, personne ne voulait s’emmerder : ce fut Hidalgo, point.

Hidalgo a-t-elle des amis ?

Mais qui soutient réellement Anne Hidalgo au sein de la maison à la rose ? Au début de sa campagne, elle s’entoure d’une poignée de socialistes : Johanna Rolland, maire de Nantes et directrice de campagne – à qui l’on reproche de ne pas en faire assez, comme si l’édile d’une grande ville n’avait rien d’autre à faire que de diriger une campagne présidentielle ; Mathieu Klein, maire de Nancy et responsable du programme ; Patrick Kanner, président du groupe PS au Sénat ; Valérie Rabault, présidente du groupe PS à l’Assemblée ; Stéphane Troussel, président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis ; Marie-Pierre de la Gontrie, sénatrice de Paris et mandataire de la campagne ; Michaël Delafosse, maire de Montpellier ; Hermeline Malherbe, présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales ou encore le député Boris Vallaud. Anne Hidalgo vante alors son « équipe de France des élus ». Il faut qu’elle s’extirpe de son image de souveraine de la capitale. Alors elle prend la pose, dans Paris Match, à côté des vaches, à la campagne.

Puis, en ce mois de janvier, elle a présenté l’organigramme officiel de sa campagne : une armée mexicaine. Près d’une centaine de personnes. Tout le PS est là. « C’est très mal parti, nous glisse un cadre. Les gens qu’elle a mis autour d’elle ne sont pas ses amis. Il y a bien le reste des aubrystes, ses alliés à la mairie… Mais c’est tout. » Est-ce cela l’amitié en politique ? Pour obtenir le soutien de François Hollande, il faudra que l’édile parisienne se rende en Corrèze en novembre. Elle qui jugeait le mandat du bougre avoir été un « immense gâchis » semble s’être ravisée. A-t-elle d’autres choix ? Preuve supplémentaire que l’aggiornamento n’est jamais advenu chez les socialistes. Il est avec la poussière du 49.3, de la déchéance de nationalité, sous le tapis. Le soutien de l’ex-Président est timide.

En fait, c’est comme si elle (et Olivier Faure) avait décidé de ne pas mourir seule. En forçant à associer des gens à la campagne (comme Cazeneuve ou Aubry, elle qui n’a rien fait d’autre qu’accueillir un meeting à Lille…), le couple Hidalgo-Faure veut embarquer tout le parti, afin qu’on ne leur reproche pas d’avoir précipité le PS dans le mur. À l’heure des comptes, au soir du premier tour, un seul chiffre aura son importance : faire au moins 5% – nécessaire pour voir ses frais de campagne remboursés par l’État – pour ne pas mourir financièrement. Et force est de constater que, sondage après sondage, son score oscille entre 3 et 5%. La menace est donc bien réelle.

La candidate de l’union ?

Anne Hidalgo se rêve en première opposante à Emmanuel Macron. Depuis longtemps. On se rappelle l’accueil qu’elle lui avait réservé au début de son quinquennat à la mairie de Paris. C’était elle, alors, la monarque républicaine. Hélas, aujourd’hui, Anne Hidalgo doit faire avec tous ses petits camarades de gauche qui prétendent eux aussi être khalife à la place du khalife : Taubira, Jadot, Roussel, Mélenchon. Difficile de faire croire qu’un duel avec Macron est possible quand on est… cinq. Sans compter les trois trotskystes (Poutou, Arthaud et Kazib) potentiellement en lice.

Au PS, on fait ce triste constat de la situation à gauche : « Il y a un profonde crispation dans la dynamique de convergence. Les écolos, ils nous emmerdent : "C’est à vous de vous effacer cette fois-ci". De la même façon que le PCF emmerde LFI, et que Mélenchon considère que le PS, c’est Hollande, et qu’il faut l’achever. Tout ça embarque la gauche vers le fond. »

Mais comment voir en Anne Hidalgo la prêtresse de l’union quand elle attaque si violemment ses alliés à la mairie de Paris ? Quand elle accuse les écologistes d’être ambigus avec la République ? La République, parlons-en. Anne Hidalgo ne fait pas une sortie publique et médiatique sans dire qu’elle représente la « gauche républicaine ». Elle le martèle en permanence. Comprendre : il y a une gauche non républicaine. Suivez mon regard… Sur Mediapart, il y a quelques jours, « La Candidate » s’est expliquée en longueur. Pour elle, le danger de l’extrême droite est si grand qu’il est important de rappeler que la gauche et la République sont indissociables. Et elle assure vouloir réconcilier la gauche sur ce débat autour de la République en insistant davantage et en recentrant son discours sur celui de l’égalité.

Pour autant, on considère au PS qu’Anne Hidalgo a fait le taf : elle n’aurait eu de cesse de vouloir l’union de la gauche. Tout comme Olivier Faure qui « n’a pas arrêté de tendre la main, contrairement à Jadot », assure un cadre. Le problème de la gauche, c’est que chez EELV ou LFI, on pense la même chose de soi-même. De leur côté, les écolos, galvanisés par leurs scores honorables aux élections européennes et municipales, profitent de leur avance dans les sondages pour procéder à ce qui s’apparente à du chantage : si Anne Hidalgo va jusqu’au bout de sa candidature, il n’y aura pas d’accord aux législatives. Voilà à quoi ça tient.

In fine, lequel d’entre eux n’a pas formulé à un moment que l’union était nécessaire, mais « derrière moi » ? Anne Hidalgo s’y est essayée. Début décembre, elle se paye un 20h de TF1 pour l’occasion : elle veut une primaire de la gauche – elle n’en voulait pas le matin même. Mais personne d’autre n’en veut. Flop !

Qu’elle cède ou pas, après, son mandat comme maire va être compliqué. L’équation est insoluble. Mais n’allez pas trop rêver : Anne Hidalgo ira jusqu’au bout. « Elle fera moins de 5%, assure un membre de la direction. Ce sera extrêmement dur pour elle et pour le PS. C’est dramatique. Après, la vie politique française fait qu’on peut rebondir vite. Les Français ont trois mois de mémoire politique. Quant au PS, il est encore puissant de ses élus, puissants de ses militants. Financièrement ça ira. Mais politiquement, comment le parti pourrait-il s’en remettre ? »

Finalement, derrière la candidature Hidalgo 2022, quelle qu’en soit la gravité du désastre annoncé, c’est bien l’avenir du PS qui se joue. Et au PS, tout le monde le sait. « Il n’y a pas d’unité à cause de ce qui se joue derrière. En coulisses, les hollandais s’en prennent depuis un moment à Olivier Faure, lui reprochant de ne pas assumer le quinquennat. Ils préparent Cazeneuve. »

Dans les mois, les années à venir, le parti va devoir trancher un clivage majeur en son sein : entre les tenants d’un centre-gauche mou, d’une social-démocratie avec la République pour cache-sexe, franchement Macron-compatible, et les socialistes plus ancrés à gauche, prônant l’unité derrière le projet écologiste et social – « ce qui n’est pas incompatible avec l’affirmation de la République », insiste-t-on.

Au PS, avec les amis d’Anne Hidalgo, pas besoin d’avoir d’ennemis. Carole Delga, la présidente PS de la région Occitanie, juge que « les socialistes n’étaient pas assez prêts pour cette présidentielle ». Quant à Bernard Cazeneuve, qu’Anne Hidalgo considère dans un récent tweet comme « un homme d’Etat », il lâche : « Les socialistes ne sont pas préparés comme ils auraient dû ».


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