Bernard Thibault dit « non » à Nicolas Sarkozy (Interview dans Ouest France)

samedi 22 septembre 2007.
 

Entretien. Non aux ultimatums, non au calendrier saturé, non à l’allongement mécanique des cotisations. Bernard Thibault, le leader de la CGT, lance la riposte. Dans Ouest-France.

Nicolas Sarkozy qui multiplie les concertations cela devrait vous satisfaire comme leader syndical ?

Ce qui nous importe ce n’est pas le nombre de contacts, de réunions ou d’audiences. C’est de se faire comprendre, d’être entendu. Et là manifestement ce n’est pas le cas. On perçoit bien d’ailleurs la volonté du chef de l’État qui veut saturer le calendrier et noyer les organisations syndicales sous toute une série de réformes aux conséquences dangereuses pour les salariés. Le gouvernement ne nous rencontre pas pour entendre nos propositions, mais pour expliquer ce qu’il a décidé. En matière sociale ça ne marche pas comme çà.

Sur les régimes spéciaux il vous propose pourtant une négociation entreprise par entreprise ?

Il nous dit : vous devez négocier, mais c’est moi qui vous donne le point d’arrivée et la date de conclusion. C’est ce qu’on appelle un ultimatum. Vous devez négocier, mais c’est pour aligner la durée de cotisations des régimes spéciaux sur la fonction publique. Ce sera le même ultimatum pour l’ensemble des salariés du régime général en 2008. La CGT refuse l’allongement mécanique et sans fin de la durée de cotisation pour faire valoir ses droits à la retraite. Avec cette logique on ne peut que déboucher sur une diminution des pensions versées. Il faut négocier pour trouver d’autres solutions sur l’ensemble des retraites garantissant le droit au départ à 60 ans. On ne peut pas nous contraindre dans un calendrier et des objectifs prédéterminés. On n’est pas obligé non plus de supporter les aigreurs revanchardes de l’auteur de la loi Fillon 2003.

Vous ne niez pas qu’il y ait un problème financier pour les régimes spéciaux ?

Il faut de nouveaux moyens financiers pour toutes les retraites, de l’ordre de 3 % de la richesse nationale produite (PIB) en 2020. C’est possible. On ne peut pas raisonner de manière simpliste. Les régimes spéciaux ne représentent que 5 % des retraites versées. Il n’est pas vrai qu’ils soient coûteux : les régimes du public contribuent, globalement, à hauteur de 3,4 milliards, au financement des retraites du régime général. Pas vrai qu’ils soient tous déficitaires. Pas vrai qu’ils regroupent des privilégiés. 62 % des cheminots ont une retraite inférieure à 1 500 € brut. Je comprends aujourd’hui leur sentiment d’indignation. D’autant que ceux qui veulent les aligner confirment des milliers de suppressions d’emplois dans le fret au moment où s’organise un Grenelle de l’environnement. Le transport ferroviaire fait précisément partie des activités moins polluantes que le transport routier.

Vous soutenez le mouvement de grève des cheminots, le 18 octobre. Avec l’espoir de créer une riposte, comme en 1995, malgré une opinion plus distante ?

Aucune situation n’est comparable. N’oubliez-pas, cependant, qu’en 1995 l’opinion ne nous était pas non plus favorable au départ du conflit. L’opération vérité n’a pas encore eu lieu sur les termes du débat. Nous allons donc nous employer à les clarifier, même si nous n’avons pas la possibilité d’être présent au « Journal de 20 h » sur deux chaînes simultanément.

Votre mobilisation ne s’arrête pas aux retraites ?

Le 13 octobre, nous allons nous joindre à la manifestation nationale des accidentés du travail et des victimes de l’amiante pour porter nos revendications en matière de conditions de travail (pénibilité en tête), et de défense de la Sécurité sociale. Il est assez extraordinaire que le gouvernement instaure les franchises médicales et préconise l’épargne individuelle en matière de dépendance au moment où la Cour des comptes vient de mettre en évidence un manque à gagner de 25 milliards pour la Sécu, dû à un certain nombre d’exonérations critiquables : stocks options, etc.

La mobilisation pourrait s’élargir à d’autres confédérations ?

Les syndicats doivent préalablement évaluer les enjeux, puis choisir. Soit se contenter de limiter un peu les dégâts, soit se faire respecter pour ce qu’ils sont.

Recueilli par Paul BUREL


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