L’OTAN, instrument de domination militaire au profit des Etats Unis et du capitalisme

samedi 8 avril 2023.
 

- 3 et 4 avril 1949 : Naissance de l’OTAN
- 21 février 1966 La France exige l’évacuation des bases françaises de l’OTAN et se retire du commandement intégré
- 4 janvier 2016 le Conseil des ministres donne son accord à un projet de loi "autorisant l’accession de la France au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du Traité de l’Atlantique Nord"

1) Création et but de L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (Alliance atlantique)

Le 4 avril 1949, les États-Unis, le Canada, la Belgique, le Danemark, la France, les Pays-Bas, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège, le Portugal et le Royaume-Uni signent le Traité de l’Atlantique Nord suite à des discussions qui se poursuivaient depuis près d’un an.

Présentée comme une alliance du "Monde libre", il est intéressant de noter la présence de la dictature fasciste traditionaliste portugaise de Salazar parmi les fondateurs.

Quel est le but de l’OTAN d’après sa Charte signée ce 4 avril 1949 ?

* Eviter des affrontements militaires entre pays capitalistes pour " favoriser dans la région de l’Atlantique Nord le bien-être et la stabilité". Il s’agit en fait de mettre en place l’hégémonie américaine sur l’Europe, de disposer d’un traité international justifiant si nécessaire une intervention militaire dans un pays européen qui choisirait une politique différente.

* Assurer la domination militaire du capitalisme des pays de l’Atlantique Nord sur le reste du monde "Déterminés à sauvegarder la liberté de leurs peuples, leur héritage commun et leur civilisation..."

L’article 5 constitue le coeur de cette charte de l’OTAN. Il précise : « Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles (...) assistera la partie ou les parties ainsi attaquées (...) y compris [par] l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord ».

Le texte du Traité laisse parfois apparaître le but réel de l’OTAN :

* comme instrument politique de domination américaine, ainsi en stipulant que tout nouvel Etat voulant adhérer à l’OTAN doit contacter le gouvernement des USA : " Tout Etat ainsi invité peut devenir partie au Traité en déposant son instrument d’accession auprès du gouvernement des Etats-Unis d’Amérique" (article 10). Même le texte du Traité est déposé dans les archives de Washington "Ce Traité, dont les textes français et anglais font également foi, sera déposé dans les archives du gouvernement des Etats-Unis d’Amérique" (article 14).

* comme instrument économique. L’article 2 donne à l’OTAN la fonction "d’éliminer toute opposition dans leurs politiques économiques internationales et encourager la collaboration économique entre chacune d’entre elles ou entre toutes." Cet objectif est poursuivi à présent par le projet de mise en place d’une zone de libre-échange entre Etats Unis et Union européenne.

* comme instrument impérialiste, ainsi en stipulant le rôle militaire de l’OTAN pour la défense des " départements français d’Algérie"

Dans la charte de l’OTAN, les objectifs de domination sont cependant enveloppés sous le baratin habituel qui permet de cacher la réalité, comme au Moyen Age le texte des Evangiles servait à cacher la violence des rapports sociaux imposés par la féodalité, comme sous Staline l’utopie communiste servait à cacher le goulag et la terreur policière.

2) Contradiction totale entre idéologie officielle et réalité

La Charte de l’OTAN se présente comme un traité d’association de plusieurs pays. En fait, de Dwight Eisenhower en 1951 à John Craddock aujourd’hui, le Commandeur des forces Alliées-Europe (SACEUR) a toujours été un états-unien.

La Charte de l’OTAN se réfère sans cesse à l’ONU alors qu’elle est fondée pour contourner les Nations Unies chaque fois que nécessaire. Elle commence ainsi "Les Etats parties au présent Traité, réaffirmant leur foi dans les buts et les principes de la Charte des Nations Unies" et poursuit :

"Article 1

Les parties s’engagent, ainsi qu’il est stipulé dans la Charte des Nations Unies, à régler par des moyens pacifiques tous différends internationaux dans lesquels elles pourraient être impliquées, de telle manière que la paix et la sécurité internationales, ainsi que la justice, ne soient pas mises en danger, et à s’abstenir dans leurs relations internationales de recourir à la menace ou à l’emploi de la force de toute manière incompatible avec les buts des Nations Unies."

Cette référence à la paix et à la justice représente un mensonge honteux quand on met en parallèle ce baratin avec la pratique de l’OTAN et des USA.

Prenons l’exemple du Vietnam : Lorsque la France a décidé de se retirer d’Indochine en 1954, s’étaient ouvertes les négociations de Genève après 10 ans de guerre. Les représentants vietnamiens insistaient pour la tenue d’élections assez rapides sur tout le territoire vietnamien. Les USA avaient empêché ces élections, s’appuyant pour cela sur un compromis avec l’URSS. C’est ainsi que les Vietnamiens avaient accepté un report à juillet 1956 de ces élections supervisées par une commission de contrôle international.

En juillet 1956, les USA avaient continué à refuser ces élections. Pourquoi ? Le président Eisenhower l’avait parfaitement expliqué : "Je ne me suis jamais entretenu avec une personne au fait des affaires indochinoises sans qu’elle tombe d’accord qu’en cas d’élection... 80 pour cent peut-être de la population auraient voté en faveur du communisme et de Ho Chi Minh". " Or, les USA veulent garder leur main mise économique sur les richesses du pays " Supposons que nous perdions l’Indochine... l’étain et le tungstène, auxquels nous attachons tant de valeur dans cette région, cesseraient de nous parvenir... Aussi, quand les Etats Unis votent 400 millions de dollars pour soutenir cette guerre, ce n’est pas en pure perte. Nous votons pour le moyen le moins onéreux (de protéger) ... notre sécurité et notre pouvoir d’obtenir certaines richesses des territoires d’Indochine et du Sud-Est asiatique qui nous sont nécessaires" (Eisenhower lors d’une réunion à Seattle des gouverneurs d’état).

Pour maintenir leur domination, les USA ont artificiellement créé un Sud-Vietnam disposant d’une énorme armée de 700 000 hommes. A défaut d’élections, ils ont organisé un référendum particulièrement frauduleux pour justifier l’installation du général Diem au pouvoir. Vu le faible crédit de ce militaire, une répression dictatoriale a été imposée à la population. De 1962 à 1967, 14 millions de vietnamiens ruraux ont été déplacés de force de leurs lieux de vie vers des camps de "pacification" ou de "concentration". Le nombre de prisonniers croupissant et mourant dans des cachots sordides se maintient aux environs de 150000.

Si son vrai but était de protéger le "monde libre", l’OTAN aurait dû être dissous lorsque le Pacte de Varsovie a été dissous

Lorsque Gorbatchev a annoncé, dans un discours aux Nations Unies, dès décembre 1988, le retrait des forces russes des pays du Pacte de Varsovie, et qu’ensuite ce même Pacte fut dissous, l’OTAN aurait pu considérer sa tâche comme accomplie. La dissolution de l’OTAN avait d’ailleurs été un engagement fait à M. Gorbatchev.

En réalité, l’OTAN n’a jamais cessé sa stratégie d’élargissement. De même qu’en 1952 l’OTAN faisait adhérer la Turquie et la Grèce, dont les positions géographiques étaient stratégiques autour de l’URSS, l’OTAN a aujourd’hui invité la Géorgie et l’Ukraine à adhérer. Entre-temps, l’OTAN est passée à 26 membres, et son élargissement s’est fait concomitamment avec l’élargissement de l’Union Européenne, en accord avec elle mais en réalité en l’affaiblissant.

L’adhésion de la République Tchèque, de la Pologne et de la Hongrie a abouti à la mise en œuvre d’un programme d’établissement de bases anti-missiles dans ces pays, et l’on sait que la CIA a établi des prisons secrètes en territoire européen en avant-goût de la prison de Guantanamo, et ce dans le plus grand laisser-faire des autorités européennes.

3) 21 février 1966 La France exige l’évacuation des bases françaises de l’OTAN et se retire du commandement intégré

Depuis 1950, des bases aériennes et quartiers généraux US, de même que des installations de l’OTAN fonctionnent sur le territoire français.

En septembre 1958, le général De Gaulle, président de la république française adresse un mémorandum au Président des USA (Eisenhower) et au Premier ministre britannique (Macmillan), dans lequel il critique l’OTAN comme cache-sexe des seuls Etats-Unis et demande une réforme dans le sens d’une alliance à responsabilités partagées.

Dans un premier temps, le Pentagone prend en compte cette attitude de Paris. Dès 1959, les escadres chargées du bombardement nucléaire "tactique" sont retirées du territoire français. Cependant, Washington ne compte pas modifier leur leadership sur l’OTAN ; au contraire, il espère infléchir ou annuler la position de Paris.

Le 21 février 1966, en conférence de presse, Charles de Gaulle affirme que la relation entre l’OTAN et la France doit être redéfinie. Le 7 mars suivant, il envoie une lettre à son homologue Lyndon Johnson explicitant « La France se propose de recouvrer sur son territoire l’entier exercice de sa souveraineté, actuellement entravé par la présence permanente d’éléments militaires alliés ou par l’utilisation qui est faite de son ciel, de cesser sa participation aux commandements intégrés et de ne plus mettre de force à la disposition de l’OTAN. »

Centristes et socialistes critiquent cette politique gaulliste. La population y est plutôt favorable (39% approuvent le retrait de l’OTAN, 27% s’y opposent). François Mitterrand pousse dans le même sens « L’OTAN appartient au passé. »

Les Etats Unis se voient de toute façon obligés de prendre en compte la décision française et évacuent toutes leurs bases.

4) L’OTAN comme instrument de domination politique et militaire dans le monde

Est-il surprenant de voir l’OTAN utiliser l’attaque du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis pour faire jouer l’article 5 de sa charte et déployer l’opération Active Endeavour "visant à détecter et décourager les activités terroristes en Méditerranée. Le 26 octobre 2001, des éléments des forces navales de l’OTAN ont commencé à être déployés et effectuent des missions de patrouille en Méditerranée, surveillent la navigation et escortent dans la traversée du détroit de Gibraltar des navires non militaires".

Est-il surprenant de voir l’OTAN intervenir dans le Caucase pour protéger l’approvisionnement en pétrole venu de la Caspienne ? En septembre 2008, l’OTAN et la Géorgie ont créé la Commission OTAN-Géorgie, chargée de superviser l’aide que l’OTAN apporte à la Géorgie suite au récent conflit avec la Russie. L’OTAN s’est également opposée à la déclaration d’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie.

Est-il surprenant de voir l’OTAN assurer en 2010 des fonctions de logistique militaire en Afrique ?

Est-il surprenant de voir l’OTAN assurer des fonctions de formation militaire en Irak au profit des Etats Unis ?

Est-il surprenant de voir l’OTAN fournir à l’Irak pro-américain quelques 26 000 armes légères, 200 roquettes, 10 000 casques et 9,3 millions de cartouches de munitions, ainsi que 77 chars de combat T 72 hongrois ?

Est-il surprenant de voir l’OTAN en 2010 intervenir en Afghanistan avec des forces considérables (80000h), assurant la formation de la police afghane, chapeautant les objectifs économiques de "reconstruction".

5) Sarkozy, l’Union européenne et l’OTAN

De nouveaux prétextes à faire la guerre et à contrôler des territoires

Ayant constamment élargi ses missions, l’OTAN justifie aujourd’hui son maintien par l’existence de menaces « modernes », comme les conflits ethniques, l’approvisionnement énergétique ou le terrorisme. Autant de fondements à des interventions militaires visant des intérêts économiques avant tout. En particulier, les attentats du 11 septembre 2001 servent de fondement à l’accroissement des activités militaires de l’OTAN, en particulier en Afghanistan, dans lesquelles l’Armée française est investie et davantage encore depuis que Nicolas Sarkozy est devenu Président de la République.

Déjà soumis à George Bush, Nicolas Sarkozy en rajoute avec l’élection de Barack Obama. Celui-ci a demandé à la France de s’investir en Irak, ce que Nicolas Sarkozy a accepté de faire comme l’a signifié son récent déplacement en Irak, première visite d’un Président français depuis l’invasion américaine que la France avait fortement récusée.

C’est donc une véritable rupture avec la position historique de la France que la décision, par Nicolas Sarkozy, de réintégrer le Commandement intégré de l’OTAN. Cette adhésion complète à la stratégie belligène des Etats-Unis est un grave risque pour la France. Les risques de se voir embarquer dans un conflit armé lié, par exemple, à l’approvisionnement énergétique, mettons en Géorgie ou en Ukraine, ne sont pas imaginaires.

OTAN et Union européenne. Un soutien de taille : le Traité de Lisbonne.

Malgré le danger, il est notable que la soumission à l’OTAN et aux Etats-Unis est pourtant à l’ordre du jour au niveau de l’Union Européenne également. Bien que six pays de l’UE ne fassent pas partie de l’Otan ( Autriche, Chypre, Finlande, Irlande, Malte et Suède), le Traité de Lisbonne, prévoit, comme ceux qui l’ont précédé, une référence explicite à l’OTAN. En effet, l’article 42.2 du Traité sur l’Union Européenne serait amendé par le Traité de Lisbonne pour stipuler que : « La politique de l’Union [..] respecte les obligations découlant du traité de l’Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre ». Tout est dit. Rien ne pourrait justifier qu’un Etat membre tire des traités européens le fondement à une politique de sécurité et de défense indépendante de l’OTAN.

Le 3 avril prochain, Angela Merkel traversera le Pont de l’Europe à Strasbourg pour franchir la frontière allemande et entrer en France pour saluer Nicolas Sarkozy qui l’attendra de l’autre côté du pont. Cet acte éminemment symbolique d’amitié franco-allemande se fera pourtant dans le cadre des célébrations des 60 ans de l’OTAN. Alors que la ville sera totalement assiégée par l’appareil militaire US, les deux présidents les plus importants de l’UE feront les marioles avant de se prosterner devant Barack Obama et le Général Craddock.

Quand le Parlement européen vote l’alignement sur l’OTAN

Le 19 février 2009, dans une résolution sur « le rôle de l’OTAN dans l’architecture de sécurité de l’UE", les euro-députés affirmaient "qu’un consensus réel, global et démocratique entre l’Union européenne et l’OTAN est un aspect essentiel de la mise en oeuvre de cette stratégie, fondée sur un consensus sécuritaire entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique". Le texte, qui revendique un « partenariat encore plus étroit » entre l’UE et l’Otan dans « des domaines tels que le terrorisme international (...), la criminalité organisée, les cybermenaces, la dégradation de l’environnement, les catastrophes naturelles et autres » a été adopté de justesse, notamment grâce aux voix du PSE, et en dépit la bataille livrée par la GUE et notre ami Tobias Pflüger. Le Parlement européen en appelle aussi à un grand marché transatlantique à l’horizon 2015, dans une résolution du Parlement européen votée le 25 mars. Les députés européens français consultés dans leurs commissions respectives avaient voté pour (de droite, verts, et sociaux-démocrates).

La partie 4 ci-dessus est extraite d’un article de Thibault Gracq paru sur le site du Parti de Gauche http://www.lepartidegauche.fr

6) Quel avenir pour l’OTAN ?

Depuis déjà une quinzaine d’années, des dirigeants politiques US poussent à une remise à plat du rôle de l’OTAN dans la stratégie impérialiste US.

Parmi des élus de la social-démocratie ainsi que dans des milieux militaires européens, certains se posent en défenseurs de l’OTAN contre cette hypothèse d’un certain repli US.

L’objectif de Washington restant sa stratégie de domination du monde dont l’OTAN constitue depuis plus de 60 ans le pilier militaire, cette réponse ne tient pas debout. Nous devons plutôt avancer vers une indépendance de la défense française et européenne vis à vis des USA qui, de toute façon, vont continuer à agir près de nous, fonction de leurs intérêts stratégiques sur les bords de la Mer Noire, au Proche-Orient, en Europe centrale et orientale.

Jacques Serieys

7a) OTAN Hollande exécuteur testamentaire de Nicolas Sarkozy

Le Gouvernement vient de déposer un projet de loi officialisant le retour des troupes de l’OTAN sur le sol français, leur offrant au passage des privilèges fiscaux et juridiques.

Entamée sous Nicolas Sarkozy, François Hollande complète la réintégration de la France dans l’OTAN et accepte la domination complète de Washington. Il s’y opposait pourtant en 2008 en déclarant : "dans toute démocratie digne de ce nom, de tels arbitrages auraient été rendus après un vaste débat dans le pays". Comme d’habitude, François Hollande renie sa parole.

Le gouvernement rompt définitivement avec la tradition d’indépendance militaire de la France en poursuivant une relation géostratégique avec l’OTAN qui ne peut conduire qu’à plus de guerres.

Le PG appelle à un nouvel indépendantisme pour la France !

Commandez le cahier "Pour un Nouvel Indépendantisme", édité par la Revue Défense Nationale, 136 pages de contributions, dont celle de Jean-Luc Mélenchon.

Djordje Kuzmanovic - Secrétaire national du Parti de Gauche en charge des questions internationales et de défense.

Théophyle Malo - Co-Président de la commission internationale du Parti de Gauche

Jacques Serieys


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