Polémique concernant Eric Coquerel

jeudi 14 juillet 2022.
 

1) Eric Coquerel, Président de la commission des Finances invité de BFM POLITIQUE

https://www.youtube.com/watch?v=vBL...

1) Analyse de Jean-Luc Mélenchon

Après une intense campagne sur le thème de la peur des rouges qui vont enquêter sur les impôts de chaque citoyen, RN et macronistes se sont pris les pieds dans le tapis de leur coup de billards à trois bandes et la NUPES a gagné le vote pour la Commission des finances de l’Assemblée nationale. Éric Coquerel (député NUPES-LFI de Seine-Saint-Denis) en a été élu président.

C’est, dans le contexte, une immense victoire et un immense échec de ceux qui ont tout tenté pour l’empêcher. Le sens politique se serait imposé plus facilement si n’avait pas été monté aussitôt contre Éric Coquerel une infâme opération de calomnies sur des « comportements inappropriés avec les femmes ». Opportunément relayée sans retenue, ni enquête, ni vérifications d’aucune sorte, elle a permis de « faire parler d’autre chose ». Une opération de mise en cause d’autant mieux orchestrée qu’elle fut présentée frauduleusement comme venant de « l’intérieur ».

Le journaliste capable de cette allégation n’a pas fait une seconde d’enquête. Sinon il aurait constaté qu’en réalité le « signalement » venait d’une personne candidate haineuse contre la NUPES dans la dixième circonscription de Paris. Précisons qu’elle y a recueilli 0,4 % des voix avec 170 voix.

Autrefois, journaliste était un métier même quand on avait été président des étudiants macronistes à Sciences Po comme c’est le cas du faiseur d’embrouilles qui interrogeait sur ce mode accusatoire Éric Coquerel sur BFM. Pourtant, je ne crois pas que le sens politique de sa victoire ait été totalement défiguré par cette manœuvre. Ni que les traces de la collusion entre LREM et RN aient été effacées dans l’esprit public.

La méthode utilisée contre Coquerel est cependant dorénavant un marqueur qui conduit nombre d’entre nous à réviser leur point de vue sur la façon de mener la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Il est urgent de débarrasser cette mobilisation des personnes qui en ont fait un moyen d’instrumentalisation de leurs rancœurs politiques contre LFI. Mais c’est une autre histoire. Et je dirai clair et net mon avis dès que j’aurai la pause indispensable pour le faire à tête froide plutôt que dans l’écœurement où je me trouve après cette vile bassesse contre Éric Coquerel.

2) Mise au point de Manuel Bompard

Par le hasard des invitations médiatiques (et non pas parce que l’on aurait « envoyé un homme pour défendre Coquerel », comme j’ai pu le lire ici ou là), je fus l’un des premiers à devoir réagir à ces accusations. Je me fis alors l’écho du communiqué publié par le comité contre les violences sexistes et sexuelles de la France insoumise qui indiquait qu’elle n’avait jamais reçu aucun signalement ou témoignage à ce sujet.

Sur cette base, nous avons eu le droit à quelques procès honteux que je veux dénoncer ici :

Non, Monsieur Jean-Michel Apathie, Monsieur Benjamin Duhamel, Madame Amandine Atalaya, il n’y a pas d’indignation à géométrie variable à la France insoumise. Mais il n’y a strictement aucun rapport entre les faits reprochés à Damien Abad (des femmes ont produits des témoignages écrits et circonstanciés l’accusant de viols) et les accusations contre Eric Coquerel. Et notre réaction face à la mise en cause d’Eric Coquerel est tout à fait compatible avec notre incompréhension de voir le ministre Damien Abad maintenu à son poste.

Non, le comité de luttes contre les violences sexistes et sexuelles de la France insoumise n’a JAMAIS eu vocation à se substituer à la justice. Il a pour objectif de recevoir des témoignages, comme c’est le cas par exemple dans des entreprises, à propos de faits pouvant relever du sexisme jusqu’à l’agression sexuelle afin d’écouter la parole des femmes, de les accompagner dans d’éventuels démarches judiciaires si les faits sont légalement répréhensibles et de dispenser d’éventuelles sanctions internes ou formations quand cela est nécessaire.

Non, personne n’a camouflé des informations ou protégé des membres de la France insoumise. Notre mouvement s’est doté d’une instance visant à recevoir des témoignages précis. Celle-ci a mis au point une procédure pour traiter sérieusement ce type de sujet. Elle travaille à partir de faits, de témoignages précis par des personnes identifiées, et non pas sur la base de « on dit » circulant sur les réseaux sociaux. Sans aucun doute, ses méthodes de travail sont perfectibles : des réflexions sur la meilleure manière de traiter ce type de cas ont lieu dans toutes les formations politiques qui ont eu le mérite de mettre au point des instances de cette nature. Mais c’est une chose de dire que l’on peut mieux faire. C’en est une autre de disqualifier tout le travail mené par la France insoumise sur ce sujet et que peu d’autres mouvements politiques ont fait dans ce pays.

Pour le reste, Eric Coquerel a donné sa lecture des faits dans une tribune publiée par le JDD ce dimanche.

3) La nomination d’Éric Coquerel suscite une polémique parmi les féministes (Mediapart)

https://www.mediapart.fr/journal/fr...

C’est une affaire – ou une non-affaire, selon les points de vue – qui divise la gauche féministe. L’élection du député insoumis Éric Coquerel à la tête de la commission des finances de l’Assemblée nationale, jeudi 30 juin, a fait éclater ce qui bruissait depuis des semaines, voire des années, dans un petit milieu sensibilisé aux violences sexistes et sexuelles. L’élu de Seine-Saint-Denis y est régulièrement accusé de faire partie de ces responsables politiques que #MeToo aurait dû concerner. Aucun signalement, aucune procédure formelle, aucune enquête de presse n’est néanmoins jamais venue le confirmer.

L’histoire aurait pu en rester là. Mais dans un climat de défiance vis-à-vis des positions des partis politiques dans la lutte contre les violences sexuelles, face à l’impunité qui touche jusqu’aux ministres du gouvernement mis en cause pour des faits extrêmement graves, et devant l’épuisement des militantes féministes qui peinent à se faire entendre, elle a finalement éclaté sur une radio nationale, à une heure de grande écoute.

Jeudi 30 juin, la journaliste et militante féministe Rokhaya Diallo a affirmé sur RTL, à propos du député insoumis : « J’ai plusieurs sources au sein de LFI, j’ai entendu plusieurs fois des femmes parler du comportement qu’il aurait avec les femmes. Ce sont des choses qui reviennent de manière récurrente, depuis des années. » Éric Coquerel à l’Assemblée, le 18 février 2020 © Photo Arthur Nicholas Orchard / Hans Lucas via AFP

Sur les réseaux sociaux, plusieurs militantes féministes, engagées dans la lutte contre les violences sexuelles ont relayé le message, comme Elen Debost, témoin de l’affaire Baupin, l’élue parisienne Raphaëlle Rémy-Leleu, l’essayiste Valérie Rey-Robert ou l’activiste Fatima Benomar.

À l’inverse, le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon est sorti de son silence samedi 2 juillet, se disant « écœuré par les attaques contre Éric Coquerel menées depuis cinq ans sans faits ni preuves par une petite bande qui instrumentalise et rabougrit la lutte cruciale contre les violences sexistes et sexuelles pour régler ses comptes personnels ». Il relaie le long texte de l’eurodéputée Leïla Chaibi qui évoque sa « colère » face à des « calomnies ».

Le sujet a fait irruption, mardi 28 juin, lors d’une réunion de l’intergroupe de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (Nupes) à l’Assemblée. En pleine discussion sur le candidat commun à la présidence de la commission des finances, le secrétaire national du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, a interrogé Clémentine Autain et Manuel Bompard de La France insoumise (LFI) sur les accusations dont Éric Coquerel ferait l’objet. Les deux responsables de LFI ont assuré que les faits n’étaient pas « circonstanciés ».

Un message d’alerte signé par « des féministes insoumises » a également été adressé aux député·es de la Nupes, affirmant que l’élu de Seine-Saint-Denis serait connu pour être « auteur de VSS [violences sexistes et sexuelles – ndlr] ». Les signataires, anonymes, ajoutent que « de nombreux journalistes mènent l’enquête, cela ne devrait pas tarder à sortir ». Lors de sa campagne pour les élections législatives, Éric Coquerel avait déjà reçu un avertissement similaire. Un article de « Causette », datant de 2018

En réalité, à ce stade, la seule trace des accusations visant Éric Coquerel réside dans un article du magazine Causette paru en 2018, contenant deux témoignages anonymes visant « un responsable, aujourd’hui député LFI », sans plus de précisions, ni de contradictoire. Jointe par Mediapart, l’autrice de l’article, Virginie Roels, affirme ne pas avoir « incriminé Coquerel, car les femmes qu’[elle] avai[t] contactées souhaitaient rester anonymes ».

À l’époque, plusieurs sources identifient pourtant l’élu. Lui-même reconnaît aujourd’hui l’avoir compris au moment de la publication de l’article.

Deux épisodes sont relatés, lors de soirées non datées mais remontant au milieu des années 2010, quand Éric Coquerel était un pilier du Parti de gauche (PG). Une militante affirme que le responsable se serait « précipité » sur elle et l’aurait « collée de façon très tactile », avant qu’une tierce personne n’intervienne. L’autre relate une soirée lors de l’université d’été du PG – là aussi avant 2017 –, lors de laquelle Coquerel aurait eu « la main baladeuse », y compris sur les « fesses », et lui aurait envoyé de nombreux SMS.

Interrogé, le député insoumis, réélu en 2022, dément catégoriquement le premier : « Ce premier témoignage, qui indique que quelqu’un serait intervenu pour me séparer, je ne m’y reconnais absolument pas. » Sur le second, il reconnaît partiellement la scène et un « flirt » : « Je me suis reconnu parce que cela parle d’une soirée en boîte que j’ai effectivement passée. Sauf qu’il y a des éléments dans cette description que je ne reconnais pas, et qui font passer une soirée en boîte, avec des flirts, pour quelque chose qui serait à la limite du harcèlement ou en tout cas à la limite d’une drague lourde. Ça, je ne le reconnais pas. »

Il n’arrêtait pas de me faire danser, il me prenait par la taille.

Sophie Tissier, ancienne proche du Parti de gauche

La jeune femme à laquelle Éric Coquerel fait référence s’appelle Sophie Tissier – nous publions son nom avec l’autorisation de cette ancienne proche de La France insoumise, qui s’est beaucoup éloignée de ses anciens camarades, au fil de ses engagements « gilet jaune » et contre les mesures sanitaires.

Auprès de Mediapart, elle raconte que la soirée a eu lieu en 2014, à l’issue d’une journée de conférences politiques auxquelles elle était invitée à Grenoble, en tant qu’intermittente du spectacle en lutte. Éric Coquerel aurait eu « la main baladeuse toute la soirée » : « Il n’arrêtait pas de me faire danser, il me prenait par la taille », relate-t-elle, alors qu’elle aurait plusieurs fois signifié que c’était « un peu trop au corps ». Elle évoque aussi « plusieurs SMS pour qu’on rentre ensemble », mais qu’elle n’a plus en sa possession.

« J’étais jeune militante, je me suis dit que ça ne donnait pas envie », conclut-elle. À l’époque, elle est « écœurée ». Pour cette militante, son expérience « dénote la culture sexiste, machiste de ce parti, comme partout ». Mais, précise-t-elle, « ce n’était pas une agression ». Et si elle n’a pas souhaité saisir la cellule de LFI a posteriori, c’est que, juge-t-elle, « ce n’était pas suffisamment grave ». D’autres alertes indirectes ou floues

Aucun autre témoignage direct n’a, à ce jour, été révélé sur Éric Coquerel. C’est tout le paradoxe de cette affaire. Les accusations sont émises par des intermédiaires, qui affirment se faire l’écho d’autres femmes – qui ne souhaitent pas toujours témoigner… Ainsi, Rokhaya Diallo, qui a indiqué sur RTL avoir reçu d’autres témoignages que l’article de Causette, précise à Mediapart qu’il s’agit de récits « indirects, par des militantes féministes ou des journalistes », et de la parole « directe d’une personne qui ne voulait absolument pas témoigner ».

La linguiste Laélia Véron, qui a milité au PG, se souvient avoir eu « vent de la réputation de “lourd” d’Éric Coquerel il y a des années ». Elle rapporte aussi en avoir « parlé à plusieurs journalistes à l’époque mais [que] ça n’a jamais rien donné ». D’après elle, « il ne s’agissait que de ouï-dire ». « C’était surtout une réputation qui circulait, plus que des témoignages », explique l’universitaire.

Le seul récit direct qu’elle a recueilli, en 2016, émanait d’une femme « qui ne voulait pas témoigner », et qui évoquait « plus un truc de lourdeur que de harcèlement ou d’agression ». Depuis, raconte-t-elle, « ça circule toujours entre les mêmes personnes qui se renvoient l’une à l’autre ». Ce que Mediapart a pu vérifier.

« J’ai passé plusieurs jours à faire Rouletabille », sourit l’écoféministe Elen Debost, très investie contre les violences sexistes et sexuelles. « Pour le moment toutes les pistes aboutissent à des impasses, confie-t-elle. C’est vraiment décourageant et questionnant. »

« On a des témoignages, mais c’est toujours avec un ou une “proxi” [un intermédiaire – ndlr]… Il faut qu’on remonte les pistes », dit une militante féministe LFI, pourtant très affirmative sur les réseaux sociaux. Également en pointe sur le sujet, Fatima Benomar rapporte avoir parlé avec une jeune militante qui aurait reçu des SMS et une autre qui aurait été indisposée par des regards insistants. Mais là encore, aucune d’entre elles ne souhaite témoigner, ni auprès de LFI, ni auprès de la presse, ni auprès de la justice.

« C’est ce que je vis depuis des années : c’est la femme qui a vu la femme qui a vu la femme, qui raconte que quelque chose se dit, et que la seule raison pour laquelle cela ne débouche pas, c’est parce que je suis protégé par les miens, réagit Éric Coquerel. Si depuis des années je regarde cela avec effarement, c’est que je considère que je n’ai jamais fait ça. Je ne suis pas l’auteur de tels comportements. Je ne force personne, par un effet de domination psychique ou physique. » Les militantes féministes divergent

À partir de là, les militantes féministes interrogées par Mediapart divergent. Pour certaines, l’absence de témoignages directs n’empêchait pas de sanctionner Éric Coquerel, quand d’autres s’y refusent.

Les premières estiment que les femmes sont trop découragées à s’exprimer, y compris dans les cadres militants, pour attendre qu’elles s’adressent directement à ceux-ci pour agir. Elles estiment qu’à partir du moment où des femmes se mettent mutuellement en garde contre un homme, cela constitue déjà une alerte. Et que celle-ci, même indirecte, ou des comportements gênants – comme de la drague quand on est en responsabilité politique — suffisent à motiver une sanction politique. À tout le moins de ne pas promouvoir Coquerel à la présidence de la commission des finances.

C’est le sens du propos soutenu par Rokhaya Diallo : « Je trouve étonnant, quand il y a une accusation aussi persistante, de le nommer à ce poste. Je trouve ça incohérent pour un tel parti. […] C’est éthiquement problématique et politiquement idiot », explique-t-elle.

Nouvellement élue, Sandrine Rousseau rapporte avoir tenté d’en savoir plus. Mais faute de témoignage direct, elle estime qu’on « ne peut pas tenir de politiques sur la base de rumeurs ».

« Agit-on seulement s’il y a témoignage direct de la part des victimes ? C’est une possibilité tentante, mais si les victimes sont terrorisées à l’idée de parler, doit-on continuer l’omerta et être dans le “tout le monde savait” ? », s’interroge aussi Marie Coquille-Chambel dans un billet sur le Club de Mediapart dans lequel elle interpelle LFI.

À l’inverse, d’autres figures féministes estiment qu’il faut absolument s’en tenir à des faits recoupés avant de s’exprimer publiquement. Nouvellement élue députée EELV, Sandrine Rousseau rapporte avoir tenté d’en savoir plus. Mais faute de témoignage direct, elle estime qu’on « ne peut pas tenir de politiques sur la base de rumeurs ».

« Je veux que nous gagnions le combat contre les violences sexistes et sexuelles et, pour cela, il faut avoir des règles », poursuit l’écologiste. Avant d’inviter d’éventuelles victimes « à se rapprocher de quiconque, de la cellule de LFI, de moi, de n’importe quel·le député·e ». « Je n’ai jamais laissé tomber un témoignage », insiste Sandrine Rousseau.

Un avis partagé par Mathilde Viot, ancienne collaboratrice parlementaire, autrice de L’Homme politique, moi j’en fais du compost (Stock, 2022) et cofondatrice du collectif Chair collaboratrice à l’Assemblée : « Les gens sont très rapides à juger quand c’est la gauche qui est concernée. Mais nous, on essaie simplement d’être absolument droites avec une méthodologie carrée. En face, les instrumentalisations politiques sont évidentes. Le cas Coquerel en est une illustration. » Un défaut de procédure interne à LFI

Au-delà de ce désaccord stratégique, toutes les féministes interrogées convergent sur un point : au-delà de la personne d’Éric Coquerel, c’est la gestion par La France insoumise des affaires de violences sexistes et sexuelles qui fait défaut.

Comme Mediapart l’a récemment documenté, si les procédures internes mises en place ces dernières années ont conduit à écarter plusieurs candidats (tels que Thomas Guénolé ou Taha Bouhafs), elles ont parfois dysfonctionné (comme en témoigne une alerte visant le député Ugo Bernalicis, jamais réellement traitée). En interne, on dit aujourd’hui que ces procédures se sont « professionnalisées » récemment – ce que confirment plusieurs sources.

Lorsqu’un article de presse existe, cela peut faire office de signalement et il faut mener une enquête.

Caroline De Haas

Mais à l’époque où Éric Coquerel est mis en cause, ce n’est pas encore le cas. Jeudi 30 juin, le comité de suivi contre les violences sexistes et sexuelles de La France Insoumise s’est fendu d’un communiqué, affirmant n’avoir « jamais reçu aucun signalement […] pour quelque fait que ce soit » concernant l’élu de Seine-Saint-Denis. Ce que nous a confirmé Sarah Legrain, députée de Paris et coresponsable de cette cellule.

Or celle-ci ne traite un dossier que s’il fait l’objet d’un signalement émanant d’une personne se déclarant victime – c’est la règle fixée par LFI. C’est cette règle qui s’est appliquée dans le cas, récent, du journaliste Taha Bouhafs, débranché avant les élections législatives.

La cellule ne s’est donc pas autosaisie, ni des révélations de Causette, ni des alertes indirectes qui circulaient depuis des années dans certains milieux militants. À l’époque pourtant, des Insoumis·es avaient demandé une enquête interne – en vain. Là encore, faute de signalement formel émanant d’une victime. Mais l’épisode rappelle que la direction du mouvement avait bien été interpellée sur Éric Coquerel.

C’est ce que reproche la militante Caroline De Haas à LFI : « Lorsqu’un article de presse existe, cela peut faire office de signalement et il faut mener une enquête », explique-t-elle. Sinon, poursuit De Haas, « cela donne des situations dangereuses, pour les personnes victimes, pour les personnes mises en cause, et pour la confiance des victimes dans le système ».

Elle en est convaincue : il était de la responsabilité de La France insoumise de s’emparer de ce cas, pour le « traiter ». « Soit après enquête, les faits sont avérés, et on sanctionne. Soit ils ne sont pas avérés, et on le met en forme », dit encore De Haas, également autrice d’un billet sur le sujet.

« Cette affaire, c’est un problème de procédure. Le sujet, ce n’est pas Éric Coquerel, c’est la cellule de l’époque », affirme aussi Mathilde Viot. Elle était alors présidée par une proche du député, l’élue Danielle Simonnet. Sur Twitter, l’Observatoire des VSS en politique demande qu’une enquête soit ouverte.

« L’après-article de Causette n’a pas été pris en charge, la situation a donc pourri pendant six ans », dit de son côté Fatima Benomar. Coquerel : « J’admets avoir évolué »

Selon les informations de Mediapart, Coquerel avait, à l’époque, été informellement rappelé à l’ordre par une cadre insoumise. Interrogé, il confirme l’épisode : « Un jour, quelqu’un m’a dit : “Attention, dans ton rapport relationnel réciproque, même s’il n’y a rien de répréhensible, tu n’as plus 40 ans, tu n’es plus militant de base, tu es un responsable et tu as cinquante ans, tu dois faire attention à ça”. Ça a fait tilt dans ma tête. Et le mouvement #MeToo nous a tous poussés à réfléchir à la domination inconsciente qu’on pouvait exercer simplement parce qu’on est un homme de pouvoir. J’admets que cela existe, j’admets avoir évolué, j’admets avoir triplé d’attention. »

Selon le député, il y a deux niveaux de faits qui doivent être pris en charge : « l’exercice conscient d’une violence physique ou psychique » qui doit être dénoncé, y compris publiquement et dans des enquêtes de presse, et « ce qui relève de la prévention, ou de l’avertissement, sur les rapports patriarcaux ou de domination inconsciente », qui doit être pris en charge « collectivement ». Coquerel s’estimant appartenir à la seconde catégorie.

Le député, qui connaît l’engagement de sa formation politique, jure aussi qu’il refuse que ses déclarations « remettent en cause #MeToo ». « C’est une révolution qui nous fait tous du bien, qui peut parfois aller jusqu’à l’injustice mais c’est comme toutes les révolutions, ça peut arriver », poursuit-il. À ce stade, il n’envisage pas non plus de porter plainte en diffamation – il sait qu’au vu des décisions récentes, ses chances de victoire devant un tribunal sont minces. Mais sans se l’interdire « si certains continuent à aller trop loin dans les calomnies sur Twitter ». Il ajoute : « Je pense que les plaintes en diffamation ne peuvent pas être des armes pour faire taire les témoignages. » Le climat d’impunité en politique, et l’épuisement des féministes

Mais si Éric Coquerel promet qu’il ne veut pas nuire au mouvement #MeToo, son cas risque d’être utilisé par tous les tenants du statu quo, ainsi que par celles et ceux qui dénoncent un « tribunal médiatique » ou qui exigent le « silence » sur les personnalités publiques (à l’image de la polémiste Élisabeth Lévy , récemment sur CNews). De toute façon, comme le résume une militante féministe, « quoi qu’on fasse, on est irresponsable » : « Qu’on parle ou qu’on se taise, on est irresponsable. Mais qui nous aide à faire émerger les paroles ? », s’interroge l’élue parisienne Raphaëlle Rémy-Leleu.

« Au-delà de la violence que sont les violences sexistes et sexuelles, et le système qui les permet, c’est encore à nous de gérer ce système, dit la militante. Cela va nous rendre dingues. » Selon elle, le cas Coquerel ferait presque « l’effet du croque-mitaine » : « Tu finis par te demander si la frayeur est réelle ou pas. » Alors, dit encore Rémy-Leleu, « on est prises à un moment où les dilemmes éthiques qui sont les nôtres, comme féministes, sont exposés ». Et à la fin, « cela risque encore de se retourner contre nous ».

« Les féministes ont tellement l’habitude qu’on ne les entende pas quand il y a des affaires connues qu’elles sont dans une hyper réaction à tout », explique aussi Sandrine Rousseau. Diallo, elle, s’est sentie « acculée » sur RTL, à devoir réagir à tout coup.

Pour rappel, deux ministres sont actuellement au gouvernement alors qu’ils sont mis en cause pour des faits autrement plus graves : il s’agit de Damien Abad et de Gérald Darmanin, respectivement en charge des solidarités et de l’intérieur, tous deux visés par des plaintes pour viol.

Lénaïg Bredoux et Mathieu Dejean Boîte noire

Nous avons interrogé Éric Coquerel vendredi 1er juillet par téléphone. Il n’a pas relu ses propos avant publication.

Mediapart a contacté 14 personnes susceptibles d’avoir reçu directement des témoignages, ou d’avoir été concernées. Aucune piste n’a abouti à ce stade.

Ces dernières années, Mediapart avait reçu des alertes, toujours indirectes, visant Éric Coquerel. Mais sans aboutir à des récits directs et recoupés. Nous n’avions donc rien publié. Mais nous continuons sans relâche notre travail d’enquête et de documentation sur les violences sexuelles et sexistes, de La France insoumise (à lire ici ou là) à LREM (à lire ici ou là), en passant par le gouvernement et par nos dossiers consacrés à Damien A


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