Océans : Macron, apprenti-sorcier

samedi 16 juillet 2022.
 

Macron a passé une tête le 30 juin à Lisbonne à la Conférence de l’ONU sur les océans. Antonio Guterres, secrétaire général de l’organisation, y sonnait le tocsin, déclarant « un état d’urgence des océans » dont l’échec à les préserver aurait « des effets de cascade » aussi imprévisibles que terrifiants. Le président français s’est surtout contenté d’évoquer la pollution par le plastique et la surpêche dont il n’a souligné que les pratiques illicites sans s’arrêter sur des dispositions légales qui l’autorisent tout autant. Le reste a été renvoyé à la prochaine Conférence… en 2025.

Il y a pourtant le feu au lac. Les océans sont jusqu’à maintenant un thermostat efficace du changement climatique. Ils piègent près de 30% du gaz carbonique produit et absorbent 90% de l’excès de chaleur. Non sans dommages : leurs eaux s’acidifient et se réchauffent (dans le Pacifique nord en 2021 de + 2° Celsius en surface et de + 1° à 300 m de profondeur par rapport à 1980-2010). Les effets sont directs sur les algues et les coraux, incertains sur les courants qui, s’ils s’immobilisaient, pourraient selon certains experts faire disparaître la quasi-totalité de la faune aquatique.

Un autre sujet des plus brûlants demeure l’exploitation minière des fonds marins. Et là-dessus, pas un mot du président français. Des États (Pérou en tête) et des parlementaires s’alarment pourtant à juste titre d’une exploration des abysses programmé dès juin 2023. On attend y trouver cuivre, cobalt, thallium, or… des minerais rares à profusion nécessaires à la fabrication des smartphones, des ordinateurs, des batteries ! L’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) a déjà délivré 31 permis d’exploration à la Chine, la France, la Russie, etc. qui pourraient se convertir en permis d’exploitation puisque rien n’est envisagé pour l’en empêcher. Ce qui créerait selon un chercheur, « la plus grande opération minière jamais entreprise dans l’histoire de la Terre. »

La France, second domaine maritime mondial, a obtenu deux permis d’exploration autour de la Polynésie et pourrait exploiter les 9,5 millions de km2 (plus de 17 fois le territoire de la métropole) de sa zone économique exclusive. Cela au nom d’une technologie (peut-être obsolète d’ici quelques années, les batteries) et au détriment de la faune et flore marine, du CO2 capturé qui pourrait être libéré. Tant que le programme de l’AIFM reste axé sur l’industrie et ne se fonde pas sur de seules études scientifiques indépendantes, le moratoire auquel se refuse Macron doit s’imposer. Plus que jamais, l’avenir exige de tenir les océans à l’abri de la logique de profit.

Jean-Luc Bertet


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