Financement du RN : des peines de prison et des amendes requises devant la cour d’appel

samedi 29 octobre 2022.
 

La condamnation du RN, ainsi que du microparti Jeanne et de plusieurs proches de Marine Le Pen, pour une fraude massive aux remboursements de frais de campagne électorale, a été réclamée lundi 17 octobre devant la cour d’appel de Paris.

Certes, le sujet est aride, et les faits remontent à 2012. Mais il s’agit d’argent public, de respect des institutions, et plus généralement du fonctionnement de notre vieille démocratie. Deux avocats généraux se sont donc relayés pour prononcer un long réquisitoire à deux voix, lundi 17 octobre, dans une salle d’audience quasi déserte du palais de justice de Paris, au terme du procès en appel de l’affaire de financement du Front national (FN) et du microparti Jeanne.

Le regard sombre, plusieurs amis proches de Marine Le Pen comparaissent devant la cour. Les faits litigieux portent principalement sur les élections législatives de 2012, mais également sur les municipales de 2014 et les départementales de 2015.

À cette occasion, selon les représentants du parquet général de la cour d’appel de Paris, Monica d’Onofrio et Serge Roques, le Front national (FN, devenu Rassemblement national en 2018) a élaboré « des montages et des manœuvres pour obtenir de l’État des remboursements indus », cela en utilisant « des coquilles vides », et en ayant recours à des « surfacturations ».

« On est entre amis, dans un petit cercle très fermé », décrivent les magistrats. Le FN étant exsangue financièrement en 2011, ses responsables politiques, experts électoraux et autres comptables décident de se servir du microparti Jeanne comme d’une société-écran ou société-taxi, cela « pour augmenter frauduleusement les frais » de campagne électorale qui seront, in fine, remboursés par la République française.

L’agent judiciaire de l’État, partie civile, a fixé le montant total de l’addition (pour le contribuable) à quelque 11,6 millions d’euros. Une paille.

Selon l’accusation, la combine électorale a non seulement permis au parti d’extrême droite de se financer copieusement, mais aussi d’enrichir des amis et prestataires de ce même parti, tout cela aux frais de la collectivité.

Parmi les trouvailles imaginées pour cette « escroquerie » tricolore, l’obligation faite à tous les candidats et candidates du FN aux législatives 2012 d’acquérir un « kit électoral » onéreux (16 650 euros) auprès du parti pour obtenir leur investiture. Une prestation qui a été « grossièrement surfacturée », selon le parquet.

La plupart de ces candidat·es n’ayant pas d’argent, « le FN imagine un système de prêt avec intérêts en circuit fermé », détaille Monica d’Onofrio. Le petit candidat n’avance rien. C’est la société de communication Riwal, créée par Frédéric Chatillon, qui joue les banquiers occultes auprès du FN et de ses candidat·es. Un système de cavalerie illégal.

Mais en bout de chaîne, une fois les frais de campagne remboursés, surfacturations incluses, l’opération devient très rentable pour le FN et ses satellites, qui gagnent de l’argent aux dépens de l’État.

Tracts, affiches, photo, site internet personnalisé, certification des comptes, tout cela a été imposé aux candidat·es et largement surfacturé par le parti, expliquent les deux représentants de l’accusation.

Outre le FN lui-même, les bénéficiaires et autres protagonistes du dossier sont notamment d’anciens membres du Groupe Union Défense (GUD), qui se trouvent être de vieux amis de Marine Le Pen, comme Frédéric Chatillon et Axel Loustau, tous deux présents ce lundi à la cour d’appel de Paris.

En début de soirée, leur réquisitoire achevé, les avocats généraux demandent des condamnations plus sévères que celles qui avaient été prononcées en première instance, en juin 2020, par le tribunal correctionnel de Paris.

Frédéric Chatillon, à qui ils reprochent également des abus de biens sociaux et du blanchiment via Hong Kong et Singapour, est particulièrement ciblé. C’est lui la « clé de voûte du système », lancent les parquetiers. Une peine de quatre ans de prison dont trois avec sursis, ainsi qu’une amende de 250 000 euros et une interdiction de gérer définitive sont réclamées contre l’ancien « gudard ».

Son compère Axel Loustau, qui se serait contenté de jouer les trésoriers de paille, est épargné. Une simple peine de 30 000 euros d’amende est réclamée contre lui.

L’ancien avocat et trésorier du FN, Wallerand de Saint-Just, est lui aussi relativement ménagé. Dix mois de prison avec sursis, 30 000 euros d’amende, ainsi qu’une inéligibilité de deux ans sont requis contre lui.

Contre Jean-François Jalkh, secrétaire général du microparti Jeanne et député européen, le parquet réclame deux ans de prison dont dix-huit mois avec sursis, 50 000 euros d’amende, et cinq ans d’inéligibilité.

Des amendes et de la prison avec sursis sont également réclamées contre Olivier Duguet, Nicolas Crochet et Sighild Blanc.

Enfin, le parquet général requiert des amendes substantielles contre les personnes morales du dossier : à savoir 200 000 euros s’agissant de la société Riwal, 300 000 euros du microparti Jeanne, et 500 000 euros du RN.

Le procès doit s’achever mercredi 19 octobre, après les plaidoiries de la défense. La cour d’appel mettra alors sa décision en délibéré.

Michel Deléan


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