Prix Nobel d’économie 2022 : « cynisme absolu », selon l’économiste Georges Nurdin

lundi 14 novembre 2022.
 

Le Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel a été attribué, lundi 10 octobre, aux trois Américains Ben S. Bernanke, Douglas W. Diamond et Philip H. Dybvig, « pour leurs recherches sur les banques et les crises financières ». Une triple récompense qui a surpris le monde académique : en effet, récompenser ces trois économistes dont les recherches sont consacrées aux travaux portant sur les banques et les sauvetages nécessaires pendant les tempêtes financières alors que le monde est au bord d’une crise sans précédent, suscite questionnements et inquiétudes : cette marque de reconnaissance à l’heure où une récession mondiale guette ne détourne-t-elle pas l’attention du public de thématiques autrement plus urgentes, comme le marché de l’emploi ou la crise climatique ? Pour l’économiste Georges Nurdin, également consultant international essayiste et écrivain, il s’agit "d’un compendium de cynisme, une forme de mépris à la fois totalement aboutie et assumée".

Tout d’abord, rappelons que « le prix en sciences économiques à la mémoire d’Alfred Nobel » a été créé par la Banque de Suède en 1968, plus de 60 ans après les cinq prix traditionnels (médecine, physique, chimie, littérature et paix). Ce prix, souvent appelé « le faux Nobel » n’a jamais été institué par Alfred Nobel. C’est donc une création très récente de la Banque de Suède, l’une des plus vieilles banques centrales du monde. Encore aujourd’hui ce prix est doté par la banque.

Une fois cela posé, revenons à la polémique liée à la récompense de ces trois économistes Américains, et en particulier Ben Bernanke : Il s’agit de l’ancien président de la Federal Reserve, Fed (Banque Centrale Américaine), en poste de 2006 à 2014, période marquée par la crise des subprimes en 2008, qui avait entraîné la chute de la banque américaine Lehman Brothers. Dans ses travaux, Ben Bernanke a notamment analysé la Grande Dépression des années 1930, qui correspond à la pire crise économique de l’histoire moderne. Citons un article du Monde : « Il a en particulier montré comment les retraits massifs étaient un facteur décisif dans la prolongation et l’aggravation des crises. » Par « retraits massifs », comprendre : lorsque les épargnants se précipitent à la banque pour retirer leur argent. En gros pour Ben Bernanke, les banques sont vitales pour l’économie, et en cas de crise, les gens ne doivent pas retirer leurs épargnes.

Or, dans une chronique pour le site Capital, l’économiste, Georges Nurdin rappelle qu’en 2007, c’est l’inverse qui s’est produit : ce sont les banques qui ont spéculé avec l’argent déposé par les épargnants, qui ont utilisé à l’insu de leurs clients l’argent déposé, pour leurs propres affaires. La conclusion nous la connaissons : ce sont donc les banques qui ont provoqué la crise, qui l’ont amplifiée, et qui ont fait payer toute la planète.

Quel signal ce « Nobel » envoie alors ? Georges Nurdin est formel : “C’est l’Hôpital qui se moque de la Charité”. Pourquoi ? Parce que l’on assiste non seulement à la légitimation “scientifique” par une banque des pratiques les plus dévoyées d’autres banques (…). Cynisme absolu d’auto-gratification circulaire. C’est la banque qui congratule la banque pour ses turpitudes passées, et en fait même un dogme académique, scientifique ! » Il conclut : « Le fait de décerner le Nobel 2022 pour ce qui reste une erreur majeure et un geste inique n’est pas qu’un acte gratuit de pur cynisme. Il peut (doit ?) se lire comme le précurseur de la mise en pratique de cette théorie, maintenant ointe du signe de la science ultime : le Nobel, pour, lors d’une prochaine crise, “sauver” l’économie. »

Comprendre : empêcher les petits épargnants de retirer leur épargne « afin de ne pas écrouler les vertueuses banques ».

LA RÉDACTION


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