Concentration des médias dans les mains des milliardaires : la proposition de loi des insoumis

samedi 26 novembre 2022.
 

Médias. La France insoumise (LFI) va présenter 12 textes de loi ce jeudi 24 novembre 2022 à l’Assemblée nationale. C’est le jour de sa « niche parlementaire », le seul jour de l’année où un groupe d’opposition parlementaire peut défendre ses propositions de loi et choisir l’ordre du jour de l’hémicycle de l’Assemblée. Parmi les 12 sujets retenus, une proposition de loi visant à mettre fin à la concentration dans les médias et l‘industrie culturelle.

Une proposition de loi portée la députée LFI Clémentine Autain. Dans notre pays, neuf milliardaires possèdent 90% des médias. Pour quelles conséquences ? L’assèchement du pluralisme et le recul sans précédent de l’indépendance des journalistes. Louis Boyard en a fait l’expérience jeudi 10 novembre 2022 sur le plateau de TPMP : impossible de critiquer Vincent Bolloré, propriétaire de la chaine C8 sans se faire insulter. Cette proposition de loi apparait plus pertinente et urgente que jamais. Notre article

Journée spéciale sur l’insoumission : retrouvez la présentation de chacune des 12 propositions de loi insoumises tout au long de la journée.

Sortir les médias des mains de quelques milliardaires

Le baromètre 2022 des médias a révélé un niveau de défiance jamais atteint entre les Français et leurs médias. Seules 44 % des personnes interrogées aujourd’hui estiment « que les médias fournissent des informations fiables et vérifiées » et 62 % des sondés croient savoir que « les journalistes ne sont pas indépendants du pouvoir politique ». 91 % affirment qu’il est « important » ou « essentiel » que les médias conservent leur indépendance des milieux économiques.

Pourtant, l’essentiel du paysage médiatique est aujourd’hui concentré dans les mains de quelques actionnaires. 8 milliardaires et 2 millionnaires possèdent 81 % de la diffusion des quotidiens nationaux et 95 % de celle des hebdomadaires nationaux généralistes. Cette concentration se constate également dans les autres canaux : 40 % des cinquante premiers sites d’information générale sont détenus par des milliardaires, et sur les huit radios nationales généralistes, la moitié d’entre elles appartiennent à cinq milliardaires.

L’information est un sujet d’intérêt général : une presse libre et indépendante constitue un pilier de la citoyenneté en République. Notre Constitution, dans son article 34, dispose que la loi fixe les règles concernant « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ».

L’empire Bolloré emblème de ces dérives

Vincent Bolloré, par le truchement de son groupe, leader mondial dans le transport et la logistique, et de ses filiales, a multiplié les acquisitions de médias ces dernières années. Il a ainsi mis la main sur la station Europe 1 et sur le groupe Canal + (qui intègre en plus de la chaine éponyme les chaines C8, CNews et CStar, toutes dans l’offre TNT). Mais il possède désormais également Prisma Media (numéro un de la presse magazine avec des titres comme Capital, Femme actuelle, Geo, Gala ou encore Télé Loisirs), le Journal du Dimanche (JDD) et Paris Match.

Le voici qui lorgne désormais sur l’édition : après avoir pris le contrôle de Editis (numéro 1 du marché français), il est en train de s’emparer de son plus grand concurrent : Hachette Livres. Et ce n’est pas tout puisqu’il faut ajouter ses parts dans la publicité (via Havas, l’un des plus grands groupes de communication au monde), les jeux vidéo (Gameloft), le monde du spectacle (l’Olympia et un système de billetterie mondial), le streaming (Dailymotion).

À la concentration horizontale s’ajoute le phénomène de concentration verticale qui permet à un seul groupe de maîtriser toute la chaine de production et de consommation. C’est le cas par exemple de quasiment tous les fournisseurs d’accès à Internet qui possèdent à fois les « réseaux » et le contenu diffusé.

Procédures-baillons pour faire taire les journalistes, annulation de la parution de certains livres (dernier exemple en date : l’ouvrage de Guillaume Meurice), démantèlement des rédactions après la prise de contrôle de la société, reprise en main idéologique… la méthode Bolloré est désormais bien connue.

De l’urgence à légiférer

Il serait extrêmement trompeur de penser que les milliardaires qui se partagent nos médias et notre industrie culturelle le font par seul goût pour le mécénat, par passion pour le journalisme ou par pur intérêt économique. Les batailles qui se mènent pour gagner des parts d’audience ont des conséquences directes et considérables sur la situation démocratique et politique de notre pays.

Les députés LFI, rejoints à cette occasion par d’autres parlementaires de la NUPES, ont organisé plusieurs auditions. Syndicalistes, collectifs, l’économiste Julia Cagé, le président de Médiapart Edwy Plenel, l’humoriste Guillaume Meurice, se sont succédés à l’Assemblée pour être entendus sur cette proposition de loi.

Celle-ci est une première étape dans un travail de longue haleine afin de reconstruire une information libre et indépendante. D’abord, les députés proposent de limiter l’accès d’un actionnaire de contrôle au capital des médias les plus significatifs par le biais d’un droit d’agrément par le Comité Économique et Social. Les salariés de ces entreprises auraient donc un droit de véto face à d’éventuels prédateurs. Cela concernera les entreprises de la presse, les chaînes de télévision et de radio, les maisons d’édition et les entreprises de distribution et d’importation de livres.

Ensuite, les députés proposent d’interdire toute prise de contrôle de plus de 20 % du capital des entreprises des secteurs de la presse papier ou en ligne, de télévision, radio ou encore de plateforme de partage de contenu, de fournisseur d’accès à internet, du secteur de l’édition ou de la distribution de livres, du secteur de la publicité qui toucherait plus d’un nombre de personnes significatif dans l’exercice de leurs activités.


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