Covid-19. L’effrayant récit du Dr Anthony Fauci, ex-conseiller médical de Donald Trump

jeudi 1er décembre 2022.
 

Il a été le conseiller scientifique et médical de six présidents américains avant Joe Biden. Ses quatre années auprès de Donald Trump n’ont été qu’un long cauchemar, surtout avec le déferlement du Covid-19 aux États-Unis. Le Dr Anthony Fauci, 80 ans, a raconté au New York Times les délires d’un président prônant les UV et le détergent pour combattre la pandémie, les articles l’accusant d’avoir inventé le virus et les menaces de mort dont lui et sa famille ont fait l’objet. Un récit effrayant.

" Supposons que l’on frappe le corps avec des UV ou une lumière puissante, ou supposons qu’on amène la lumière à l’intérieur du corps, ce que l’on peut faire à travers la peau ou… Et puis, il y a le désinfectant, qui détruit le virus en une minute. Est-ce qu’on pourrait l’injecter dans le corps pour le nettoyer ? ​Combattre le Covid-19 avec des UV ou du détergent. Finalement, le Dr Anthony Fauci, conseiller scientifique et médical de Donald Trump pour lutter contre la pandémie de coronavirus, aura raté la plus invraisemblable, la plus effrayante, la plus consternante des conférences de presse du président américain, tenue le 24 avril 2020 devant des journalistes médusés et des conseillers atterrés : il n’était pas là ce jour-là. Et comme il a dû en être soulagé – ou pas.

Car Anthony Fauci aura assisté à quelques moments d’anthologie lors des prises de parole publiques de Donald Trump en matière de « science »​. On se souvient de ses yeux écarquillés, de ses yeux au ciel, de ses sourires nerveux difficilement réprimés, de sa main se passant sur le visage à plusieurs reprises comme pour effacer ce qui ressemble à un mauvais rêve.

Car, surtout, le Dr Anthony Fauci a été pendant 40 ans directeur de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses aux États-Unis. Et le conseiller spécial de sept présidents américains depuis 1984 : Ronald Reagan, George H.W. Bush, Bill Clinton, George W. Bush, Barack Obama, Donald Trump – et maintenant Joe Biden. Il est peu de dire que l’homme a de la bouteille, que ce soit en matière de politique de santé ou d’expérimentations médicales.

« Eh bien, ce n’est pas si terrible, non ? »

Ses quatre années de cauchemar au côté de Donald Trump, Anthony Fauci les a racontées au New York Times, lundi 25 janvier 2021. Tout comme son soulagement à travailler avec Joe Biden, qui a promis une mobilisation comme en temps de guerre ​face au Covid-19 et s’est engagé à toujours donner la parole aux scientifiques en toute transparence.

Un vrai changement de paradigme, donc. Car si Anthony Fauci, au contraire de Donald Trump, s’est toujours efforcé de dire – calmement et de façon étayée – la vérité au pays, son attitude lui a valu à la fois l’adhésion de millions d’Américains – et le rejet d’une bonne partie des partisans du milliardaire républicain, qui ne lui pardonnaient pas son opposition au président.

« Quand j’essayais d’exprimer la gravité de la situation, la réponse du président était toujours la même : Eh bien, ce n’est pas si terrible, non ? ​Je répondais : Si, c’est très grave. ​Mais le président ne m’écoutait pas ».

Le pire, pour Anthony Fauci, était que Donald Trump préférait recueillir l’avis de ses amis au téléphone plutôt que discuter avec les scientifiques : « Trump recevait des commentaires de personnes qui l’appelaient, je ne sais pas qui, des gens qu’il connaissait dans le monde des affaires, qui lui disaient : Hé, j’ai entendu parler de cette drogue, n’est-ce pas génial ? ​ou : Mec, ce plasma convalescent est vraiment phénoménal. ​De mon côté, j’essayais de lui expliquer calmement que vous découvrez si quelque chose fonctionne en faisant des recherches, des tests, des essais cliniques appropriés, puis que vous soumettez vos résultats à un examen par vos pairs. Et lui répondait : Oh, non, non, non, non, non, non, non, ce truc fonctionne vraiment. ​Et c’est ce qui s’est passé avec l’hydroxychloroquine ».

« Ça va disparaître, c’est magique, ça va disparaître »

Anthony Fauci raconte aussi brièvement ses trois premières années à la Maison-Blanche : Trump ne savait pas qui j’étais. Il n’avait jamais demandé à me voir ​. Et d’ajouter : La première fois que je l’ai rencontré, c’était en septembre 2019, quand il m’a demandé de venir à la Maison-Blanche, d’apporter ma blouse blanche et de rester là alors qu’il signait un décret concernant la grippe. À partir de février 2020 et le début de la pandémie, cela a été beaucoup plus intense ​.

Mais pas plus réjouissant : « Lors de nos réunions, nous, les scientifiques, expliquions : C’est une épidémie. Les maladies infectieuses suivent leur propre cours à moins que l’on ne fasse quelque chose pour intervenir ​. Et Trump se levait et affirmait : Ça va disparaître, c’est magique, ça va disparaître. ​Du coup, j’étais bien obligé de le contredire en public. Je n’y prenais aucun plaisir. Mais je me devais de le faire. Et c’est là que mes ennuis ont commencé ».

Ses ennuis : le mot est faible. Cela a commencé par une campagne de déstabilisation en interne : Son entourage était contrarié que j’ose contredire publiquement le président. Du coup, ses services ont permis à Peter Navarro (un conseiller de Donald Trump, N.D.L.R.) d’écrire un éditorial dans USA Today affirmant que je me trompais sur la plupart des choses que je disais. Ou demandé au bureau de presse de la Maison-Blanche d’envoyer aux journalistes une liste détaillée des choses que j’avais dites et qui se sont révélées fausses – ce qui était absurde : ces choses étaient toutes vraies !

Les services de communication de la Maison-Blanche vont alors jusqu’à décider à quelles émissions de télévision le Dr Anthony Fauci pouvait participer.

Cabale, articles de presse et menaces de mort

Le président lui-même tacle son conseiller : Hé, pourquoi n’êtes-vous pas plus positif ? Vous devez adopter une attitude positive. Pourquoi êtes-vous si négatif ? Soyez plus positif. ​Et menace en public de le virer.

Pire, des articles de presse sont publiés, qui accuse le Dr Anthony Fauci d’avoir inventé le virus et de faire partie d’une cabale secrète organisée avec Bill Gates (patron de Microsoft) et George Soros (milliardaire américain) afin de profiter de la manne financière des vaccins.

Pire encore : sa famille et lui-même reçoivent des menaces de mort. Les nombreux partisans de Donald Trump ne supportent pas qu’il contredise la parole présidentielle, a fortiori en public. « Le harcèlement de ma femme, et particulièrement de mes enfants, m’a plus bouleversé que toute autre chose. Ils savaient où mes enfants travaillent, où ils vivent. Les menaces arrivaient directement sur leurs téléphones, ou à leur domicile. Et sur Internet, des gens se parlaient, menaçaient, disant : Hé, nous devons nous débarrasser de ce type. Qu’allons-nous faire de lui ? Il nuit aux chances du président. ​Vous savez, ce genre de folie de droite. »

Un jour Anthony Fauci a même reçu une lettre piégée par la poste : « Je l’ai ouverte et une bouffée de poudre est tombée sur mon visage et ma poitrine. C’était très, très perturbant pour moi et ma femme. J’ai dit : Que dois-je faire ? ​Les services de la sécurité étaient là, ils ont dit : Ne bougez pas, restez dans la pièce. ​Et des spécialistes des matières dangereuses sont venus, et ils m’ont aspergé d’un produit. En fait, la poudre était inoffensive. Mais vous ne pouvez pas vous empêcher de vous poser des questions. Et ma femme et mes enfants étaient encore plus perturbés que moi. »

« Cette fois, ça y est : on laisse parler la science »

Questionné par le New York Times sur le fait qu’il aurait pu – ou dû – démissionner, Anthony Fauci se montre très clair : « Non. Je sentais que si je démissionnais, cela laisserait un vide. Quelqu’un ne doit pas avoir peur de dire la vérité. Ils essayaient toujours de minimiser les vrais problèmes et de parler un peu légèrement de la façon dont les choses allaient bien. Et je disais toujours : Attendez une minute, attendez les gars, c’est une affaire sérieuse. ​Dans l’ensemble, j’ai senti que ce serait mieux pour le pays et pour la cause scientifique de rester plutôt que de partir. »

Interrogé sur l’ère Biden, Anthony Fauci – aujourd’hui âgé de 80 ans – insiste sur le fait que nous vivons une pandémie historique, inédite depuis plus d’un siècle : Vous savez, durant toute ma vie professionnelle, j’ai lutté contre des pandémies – le sida, la grippe, Ebola, Zika, le paludisme, la tuberculose… C’est mon métier. Je pense que ce que j’apporte dans la gestion de cette crise est quelque chose qui a une grande valeur ajoutée ​.

Le 21 janvier, lors de son premier point de presse sous l’administration Biden, le médecin s’est approché du pupitre. Il souriait, mais de façon détendue – rien de nerveux, cette fois. Il a décrit le sentiment libérateur ​de pouvoir à nouveau se lever ici et parler de ce que l’on sait ​. De pouvoir expliquer quelles sont les preuves, les connaissances. Et de se dire que cette fois, ça y est : on laisse parler la science ​.


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