Réforme des retraites  : la gauche prépare sa riposte

jeudi 8 décembre 2022.
 

Les contours de la future réforme des retraites, présentés par la première ministre dans le Parisien, vendredi, sont sévèrement critiqués par les parlementaires de la Nupes qui préparent déjà les mobilisations à venir.

Report de l’âge légal à 65 ans, fin des régimes spéciaux, flou sur la pénibilité… La Première ministre, Élisabeth Borne, a dévoilé vendredi dans un entretien au Parisien les contours de l’épineuse réforme des retraites, qui doit être présentée le 15 décembre.

La gauche, unanimement et farouchement opposée à cette réforme n’a pas tardé à réagir à ce plan, qui est le fruit, selon Élisabeth Borne, des concertations avec les syndicats et les présidents de chacun des groupes parlementaires. Pour celui du groupe socialiste, Boris Vallaud, il s’agit là d’une «  provocation  ». Il poursuit  : «  Le point d’arrivée de la concertation est identique au point de départ. Le gouvernement a fixé le cap il y a longtemps et a prévu de s’obstiner dans une réforme injuste, brutale et largement rejetée par les Français  ».

Le communiste Pierre Dharréville dénonce lui aussi des concertations aux allures de mascarade  : «  La première ministre n’annonce rien de nouveau. Le gouvernement continue de réaffirmer son objectif de casse social tout en organisant des négociations avec les syndicats dont on se demande si elles sont le lieu d’une véritable discussion ou pour simplement décorer.  » «  Syndicats méprisés, parlement piétiné, démocratie abîmée  !  », a scandé son collègue Nicolas Sansu (PCF) sur Twitter.

79% des Français opposés à la réforme

Plus que d’apporter des informations réellement nouvelles sur la future réforme, Élisabeth Borne peaufine surtout le plan de communication pour faire avaler la pilule à des Français opposés à 79 % au recul de l’âge de départ, selon une étude Elabe du 22 septembre dernier. Tout au long de l’entretien, elle s’évertue à faire passer ses mesures comme absolument indispensable. «  Je suis frappée de voir que la nécessité de faire cette réforme n’est pas vraiment dans tous les esprits  », a-t-elle notamment déclaré. Ou encore  : «  On a un déficit qui dépassera les 12 milliards d’euros en 2027 et continuera à se creuser si l’on ne fait rien.  »

Pour la présidente du groupe France insoumise à l’Assemblée Mathilde Panot, ces déclarations soulignent que «  la macronie souffre d’autoritarisme et de mensonge compulsifs  ». «  D’abord, la situation n’est pas la catastrophe qu’ils décrivent mais dès qu’on parle de chiffres des projections du Conseil d’orientation des retraites, on ne nous écoute pas, détaille Pierre Dharréville. Et de l’autre côté, d’autres solutions existent pour dégager des financements, comme toucher aux cotisations mais elle l’a exclu d’entrée. Elle ferme toutes les portes et dit ’’la seule solution c’est la mienne’’. C’est consubstantiel à ce pouvoir technocratique mais ils se font rattraper par le réel, comme pour la crise de l’hôpital public.  »

Élisabeth Borne affiche par ailleurs un objectif de revalorisation des pensions et la possible prise en compte de la pénibilité, qui reste très floue. «  Il pourra y avoir des choses souhaitables mais ce sera là pour faire passer la pilule  », anticipe le député communiste des Bouches-du-Rhône. La Première ministre a en revanche réaffirmé la volonté du gouvernement d’en finir avec les régimes spéciaux, qui seraient selon elle «  vécus comme une grande injustice pour une partie des Français  ». «  L’injustice, elle est pour tous ceux qui subiront cette réforme de casse sociale  », a réagi Pierre Dharréville.

Un texte prévu pour janvier à l’Assemblée

En détail, le contenu de cette réforme doit être présenté le 15 décembre. Un calendrier vu comme une manœuvre politicienne par l’écologiste Sandrine Rousseau  : «  Le 15 décembre, juste avant la trêve des confiseurs, en pleines fêtes de fin d’année. Dans le seul moment de respiration depuis des mois. On n’oubliera pas vos méthodes  », a-t-elle alerté sur Twitter.

Qui sont les «  NER  », ces naufragés des réformes des retraites ?

Puis, le texte devrait arriver dès janvier au Parlement. Alors, la bataille sociale devra se mener «  dans l’hémicycle et dans la rue  », a prévenu Mathilde Panot sur RTL, vendredi. La Nupes en profitera pour opposer sa proposition, détaillée et chiffrée de retraite à 60 ans tandis que les premières manifestations ne devraient pas tarder à s’organiser. «  On va se coordonner avec les différentes organisations, j’ai vu qu’il y avait un appel des organisations de jeunesse pour le 21 janvier, la France insoumise y sera  », a déjà annoncé Mathilde Panot. Les syndicats, comme le PCF, n’ont pas encore fixé de date, mais la riposte sociale s’annonce longue et brûlante.

65 ans : Elisabeth Borne persiste et signe

En pleines concertations avec les « partenaires sociaux », la Première ministre martèle sa volonté de reculer l’âge légal, quoi qu’il en coûte. Un signal très clair envoyé aux syndicats et aux électeurs en général.

Si certains espéraient encore que les concertations menées depuis octobre avec les syndicats et le patronat finiraient par infléchir la politique de l’exécutif, ils en seront pour leurs frais. Dans un entretien publié ce vendredi dans « Le Parisien », Elisabeth Borne réaffirme sa volonté de mettre en musique la « promesse » d’Emmanuel Macron d’un recul de l’âge légal, en le justifiant, encore et toujours, par un prétendu péril financier. « Le report progressif de l’âge de départ à la retraite de 62 à 65 ans d’ici 2031, c’est ce qui permet de ramener le système à l’équilibre dans les dix ans », affirme-t-elle. Avant d’ajouter : « Mais s’il y a un autre chemin proposé par les organisations syndicales et patronales qui permette d’atteindre le même résultat, on l’étudiera. On peut discuter. Ce qu’on exclut, en revanche, c’est de baisser le montant des retraites ou d’alourdir le coût du travail par des cotisations supplémentaires. »

Le message adressé aux organisations syndicales est très clair : s’il y a discussions, elles ne peuvent s’inscrire que dans un cadre contraint, fixé par l’exécutif lui-même. Au passage, la ministre feint de croire que la piste d’une réduction des pensions serait défendue par les syndicats, tout en fermant la porte à toute option dégageant des ressources supplémentaires. « La stratégie de l’exécutif est vraiment incompréhensible, estime Céline Verzeletti, secrétaire confédérale CGT. A quoi bon ouvrir un cycle de discussions avec nous sur le financement du régime, si c’est pour réduire le débat à un choix aussi binaire ? A la CGT, nous pensons qu’il n’y a aucun péril financier en la demeure ; cela dit, il faudra trouver de nouvelles ressources pour améliorer les pensions et revenir aux 60 ans, et nous en avons : arrêt de la politique d’exonérations de cotisations sociales, égalité professionnelle femmes-hommes, etc. »

Au-delà des organisations syndicales, le message de l’exécutif s’adresse aux électeurs, du moins à la minorité (de droite pour l’essentiel) qui soutient encore le recul de l’âge légal. Dans un sondage réalisé par Ifop fin septembre, seuls 22% des Français se disaient favorables aux 65 ans, dont 44% des électeurs macronistes et 35% des électeurs LR. « En réalité, ils savent qu’ils ont perdu la bataille idéologique, résume Céline Verzeletti. Ils ont face à eux la majorité de l’opinion publique, leur seule option est donc de s’adresser à l’électorat de droite et aux parlementaires LR. »

Pour faire passer la pilule, l’exécutif continue néanmoins de brandir quelques concessions plus ou moins formelles : le maintien de l’âge de départ sans décote à 67 ans, un minimum retraite à 1 200 euros pour tous les retraités qui peuvent justifier d’une carrière complète, etc. Pas sûr que cela suffise à convaincre l’opinion…


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