Qu’il s’agisse de sobriété énergétique, de retour à l’emploi ou de soulager des hôpitaux débordés, les messages passés par le gouvernement sont systématiquement tournés vers les comportements individuels.

L’effort collectif ne serait ainsi constitué que de gestes individuels du quotidien, qui, additionnés, finiraient par dessiner une trajectoire. L’individualisme poussé à son paroxysme. Stratégie vouée à l’échec et injuste pour au moins deux raisons.

D’abord, les efforts demandés sont inégalement répartis et pèsent sur les plus précaires. Ce sont les personnes privées d’emplois qui vont subir de plein fouet la réforme de l’assurance chômage et qui vont devoir accepter des emplois mal rémunérés, loin de chez eux et de leurs appétences pour continuer à avoir les moyens de vivre. Ce sont les plus fragiles qui n’ont pas accès à un médecin en ville, sur qui va peser la culpabilité de se rendre aux urgences en cas de problème de santé. Et les injonctions à la sobriété pèsent davantage sur les plus mal logés et mal desservis en transports collectifs.

Surtout, aucun problème de société, aucun dysfonctionnement d’un service public n’a jamais été réglé parce que les individus changeaient leur comportement. Cette idéologie libérale qui impute aux décisions individuelles à la fois les dysfonctionnements du système et les solutions est en échec partout. Et pour cause, l’écrasante majorité des gens ne cherchent pas à tirer profit du système. Seuls les très riches pensent comme ça, sont obsédés par la maximisation de leurs richesses et transposent donc sur les autres leur propre disposition d’esprit.

L’analyse des responsabilités collectives est beaucoup plus intéressante. Elle permet de construire des politiques publiques de long terme et plus vertueuses.

Ainsi, ne plus seulement compter sur les comportements individuels des gens ou sur les engagements personnels des soignants dans les hôpitaux permettrait d’acheter le matériel manquant pour prendre en charge les épidémies de l’automne et de l’hiver, et de prévoir des conditions de travail au personnel qui lui donne envie de continuer à travailler pour le système de santé publique.

Considérer la question du mal logement, non pas en criminalisant davantage les squats mais en construisant 200 000 logements sociaux par an et en rénovant les logements, permettrait de réduire la dépense d’énergie et de loger chacun dignement.

Enfin, continuer à développer l’enseignement professionnel pour que les jeunes aient un niveau de formation exigeant, permettra de répondre aux défis du futur, plutôt que de considérer la jeunesse comme une main d’œuvre disponible de plus en plus tôt avec l’apprentissage.

La responsabilité collective est vertueuse et rend la décision individuelle moins hasardeuse.

Claire Mazin