Finances : Étranglement des collectivités territoriales

mardi 27 décembre 2022.
 

Avec d’une part une inflation à 7% et même plus selon les secteurs (restauration, énergie, etc.) et une Dotation Globale de Fonctionnement (dite DGF, dotation versée par l’Etat aux communes chaque année) au rabais d’autre part, les élus ne s’y retrouvent plus dans leur budget.

Compte tenu des coûts qui ont doublé voire triplé, et des factures énergétiques envolées jusqu’à 20 fois leur prix de l’année précédente, les élus se trouvent aujourd’hui contraints de devoir choisir entre augmenter les impôts locaux ou bien diminuer les services à la population.

Pour le peu d’impôts dont ils ont encore le contrôle depuis la suppression de la taxe d’habitation, il ne reste plus que la taxe foncière et quelques autres recettes à la marge. Lorsqu’on voit les réactions des habitants comme à Paris quand les taxes augmentent, on comprend tout de suite que ce sont en réalité soit les services, soit les investissements qui servent de véritable variable d’ajustement.

Austérité concrète

On ne s’étonne plus alors de voir la suppression ou diminution de trains, de bus, de plats dans les cantines, de piscines, de salles polyvalentes… De même les investissements se voient gelés progressivement avec le report des travaux de voirie, le ralentissement des rénovations de bâtiments ou encore le non-renouvellement des réseaux d’eau… Autant d’éléments qui sont pourtant essentiels dans l’adaptation et l’atténuation du changement climatique.

On parle d’abord de la suppression du dessert ou du fromage dans les cantines scolaires. On laisse nos enfants étudier le ventre vide. À quand la suppression du plat de résistance ?

On parlede télétravail massif pour fermer des bâtiments pendant l’hiver, comme à la fac de Strasbourg… Mais qui va payer la facture énergétique des travailleurs et étudiants à la maison ?

On parle d’action sociale empêchée, avec moins de services pour la petite enfance et le grand âge, des emplois menacés ou encore plus précaires .

On parle encore de conséquences dramatiques pour les filières et les emplois locaux des TPE/PME si les collectivités ne peuvent plus investir, par exemple dans la rénovation thermique des bâtiments. À l’heure de la COP27 et de la sobriété énergétique, il s’agit pourtant d’un enjeu majeur pour notre présent et notre futur.

On parle enfin de la fermeture partielle ou complète de dizaines de piscines en France[1]. Cinglant alors que la France prépare l’organisation des Jeux Olympiques de 2024.

Face à toutes ces problématiques qui touchent la vie quotidienne des citoyens en tant qu’usagers du service public, on aurait pu penser que le Gouvernement allait prendre les choses en main. Mais ce n’est pas le cas.

Gouvernement fourbe

Loin de rompre avec le marché de l’énergie et rétablir les tarifs réglementés pour toutes les collectivités par exemple, le gouvernement Borne ne propose que des mesures d’urgences et reste à côté de la plaque.

Tout comme à la suite des lois NOTRe et MAPTAM qui ont chamboulé l’organisation territoriale, désorienté les élus et accéléré le désengagement de l’État par le retrait de ses services déconcentrés, le Gouvernement fait la sourde oreille à la fronde pourtant unanime des élus locaux.

Car n’en déplaise à la ministre Cayeux, l’augmentation de la DGF, aussi historique soit-elle, ne compensera pas l’inflation et encore moins les huit années de razzia sur les collectivités : David Lisnard, président de l’AMF (Association des maires de France) pointe 46 milliards d’euros de dotations en moins depuis 2014. Aujourd’hui les collectivités se trouvent dans l’impasse et ce n’est ni le filet de sécurité, ni le bouclier tarifaire, ni « l’amortisseur électricité », ni le principe d’appel à projets pour obtenir des recettes qui suffiront à boucler un budget à l’équilibre.

Car c’est bien l’élément à avoir en tête : une collectivité ne peut pas présenter de budget en déficit ou insincère.

Pour répondre à ces exigences tout en assurant, voire en améliorant le service public rendu par les collectivités, il eût été utile de débattre des finances locales, comme c’est le rôle de nos parlementaires. Mais par peur du débat et surtout peur d’être battu comme lors de la loi de programmation des finances publiques 2023-2027, le gouvernement Borne a repoussé le débat sur ce sujet à l’Assemblée dans un premier temps, puis dégainé son quatrième 49.3 avant l’examen pour l’empêcher.

Exit donc un débat éclairé sur la suppression de la CVAE – la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises – qui constitue un des principaux impôts locaux et dont la suppression privera les collectivités de 8 milliards d’euros.

Exit le débat sur la dette que le gouvernement veut faire payer aux collectivités, et qu’elles n’ont pas créée, puisqu’elles doivent être à l’équilibre.

Exit aussi les propositions de la FI-NUPES pour améliorer le sort des collectivités, comme l’indexation de la DGF sur l’inflation, par exemple.

Qu’importe donc, que l’Assemblée nationale et le Sénat rejettent à l’unisson l’austérité voulue par le gouvernement sur les collectivités, ce dernier passe en force. Il veut imposer une nouvelle version des contrats de Cahors avec l’obligation pour les collectivités de diminuer leurs dépenses de fonctionnement de 0,5% en dessous de l’inflation, chaque année, pendant 5 ans, sans quoi leur dotation serait amputée en guise de sanction. On a vu meilleur « pacte de confiance » !

Cela est d’autant plus préoccupant que le budget 2023 actuellement en discussion est mission impossible pour les élus. Ils ne veulent plus seulement être écoutés, ils veulent maintenant être entendus !

AlloCollectivités

C’est justement dans le but de faire entendre leurs voix que les élu.e.s du groupe parlementaire LFI-NUPES viennent de lancer l’initiative AllôCollectivités ! Après l’opération AllôSégur qui a permis de mettre les projecteurs sur la situation des hôpitaux partout en France cet été et de remettre un rapport au ministre de la Santé.

Avec la Tournée des facs qui donne la parole aux étudiants sur leur précarité et leurs conditions actuellement, cette nouvelle initiative s’adresse à tous les maires, adjoints et élus locaux de la l’hexagone et des Outres-mers.

AllôCollectivités fait écho à l’actualité mais aussi à un véritable mouvement de fond : comme les dernières initiatives de l’Association des Maires de Pyrénées-Atlantiques et du collectif « Stop Racket Énergie ».

Dans son programme, LFI fait le choix des communes comme socle de base pour la planification écologique et comme vecteurs de lien social de proximité dans les territoires. Leur déclin signerait l’affaissement définitif de notre République et le risque de voir dès demain des services essentiels à la population est palpable. Il y a une véritable urgence à agir et #AllôCollectivités est une réponse à cela.

Raphael Brun

[1] Chiffre donné par France Inter, 6 septembre 2022


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