Les Hittites : 3 années de sécheresse ont suffi à faire chuter le principal rival de l’Égypte antique

jeudi 9 mars 2023.
 

L’empire Hittite était une puissante civilisation d’Anatolie qui a disparu mystérieusement il y a 3 000 ans. Trois années auraient suffi à précipiter son déclin, suggère de nouvelles recherches publiées dans la revue Nature. Comment les chercheurs ont-ils pu identifier avec autant de précision cette cause  ?

Ce fut l’un des plus puissants royaumes du Proche-Orient antique et le principal rival de l’Égypte. Pourtant, les Hittites ont été longtemps oubliés de l’histoire. Ils avaient établi, entre 1650 et 1200 av. J.-C., un vaste empire dans la région semi-aride du centre de l’Anatolie, occupant certaines parties de la Turquie, de la Syrie et de l’Irak modernes, avant de s’effondrer brutalement.

Attaques militaires, troubles intérieurs, famines, épidémies…

Certes, à la fin de «  l’âge du bronze  », vers les XIIIe et XIIe siècles av. J.-C., plusieurs empires du Proche-Orient et de la Méditerranée orientale ont disparu en quelques décennies. Les causes de cet effondrement généralisé sont toujours débattues par les historiens.

Quel fut le facteur déclencheur de cette crise systémique  ? Plusieurs causes ont été identifiées  : des attaques militaires venues du monde égéen, des troubles intérieurs, des famines, des épidémies et, surtout, un changement climatique plus sec et plus frais durant près de trois siècles.

De nouvelles recherches publiées dans la revue Nature apportent une explication beaucoup plus précise de l’effondrement brutal des Hittites. Trois années de sécheresse inédites, très précisément entre 1198 et 1196 av. J.-C., se sont abattues sur l’Anatolie et ont précipité la fin de cet empire.

En effet, «  ce qui peut ébranler de nombreuses sociétés humaines dépendantes de l’agriculture et de l’élevage, ce sont des années consécutives de crise inattendue et non anticipée. Un environnement semi-aride pourrait exacerber de tels défis  », nous explique le premier auteur de l’article, Sturt Manning, professeur d’archéologie à l’université américaine de Cornell.

L’étude du site de Malia en Crète, touché à l’âge de bronze par l’éruption du volcan de Santorin, révèle des « pratiques agricoles aux qualités d’adaptation insoupçonnées ».

Abandon de la capitale par ses habitants

Peu de temps avant cet épisode de sécheresse, en 1207 av. J.-C., la capitale Hattusa, qui compta jusqu’à 50 000 habitants, fut désertée. Avec cette cité, véritable centre religieux de l’Empire hittite, aujourd’hui classée site archéologique au patrimoine mondial de l’Unesco, disparurent l’administration et le système d’écriture de cette civilisation.

«  Les causes de l’effondrement soudain et dramatique de l’Empire hittite, en particulier l’abandon de sa capitale de longue date et de la demeure de ses dieux, ainsi que la fin de sa bureaucratie, et donc des documents écrits, intriguent depuis longtemps les chercheurs et de multiples explications possibles ont été avancées  », relate l’archéologue.

Un parent du roi légendaire Midas

Comment les chercheurs ont-ils pu identifier avec autant de précision les trois années de sécheresse intervenues il y a plus de 3 000 ans  ? Pour les Hittites, la réponse se cachait… dans les arbres. En effet, leur étude est fondée sur l’analyse des cernes de troncs anciens, des rondins de genévriers prélevés dans un tumulus funéraire situé à Gordion, au centre de l’actuelle Turquie.

C’est là que fut découverte et fouillée, au milieu des années 1950, la sépulture d’un dirigeant ou d’un parent du roi légendaire Midas contenant une structure en bois très bien conservée. «  Des genévriers étaient utilisés pour construire une structure en bois à l’intérieur de ce qu’on appelle le tumulus Midas Mound, d’un peu plus de 50 mètres de haut. Ce bois a été étudié depuis le milieu des années 1970 et une chronologie des cercles d’arbres a été établie et datée, avec une erreur d’environ trois ans, jusqu’en 2020, décrit Sturt Manning, mais notre étude est la première à examiner le climat à partir de cet ensemble de données.  »

Un empire dépendant de sa production céréalière et de l’élevage

La méthode scientifique de datation pour étudier la variation des marqueurs de croissance des arbres, appelée la «  dendrochronologie  », est régulièrement utilisée en archéologie pour obtenir une datation fiable. L’analyse des anneaux concentriques, formés avec le temps au cœur des genévriers, a ainsi permis de reconstituer avec précision les anciennes conditions climatiques.

«  Pour ces arbres, des cernes très étroits indiquent probablement un manque de disponibilité en eau, comme nous avons pu le vérifier, précise Sturt Manning. Ces enchaînements de plusieurs années de sécheresse grave sont très rares, cela se produit une fois tous les deux siècles environ. Or, les seuls cas de ce type survenus autour de 1200 avant notre ère se sont produits vers 1198-1196.  »

Ces trois années consécutives d’assèchement des sols, dans une période déjà difficile, ont probablement précipité la chute de l’Empire hittite, qui dépendait entièrement de sa production céréalière régionale et de l’élevage.

Réfléchir sur l’impact des changements climatiques

Les chercheurs veulent savoir, désormais, comment ces changements climatiques ont affecté, ou pas, autour de 1200 av. J.-C., les autres civilisations en Méditerranée orientale et au Proche-Orient. En attendant, le basculement de l’Empire hittite devrait donner à réfléchir sur l’impact rapide et profond des changements climatiques. «  Trois graves années de sécheresse consécutives touchant une grande partie de plusieurs continents, prévient Sturt Manning, pourraient constituer un véritable défi, aujourd’hui comme à l’époque.  »


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