Mégabassines : J’étais à Sainte-Soline

jeudi 6 avril 2023.
 

J’étais à Sainte-Soline à la manifestation contre les mégabassines, le samedi 25 mars 2023.

J’ai 69 ans et suis médecin retraité.

Ste Soline et la manif contre les Grandes Bassines, c’était la première fois que j’y allais.

Les enjeux concernant l’eau sont trop importants et ces projets de Méga Bassine m’interrogent vraiment comme beaucoup d‘autres personnes

Je suis arrivé, vers 13 h 30, dans la petite commune de Ste Soline et me suis garé sur la place de l’Eglise. Auparavant j’ai croisé à un rond-point de Lezay, une équipe de gendarmes qui contrôlait un jeune avec fouille de sa camionnette… J’ai pu passer sans encombre, je suis un vieux monsieur aux cheveux blancs … « délit de bonne gueule » probablement !

Je me suis engagé avec d’autres sur le chemin qui conduit à la fameuse grande bassine de Ste Soline ; au loin (environ 3 km) des fumées et des bruits d’explosions et 2 hélicoptères de la gendarmerie dans le ciel.

En m’approchant la foule se densifiait et surtout j’ai commencé à voir les premiers blessés : un homme à terre allongé avec un bandage taché de sang autour de la tête qui me dit qu’il a une blessure – plaie qu’il faut surement recoudre ; il pense avoir été blessé par une balle en caoutchouc. Des « secouristes » sont avec lui et me disent qu’ils vont essayer de le transférer avec les moyens du bord car les ambulances n’ont pas accès aux lieux, tout comme le Samu !

Après, j’ai rencontré plusieurs autres personnes blessées en m’approchant de la bassine et me suis arrêté à chaque fois pour parler avec elles et les personnes qui les accompagnaient et offrir mes services ; toutes ces personnes que j’ai pu rencontrer étaient réellement blessées, au visage et aux membres, blessures qui étaient en cours de premiers soins effectués par « les secouristes » (équipe de personnes volontaires qui assuraient au mieux les premiers soins…). J’ai pu rencontrer au minimum, car je n’ai pas compté, plus d’une dizaine de personnes blessées en m’approchant du site et du grand rassemblement.

J’ai pu voir et vérifier que les personnes blessées étaient déjà prises en charge par des personnes équipées au moins pour les premiers soins… mais que tous ces gens blessés avaient besoin d’autres soins et que ce qui manquait réellement c’était les moyens de transférer ces personnes vers des hôpitaux et/ou des médecins qui pouvaient assurer d’autres soins nécessaires (sutures, bilan radio…). Quelques-unes de ces personnes en particulier les moins blessées ont pu avec les moyens du bord être prises en charge par quelques rares voitures particulières qui ont pu s’approcher et un véhicule qui faisait office « d’ambulance ».

Je me suis approché au plus près à la fois pour retrouver des personnes que je connaissais et aussi afin de continuer à voir s’il y avait d’autres blessés non pris en charge et que je pourrais essayer d’aider.

J’ai pu voir « cette grande muraille de terre » avec à son pied plusieurs dizaines de véhicules, camions, camionnettes, quads et même un genre de char de la gendarmerie avec de nombreux gendarmes et en haut de cette muraille un autre gros véhicule et d’autres nombreux « représentants de l’ordre ». En bas quelque camions et camionnettes brulaient mais une sorte de calme relatif semblait être revenu… Je n’ai donc pas été présent au moment où les affrontements ont eu lieu… affrontements qui selon celles et ceux que j’ai rencontré.e.s ont été violents mais n’étaient le fait que d’une minorité de manifestants et des gendarmes.

Je suis resté quelques temps dans la foule compacte, calme mais qui m’est apparu assez sidérée par ce qui venait de se passer puis je suis reparti.

Sur le chemin du retour j’ai à nouveau croisé des blessé.e.s ; plusieurs ne pouvaient marcher et étaient soit soutenues par d’autres personnes, soit portées à bras pour les éloigner, les allonger un peu au-delà de la foule des manifestants et surtout pour essayer de les évacuer car une fois les premiers soins effectués, tous celles et ceux que j’ai pu rencontrer, avaient, elles aussi, besoin d’autres soins pour la plupart en milieu hospitalier… mais toutes ces personnes devaient attendre sur le bord du fossé de pouvoir être transférées … Et ce qui manquait encore et toujours c’était ces moyens de transfert qui pour plusieurs devaient être médicalisés … et les ambulanciers professionnels, les pompiers et le Samu manquaient cruellement au moins du côté des manifestant.e.s ou je me situais.

Sur ce chemin je me suis là encore arrêté auprès d’une personne qui paraissait mal ; elle était entourée de plusieurs personnes dont un médecin qui m’a dit s’inquiéter de son état de santé, attendant avec grande impatience la venue d’un transport médicalisé qu’il avait demandé. Selon ce que j’ai pu comprendre, ambulances et pompiers n’étaient pas autorisés sur le site au moins de ce côté (des manifestants) et il essayait de négocier la venue d’une ambulance ! Cette personne blessée avait un besoin urgent : être transférée le plus vite possible en milieu hospitalier et le médecin qui était auprès d’elle, sans moyen vraiment de soin, attendait avec impatience.

J’ai continué mon chemin ne pouvant faire plus. Arrivé au bourg de Ste Soline, je me suis arrêté auprès d’une personne blessée assise à terre les yeux bandés, blessé a-t-il dit par un tir des gendarmes qui a cassé ses lunettes et blessé ses yeux … Avec quelques autres personnes nous avons pu organiser son transfert en voiture vers l’hôpital de Niort. Sur la petite place de l’Eglise, j’ai croisé un véhicule du Samu qui venait d’arriver (il était environ 15 h 40 soit plus de 2 heures 30 après les affrontements et les moments ou les personnes ont été blessées !). A priori ils n’avaient pas de consigne claire sur ce qu’ils devaient faire et où ils devaient-pouvaient aller !

Je n’ai surement pas pu voir tous les blessé.e.s car il y avait au moins deux autres chemins d’accès au site.

Je peux affirmer que ce chemin goudronné que j’ai pris de Ste Soline à la Grande Bassine est resté tout le temps où j’étais sur les lieux (3 heures environ) toujours facilement accessible en voiture et sans danger pour des ambulances, les pompiers et le SAMU… Mais malheureusement je n’ai pu voir y passer que seulement et au terme de ces presque 3 heures une seule ambulance… Je sais pour l’avoir vu après dans les divers reportages que l’hélicoptère du SAMU a pu accéder au site mais bien tardivement, là encore au moins 3 heures après les affrontements !

Je crois que l’Etat dans sa globalité de l’échelle locale à son plus haut sommet a failli.

Mme la préfète interdit une manifestation qu’elle estime elle-même à haut risque de violences. Elle laisse tout de même faire cette manifestation et ne prévoit à priori rien du côté des manifestant.e.s pour garantir leur sécurité et assurer les premiers soins et les transferts si nécessaire des personnes blessées vers des hôpitaux.

Mr le ministre de l’intérieur a parlé d’écoterrorisme, a déployé sur le terrain et dans les communes alentours tout un arsenal militaire comme si l’ensemble des manifestants était animé du désir d’en découdre… Ce que je peux affirmer ne pas être le cas, la plus grande part d’entre nous étions là pour protester pacifiquement contre ces projets et demander au minimum un moratoire et plus de transparence. Certes un groupe de personnes très minoritaire venait probablement pour s’affronter et le fait d’avoir déployé cet arsenal ne pouvait qu’attiser un feu qui couve…

La première des erreurs, les premiers responsables de ces heurts sont celles et ceux qui n’ont pas autorisés cette manifestation et qui l’ont rendu à risque du fait de leurs propos et de ce qu’ils ont mis en place sur le terrain de la bassine et des environs.

Je sais que la responsabilité n’incombe pas seulement à la gendarmerie et aux gendarmes même si cette démonstration de force « musclée » ne pouvait que attiser la réaction de celles et ceux qui n’attendaient que cela ; ils ont, elles et eux aussi, une part de responsabilité… Toute vie humaine est précieuse et ne justifie pas de tels actes de part et d’autre.

Le sujet de l’eau est un sujet crucial, l’eau appartient à tout le monde, tout comme l’air ! Elle ne peut être accaparée par un petit groupe quel qu’il soit. L’accès à l’eau ne doit pas nous conduire à faire couler du sang voire à mettre en péril des vies comme cela semble le cas pour au moins une personne qui a été très gravement blessée à Ste Soline.

Si de nouvelles manifestations s’organisent dans ma région, j’y retournerai surement mais j’essayerai d’y aller plus longtemps, voire de proposer mes services pour participer à l’organisation en amont avec d’autres de l’accès aux premiers soins sur place et aux transferts si nécessaire des blessés quel qu’ils soient… et je continuerai à dénoncer les failles d’un Etat qui évolue de plus en plus vers un dérivé sécuritaire… et qui n’écoute plus le peuple

Serge Poupard


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