Le film, qui se déroule en grande partie en prison, met à l’honneur la justice restaurative : la rencontre entre victimes et agresseurs. Mal connue en France, la justice restaurative, imminemment politique, fait le pari de l’Humanisme, de la rencontre avec l’autre plutôt que du repli sur soi, pour réparer.
« J’ai appris à arrêter de haïr, pour commencer à aimer ». Je verrai toujours vos visages se termine comme il a commencé : par un tourbillon au cœur. Le troisième long métrage de Jeanne Herry, sortie ce mercredi en salle, frappe très juste. Dans une époque marquée par l’accélération sociale du temps (Hartmut Rosa), par la désaffiliation (Robert Castel), après 2 ans de confinements reconfinés, et alors que l’extrême droite surfe comme jamais sur l’effilochage du lien social, un film qui fait du bien. Prendre le temps d’écouter. Nombreux sont ceux qui savent parler, si rare sont ceux qui savent écouter.
Le film, qui se déroule en grande partie en prison, met à l’honneur la justice restaurative : la rencontre entre victimes et agresseurs. Mal connue en France, la justice restaurative, imminemment politique, fait le pari de l’Humanisme, de la rencontre avec l’autre plutôt que du repli sur soi, pour réparer. Faire passer le collectif avant l’égo, le tous ensemble, l’entraide (Pablo Servigne), ou le chacun pour soi ? D’un côté de la table : Nassim (Dali Benssalah), Issa (Birane Ba) et Thomas (Fred Testot), braqueurs. De l’autre : Nawelle (Leïla Bekthi), Grégoire (Gilles Lelouche) et Sabine (Miou-Miou), victimes de braquages. Au centre : Fanny (Suliane Brahim) et Michel (le grand Jean-Pierre Darroussin), médiateurs. Le casting, 5 étoiles, est osé, le résultat puissant. Aucune fausse note, chaque acteur joue juste, chaque personnage est puissant. La rencontre, explosive.
Dès le départ, ça marche, on est happé, on veut savoir comment la rencontre entre victimes et agresseurs va se passer. La rencontre entre Nawelle, caissière, traumatisée par 10 minutes de braquage, en dépression, incapable d’aller voir le spectacle de sa fille sans calmant, et Nassim, braqueur, emmuré dans sa carapace viriliste, incapable de pleurer, fait des étincelles à l’écran. En parallèle, Chloé (Adèle Exarchopoulos), victime de viol, se prépare à rencontrer son agresseur : son grand frère. Le scenario fonctionne, le rythme et le suspens scotchent au fauteuil. Le résultat, la rencontre, l’autre, est profondément optimiste. Ceux qui diront bisounours sont des aigris, et peuvent aller consulter. L’homme naît bon, c’est la société qui le corrompt. Un autre monde est toujours possible. Pour ça, il faut apprendre à ralentir et à écouter.
Pierre Joigneaux.
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