Bataille des retraites : l’évacuation traumatisante de l’université d’Aix-Marseille

lundi 8 mai 2023.
 

En mars 2023, plus d’une centaine d’étudiants ont occupé leur université, celle d’Aix-Marseille (Arts, lettres, langues, sciences humaines). Un moyen pour eux, comme pour de nombreux jeunes partout en France, d’exprimer leur opposition à l’injuste retraite à 64 ans voulue par Emmanuel Macron. À l’université d’Aix-Marseille, les étudiants ont réussi à maintenir un blocus pendant près d’un mois, non sans mal, jusqu’à leur évacuation violente le 18 avril 2023. Désinformation, décrédibilisation, intervention violente par la police, étudiant traîné par terre et blessé… Ils ont vécu une expérience traumatisante. Nous publions ici leur témoignage en intégralité.

L’occupation de notre université a débuté mardi 21 mars en soutien aux travailleurs du dépôt pétrolier de Fos-sur-Mer placés sous la menace de réquisitions, et, plus largement, contre la réforme des retraites. Nous avons lancé une manifestation d’agitation dans la fac de lettres, suite à laquelle une centaine d’étudiantes et d’étudiants ont voté le blocage d’un amphithéâtre. S’en sont suivies trois semaines de militantisme au sein de la faculté et dans l’amphithéâtre par différents ateliers, conférences et activités politiques. Trois semaines pendant lesquelles nous étions en dialogue avec le doyen de l’UFR d’Arts Lettres Langues et Sciences Humaines (ALLSH), notamment pour faire entendre nos revendications.

Puis, dans la nuit du lundi 10 au mardi 11 avril, et avec une centaine d’étudiantes et étudiants, nous avons bloqué le bâtiment Egger et l’administration de la faculté de lettres. Tout s’est déroulé efficacement et de façon pacifiste. Mais, dès 6 heures du matin, le doyen a décidé d’envoyer un mail à l’ensemble des étudiants et étudiantes, annonçant la fermeture de la faculté sous prétexte que « la sécurité des personnes n’était pas garantie ».

En faisant cela, le doyen nous a non seulement coupés des étudiants, des personnels, mais il a également lancé une campagne de désinformation pour nous décrédibiliser. Ça ne s’est pas arrêté là. Le lendemain, il nous accusait d’avoir envoyé des chaises sur les personnes tentant d’entrer, ce qui était matériellement impossible. La campagne de désinformation et de décrédibilisation s’est poursuivie toute la semaine avec diverses fausses informations répandues, jusqu’à ce que la direction diffuse un communiqué lundi 17 avril affirmant « son attachement au dialogue, à la place du débat citoyen et à l’expression de la pluralité au sein de l’UFR ».

Le lendemain, 18 avril, à 7 heures du matin, la police est intervenue dans l’enceinte de la fac en brisant plusieurs vitres pour nous déloger. Ce, tout juste une semaine après la prise du bâtiment Egger par les étudiants.

Nous avions prévu un plan d’évacuation en cas d’intervention de la police après avoir réveillé un maximum de personnes. La police étant rentrée de plusieurs côtés, dont celui prévu pour l’évacuation, nous nous sommes faits encercler. Les premières réactions ont été de courir pour essayer de s’échapper de cette situation, mais on s’est vite rendu compte que ça ne servait à rien.

Pour aller plus loin : 9 mars : 200 lycées bloqués, la jeunesse alliée aux travailleurs contre la retraite à 64 ans

Des hommes et des femmes en tenues de combat, casqués, masqués, gilets par balles et tout leur attirail face à des étudiants à peine levés et impuissants fut traumatisant. Qu’est-ce qui allait se passer ? Est-ce qu’on allait se faire trainer, frapper ? Allions-nous finir en garde à vue ? Bref, nous étions en panique et on ne pouvait rien faire.

Une de nos camarades s’est laissée approcher par la police, qui lui a demandé sa carte d’identité et l’a prise en photo. Ce qui a été ensuite le cas pour tous les étudiants présents sur le site : contrôle d’identités et prises de photos des cartes par les agents. Certains ont subi des fouilles au corps, de leurs sacs, se sont faits arracher leurs téléphones parce qu’ils filmaient la scène.

Nous voilà sortis de la fac. La grille se ferme. Un de nos camarades, originaire d’Amérique latine, manque à l’appel. Les policiers étaient plus désagréables avec lui qu’avec les autres.

Nous le voyons sortir, traîné dans les escaliers puis jeté au sol. Ils lui jettent son téléphone sur la poitrine. Nous nous approchons de lui, il explique ; coups de pied, croche pied, mains dans la nuque. Les policiers l’ont violenté jusqu’à ce qu’il soit à terre. Là, ils l’ont attrapé par les pieds et les mains, tiré dans les escaliers. Sa main est écorchée, son dos a heurté les marches à de nombreuses reprises.

Vomissements, tremblements, larmes. Une crise lorsque nous avons revu la police.

L’après midi, un rassemblement devant la fac a été organisé. Nous avons pu y entrer, les grilles étaient enfin ouvertes. Aucune trace de l’administration qui avait donné l’ordre à la police, la BAC et aux CRS de nous déloger. Nous avons manifesté dans la fac de droit, devant le rectorat, la mairie et Sciences po.

Traumatisés, mais plus que jamais prêts à militer.

C’était pour beaucoup une première expérience avec la police. Nous avons vécu ce que nous dénoncions depuis longtemps. Le combat ne s’arrête pas.

Nous sommes déterminés à lutter, jusqu’au bout.

Des étudiant.e.s membres du comité de mobilisation d’Aix


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