Travailler c’est coopérer et cela s’apprend. Notre tâche humaine est là.

samedi 13 octobre 2012.
 

La vraie bataille de l’intelligence

Les êtres humains se détruisent dans la concurrence.

Ils se forment et grandissent dans la coopération.

Tel est l’enjeu aujourd’hui de la question du travail.

On dira que ce n‘est pas l’enjeu spécifique du travail. Mais appuyons le trait : dans le travail tel qu’il est aujourd’hui se déroule une partie essentielle de la confrontation de portée anthropologique dans laquelle nous sommes.

La question du travail est en train de s’inviter dans l’actualité politique même si elle ne déclenche pas encore à elle seule les mouvements sociaux. Ce n’est pas un effet de mode ou de “petite phrase”.

Mais le mouvement syndical et la recherche en sciences sociales peinent à la percevoir comme une question à part entière, sinon sous l’angle biaisé de la “souffrance au travail”.

Celle-ci est un signal, pas un diagnostic. Le signal qu’il faut comprendre ce qui se passe.

I- Trois raisons pour une émergence de la question

« Les êtres humains se détruisent dans la concurrence » n’est pas, ici, une affirmation philosophique mais un constat issu de la quantité, depuis 15 à 20 ans, de travaux, recherches, études, expertises, qui montrent à l’oeuvre, si l’on peut dire pour cette entreprise de destruction, la généralisation de la concurrence entre les individus, les organisations, les générations, les pays, et les effets de cette gangrène.

Le constat dépasse désormais très largement l’addition de situations similaires.

La multitude des diagnostics de “souffrance au travail” s’ajuste à l’idée myope que certains individus s’adaptent moins que d’autres à la “modernisation”.

Mais comme le dit l’anthropologue Maurice Godelier “L’homme n’est pas seulement un être qui s’adapte, il est un être qui s’invente”1. Cette possibilité de s’inventer est barrée par des organisations (c’est tout juste si on peut préciser “du travail” tant le travail est malmené dans cette affaire) qui ne cherchent que des résultats, financiers nécessairement, à court terme.

Ceux qui doutent que le travail, de toutes façons, soit un lieu où l‘on s’invente, sauf s’il s’agit d’un travail dit de création, ne s’en inquièteront guère.

Le travail se trouve dé-valorisé de tous les côtés, par ceux qui l’attaquent2 et par ceux qui ne le défendent pas.

Les conditions sont réunies pour le repli de chacun sur les difficultés de son propre travail, qui permettra de crier un peu plus aux méfaits de l’individualisme.

Prenons un exemple aussi flagrant que répandu. Une direction d’entreprise met en place, se substituant aux « classiques » lignes du travail à la chaîne composant un atelier, des « équipes autonomes de production » chargées des mêmes lignes mais auxquelles sont attribués des objectifs qui permettent de repérer leurs contributions respectives à la production. C’est à qui, parmi elles, supportera le mieux les objectifs de « performance », de « productivité », de « qualité ».

Derrière ces abstractions : c’est à qui produira le plus vite, à qui courra le plus vite pour réparer une panne, à qui veillera à laisser s’interrompre le moins possible la ligne au prix d’une course incessante.

On instaure des « challenges » entre les équipes, primes à l’appui, on compare en permanence les prouesses et les échecs. Vient le moment où c’est à qui cachera le plus les accidents (coupures « légères », mal au dos, hématomes) qui viennent plomber les résultats.

On les cache à la fois parce qu’ils peuvent entraîner une interruption de la ligne et, comble de cynisme, parce qu’ils portent atteinte à l’objectif « 0 accident », composante de la prime.

Résultat net : sur les lignes « classiques », le travail réalisé (tout ce que font les OS -devenus des opérateurs- pour que la ligne produise) était invisible. Dans les « équipes autonomes », il devient indésirable qu’il soit vu.

On enfonce la réalité du travail sous une double couche de méconnaissance.

Entre-temps, on a cassé sans état d’âme les collectifs de travail existants, supprimé des postes puisqu’une équipe « autonome » sera plus efficace, postulat qu’on oublie de démontrer (derrière ces postes il y avait du travail réalisé dans une équipe par des individus porteurs de savoirs et d’expérience), et on compense en prônant la polyvalence (la capacité de travailler sur plusieurs postes) sans en donner les moyens, au nom de l‘entraide nécessaire et toujours bienvenue3.

Or « l’entraide », notion morale, n’est pas la co-opération qui fait une équipe.

A elle seule cette confusion signale l’ignorance de ce qu’est le travail. Sur le terrain personne n’est dupe…longtemps.

Portée par un système de rémunération individualisée, des réductions d’« effectifs »4, des contrats précaires autant qu’il est possible et en parfaite illégalité (la précarité installée n’est pas légale), des « projets » et des organisations qui varient au rythme des lubies d’un management qui ne sait plus comment réduire les coûts pour répondre à l’insatiable demande de marges par les actionnaires, cette « entraide » n’a aucun sens sinon de conduire à la désignation de moutons noirs qui ne tiennent pas la cadence ou « travaillent mal ».

Mais si mise en lumière il y a, elle porte précisément sur ce qui est visible : il manque du monde sur les lignes, la pression est trop forte, la précarité s’étend. Mais les conséquences subjectives de ces dynamitages d’équipes ne font pas partie du bilan, sinon de façon très générale, en termes de « souffrance » justement…

Un cercle vicieux est pourtant engrangé qui intéresse d’autant plus le syndicalisme qu’il accentue sa mise à l’écart : on encourage les comportements de règlement de comptes voire de délation, le « pousse-toi de là que je m’y mette », et l’on conclura, à force de collectifs brisés et de travail méprisé, que les hommes ne savent vivre que sous la loi du plus fort.

On installe dans les têtes l’idée que l’être humain est voué à la violence, que la concurrence fait partie de sa nature, qu’il n’y a rien à attendre des autres.

Dans ces conditions, rien d’étonnant à ce que, peu à peu, dans ce monde de la « gouvernance » où il n’y aurait plus rien à repenser (seulement à (in)gérer), on « gère les rapports sociaux » en réprimant ce qu’on a « libéré » mais surtout déclenché : la guerre de tous contre tous.

Si cette affirmation que « l’homme est un loup pour l’homme », qui n’est certes pas neuve mais n’a pas le champ libre sur le terrain des idées5, s’installe comme la représentation dominante dans laquelle baignent et se reproduisent les rapports sociaux et elle pourrait le devenir dans les conditions actuelles, elle engendrera (ou accélérera…) sa propre réalisation.

Exit la relation aux autres.

Il deviendra impossible de barrer la route à la mise en place d’un système généralisé de surveillance, ne serait ce que pour contrôler les effets de l’exaspération montante dans cet univers où nous serons dressés les uns contre les autres.

On ne peut déjà plus parler au futur alors que l’annonce de la généralisation de la vidéo-surveillance ne fait pas de vagues, que l’expérimentation en Seine-Saint-Denis de la surveillance du territoire par des drones ne suscite qu’un communiqué indigné d’élus, qu’on voit partout s’ériger des clôtures pourse « protéger » les uns des autres.

Disons-le dans l’autre sens : cette demande d’ordre qui empoisonne les rapports sociaux prend une partie de sa force dans le quotidien des situations de travail. Comme une réponse et un remède au désordre qui les caractérise aujourd’hui6, où plus personne n’a le temps de penser son travail voire de le faire.

La première raison du repli sur soi c’est la tentative de garder la maîtrise sur ce qui paraît le plus à portée de main. Laissant s’installer ce repli faute d’en comprendre le mécanisme, on accentue dans le travail sa dimension de forteresse, évidemment illusoire, dans laquelle certains cherchent à se protéger de coups dont on ne voit plus qui les donne.

Ce mécanisme d’autodéfense assèche en retour le travail.

L’appel invraisemblablement rétrograde à rallonger le temps de travail que nous entendons aujourd’hui en est un signe, là encore : à l’heure où il faut élargir nos horizons, on nous demande non seulement de rétrécir le hors-travail mais de densifier encore ces heures que certains passent déjà à courir les yeux fermés. Le résultat ne sera pas une ruée sur les heures supplémentaires, car il règne une fatigue intense dans la plupart des milieux de travail, ce sera une accentuation des clivages entre ceux qui ont le choix (de ne pas s’épuiser plus) et ceux qui ne l’ont pas.

Pourtant, regarder le travail tel qu’il se fait conduit aussi à ne pas rendre le tableau plus sombre qu’il n’est : il existe encore des lieux de travail qui sont des lieux de véritable humanité, il en est qui se créent tous les jours avec l’ambition d’autres rapports humains, la tentative de faire vivre des projets de vie.

Lorsque des jeunes gens et filles se laissent prendre au piège de la création d’entreprises qui dans la plupart des cas ne passeront pas la première année, c’est souvent avec des désirs que le système piétine parce que seul lui importe l’argent qui circule.

La situation est encore ouverte, ne serait-ce que parce que le discours sur les bienfaits de la concurrence se heurte frontalement à la réalité inverse. La généralisation de la concurrence dans les entreprises a souvent lieu sur un mode paradoxal non parce qu’elle est inavouable, au contraire elle est revendiquée, mais parce qu’elle heurte ce qui se passe en pénombre dans le travail et fait, sans qu’on le sache, sa véritable efficacité.

Alors on coupe court à tout ce qui pourrait créer du lien entre les salariés et avec les clients mais on communique sur le développement durable ou sur la relation de confiance. La solidarité, le collectif, ont plus que de beaux restes et la façon dont maintes directions d’entreprise se sont engouffrées dans le “modèle rugbystique”, au diable l’originalité7, en est un indicateur.

Que nous soyons dans un système “nage ou coule”, variante “si ce n’est pas toi qui tire ton épingle du jeu, ce sera ton voisin”, ne fait plus débat, tout le monde le sait ou le sent.

Mais les réactions sont loin d’être enthousiastes.

Il y a certes ceux qui jouent en première ligne8, et “la société” –les gouvernants successifs- consacre maints efforts à y faire entrer la jeunesse par le système éducatif, il y a ceux qui acceptent9, il y a aussi ceux qui refusent. Il y a surtout la quantité de ceux qui n’osent pas refuser ou ne savent pas comment refuser.

Or sur le terrain du travail peut se renouer concrètement et beaucoup plus vite qu’on ne le pense un lien entre situation individuelle et situation collective.

Lien de compréhension : quel rapport entre les deux ? et lien d’action : que puis-je faire à mon niveau pour redonner du sens à ce qui n’en a plus ou empêcher qu’on vide de sens ce qui en contient encore ?

Mais cela suppose que le travail (les situations de travail) devienne un terrain d’action syndicale10.

2. Il y a deux décennies, avant que n’explosent le chômage et la précarité de masse dans un pays comme le nôtre (chômage et précarité qui soit dit en passant existaient ailleurs, la mondialisation c’est aussi celle des enjeux) la question du travail a pu se présenter comme celle du temps libre à conquérir contre la subordination au travail.

Nous en étions là grâce à la sécurité acquise, croyions-nous, dans la voie d’un progrès social qui réduisait au fil du 20ème siècle la place du travail dans la vie quotidienne et dans une vie d’homme (pas encore dans celle des femmes cependant, captives de toutes façons de la double voire triple journée).

Occupés par la question historique de la réduction de la peine, qu’on assimilait à la réduction continue du temps de travail, le mouvement syndical tout autant que la recherche en sciences sociales n’avaient pas cherché à comprendre ce qui se joue pour les personnes dans le travail.

Ce qui fait que, tout en le proclamant aliénant, fatiguant ou pénible, nous l’aimons, ce travail, par exemple comme le lieu où nous rencontrons les autres, où nous cherchons des solutions à des problèmes qui nous sortent de nousmêmes, où nous rions ensemble des chefs, de nous-mêmes et de la difficulté de vivre11.

Sur le plan de l’enquête sociologique, les premières charrettes de licenciements ont conduit à des entretiens avec les salariés en lutte ou au désespoir qui auraient pu attirer l’attention sur l’attachement de ces hommes et femmes à des métiers qui paraissent à d’autres si étouffants, si répétitifs, si déqualifiés.

De loin, on comprenait mal pourquoi des OS pouvaient pleurer la perte de leur emploi, si ce n’est parce que cet emploi représentait un salaire régulier même misérable.

On a souvent mal écouté ce qu’ils disaient du quotidien de l’entreprise et du travail, la dispersion des amitiés et parfois des inimitiés qui s’étaient forgées, la fierté aussi de produire, fût-ce un objet banal et inaperçu dans le quotidien des autres12. N’a-t-on pas un peu pensé, ici ou là, que la crise était nécessaire et finalement pas si néfaste parce qu’elle rompait un cordon ombilical ?

Le rouleau compresseur du discours sur la nécessaire modernisation, et les omelettes qu’on fait en cassant des oeufs, a pu se mettre en route13…

Comme nous ne savions pas ce qui se joue dans le travai, ce discours, dont on ne dira jamais assez quel mépris il véhicule, n’a rencontré que peu de résistance. C’est ainsi à la faveur de ce peu d’intérêt pour ce qui se passe dans les rapports entre humains au travail, y compris dans le rapport de soi à soi, qu’a pu être lancée la grande transformation, avant de devenir liquidation, des services publics. Au nom d’une “modernisation” dont jamais personne n’a défini le contenu, on a fait admettre qu’il ne se passait rien dans le travail d’un “fonctionnaire”, qu’il fallait donner un coup de pied dans la fourmilière. On n’a pas d’emblée cassé les statuts, on a opposé les jeunes aux anciens, les statutaires aux précaires, les “résistants au changement” aux “adaptables”.

On a obtenu ce qu’on cherchait : la division des salariés en catégories dont il valait mieux éviter le mélange.

On a souvent activement coupé la transmission entre générations, transmission essentielle pour le métier, vitale pour celui qui donne et pour celui qui accueille.

On s’est mis à faire valoir qu’un emploi stable est une idée du temps jadis, qu’il valait mieux voir chaque poste occupé comme un tremplin vers un autre, mieux considéré. Combien avons-nous rencontré de ces jeunes gens et jeunes filles sortant de grandes écoles qui occupent des emplois pour un ou deux ans, avec le mirage de sortir très vite de la production, de passer dans les bureaux du côté des managers qui surveillent les courbes et cherchent comment les infléchir ? Beaucoup n’ont pas eu le temps de remarquer que ce travail qu’ils faisaient provisoirement, comme un apéritif à leur carrière14, était occupé par d’autres, des “anciens”, comme un travail dont on apprend les subtilités au fil du temps, avec lequel on joue au bout de quelques années, qu’on cherche à réinventer pour s’y réinventer soi-même. On vous racontera comment parfois il faut, dans des situations de crise, rappeler des anciens parce qu’ils ont emporté dans leur retraite une maîtrise de l’outil ou de la machine dont on n’a plus idée.

Dans les années 90, on ne savait toujours pas ce qui se jouait dans le travail mais la “souffrance” a commencé à déborder15. Les directions d’entreprise répondent désormais par des dispositifs d’“écoute” qui ne posent pas la bonne question : ce n’est pas le salarié qui est malade c’est le travail qu’il faut soigner16.

La direction de Renault vient d’en donner l’exemple caricatural :

Trois suicides dont elle n’ose pas contester le caractère professionnel la poussent à organiser à grands renforts médiatiques une journée de déballage des problèmes internes (là encore sous l’égide des valeurs portées par le rugby).

Mais le patron de Renault a fixé les limites à l’écoute : aucun plan de production (prononcer “business plan”17) ne sera remis en cause18. Si le travail à Guyancourt n’était pas malade, les ingénieurs et techniciens auraient refusé depuis longtemps les horaires à rallonge que leur direction fait semblant de découvrir sur la base d’un rapport d’expert.

Il est temps de se demander comment faire du travail (sans le rabattre sur la “souffrance au travail”) un terrain d’action syndicale.

Un regard nouveau sur le travail est né dans les années 70, porté par le laboratoire d’ergonomie du CNAM qui a ré-inventé cette discipline (l’ergonomie) d’origine anglo saxonne, centrée sur l’adaptation de l’environnement de travail à l’homme

Avec Alain Wisner et ceux qui ont, autour de lui, appris à analyser le travail, à en faire une discipline aussi exigeante que toute enquête des sciences sociales, on a découvert qu’aucun travailleur, quelque soit son activité, ne se contente d’appliquer des procédures comme l’ont cru des générations d’organisateurs et de responsables de process.

Le philosophe Yves Schwartz, rencontrant cette pratique de la compréhension du travail, en a vu la portée universelle19.

Progressivement s’est installé en France un courant de recherches et de pratiques d’intervention sur le travail qui portent ce point de vue : le travail n’est pas unilatéralement le lieu où l’on se perd soi-même, où l‘on se livre à d’autres. Le travail c’est aussi ce lieu d’exercice, d’expérimentation de son pouvoir, ou pour mieux dire de sa puissance, sur “le monde”, celui qui nous entoure concrètement, fait d’objets à transformer et de rapports humains, mais qui nous met en relation avec le monde plus vaste que nous n’avons pas sous les yeux. Il ne s’agit pas de dire que cette caractéristique vaut pour tout travail mais qu’il n’y a pas de travail sans cette caractéristique.

Ce courant de recherche et d’intervention s’est diversifié, scindé, nourri à son tour d’approches issues d’autre disciplines.

Il a permis à des médecins du travail, des spécialistes de la santé au travail, des ergonomes, des psychologues, de regarder dans le travail autre chose que son apparence, de nouer le dialogue avec les “travaillants” sur un objet complexe. Il pénètre difficilement le monde des “ressources humaines” sans doute parce qu’il y a incompatibilité de logiques, ce qui en soi pourrait montrer la portée politique d’une approche de l’entreprise par le travail.

De nombreux ergonomes formés dans les années 70-80 sont d’anciens militants qui ont réinvesti leur connaissance de l’entreprise, ou leur intérêt pour le monde ouvrier, dans ce regard sur les situations concrètes de travail. Puis la question est devenue un objet professionnel.

Les pratiques se sont aussi diversifiées, parfois éloigné des questions et des valeurs-sources20.

Aujourd’hui les recherches et les pratiques d’intervention sur le travail font partie du paysage des sciences sociales mais les sciences sociales les connaissent peu. Elles n’ont pas intégré pour elles-mêmes les résultats de cette approche spécifique qui pourrait pourtant les aider à se comprendre plus finement parfois que ne le fait la sociologie des sciences.

Dans les formations de cadres ou de managers, dont il serait certes exagéré de dire qu’elles font la part belle aux sciences humaines, il n’existe aucune formation à l’analyse du travail, aucune part consacrée à la compréhension du travail réel, aucun soupçon même que cela existe. On fait toujours comme si le travail réalisé était celui qu’imaginent les concepteurs du travail.

Le chantier ne fait que s’ouvrir21.

Il a été ouvert parce que des scientifiques et des syndicalistes, isolés dans leurs milieux respectifs, se sont rencontrés.

En sommes-nous enfin à l’étape du rendez-vous à grande échelle, à la mesure des dévastations du travail qui sont en cours ?

II- L’heure du rendez-vous ?

Les recherches sur le travail sont restées sur un tracé parallèle au syndicalisme, mais au fil des années des militants syndicaux ont découvert ce que l’on peut faire en regardant enfin le travail tel qu’il est réalisé. Ils ont aussi pratiqué le regard croisé entre militantset chercheurs, celui, pas évident du tout, qui ne donne la leçon ni d’un côté ni de l’autre.

Pourtant la question ne touche pas encore le sommet de la pyramide du syndicalisme.

Et les militants “de terrain” ne trouvent guère de cadre où évoquer ce qui se passe dans le travail, lorsque leur pratique les incite à en parler.

Pourquoi ce dos à dos ? Les syndicalistes débordés, la violence des restructurations depuis 20 ans, les chercheurs qui se cherchent eux-mêmes, les praticiens de l’analyse du travail qui tâtonnent, les confrontations qui n’ont pas lieu quand il y a dérive du métier…

Chacun pris par son travail22…

Mais ces explications seraient des points épars sur une toile de fond qui mérite une plus grande lucidité.

1. Les regards politiques n’entrent quasiment pas dans l’entreprise, celle-ci étantconsidérée comme un espace privé23. Par “regard politique” j’entends le fait de voir en quoi le travail participe à la construction d’une société vivable pour tous. Les organisations syndicales interviennent dans le meilleur des cas sur ce qu’on appelle les “conditions de travail”, qu’on pourrait appeler plutôt les conditions du travail. Elles ont déjà un énorme chantier, qui relativise l’autosatisfaction des chantres de la modernité partout où ils le peuvent les patrons ont tendance à se demander s’il est vraiment utile de payer les salariés.

On comprend l’énergie absorbée, sans fin, par ce qui devrait ne plus poser question : des conditions du travail décentes.

Résultat supplémentaire (est-ce un hasard ?) sur le travail lui-même : ce que fait l’entreprise, ce qu’elle décide de produire, comment elle le produit, ce sont des questions qui échappent pour l’essentiel aux organisations syndicales et qu’elles n’ont revendiqué que dans de très rares cas.

Or, dans ce “pour quoi et comment l’entreprise produit”, se niche le tissage au quotidien des relations entre les hommes et donc l’apprentissage de rapports à la fois interpersonnels et sociaux. C’est à voir vivre, lors de nos analyses, ces rapports sociaux incarnés que je m’autorise cette affirmation : dans le travail se construit pour une bonne part le type de relation qu’on aura à un système qui dissout les rapports humains dans les eaux glacées du taux de profit. C’est là qu’on va, pour faire face aux tensions, s’orienter vers la maladie24, l’action, le repli sur soi, la solidarité, l’autoprotection (autant de formes de résistance si l’on y regarde bien…) non pas à partir de son idiosyncrasie25 mais en réponse réciproque (l’environnement me parle mais je lui parle aussi) à des configurations concrètes : les collègues, l’existence ou non d’un syndicat, l’attitude du management à tous les niveaux, le type de travail, l’histoire des solidarités dans l’atelier ou l‘établisssement… Dans ces configurations, la difficulté à dégager du temps pour penser son propre travail et pour parler aux autres est devenue un obstacle majeur simultanément pour le travail et pour l’exercice de la solidarité. A tel point que exiger du temps à l’intérieur du travail (du temps pour soi, du temps pour des réunions d’équipe, du temps de vagabondage de la pensée…) devient une revendication en tant que telle26.

Sachant tout cela, la frénésie actuelle à nous faire “travailler plus” prend d’autres couleurs. L’objectif n’est évidemment pas de faire “gagner plus” puisqu’il y aurait pour cela un moyen beaucoup plus simple et beaucoup plus “populaire”, sondage ou pas : augmenter les salaires. Ce qu’on nous présente c’est une société dans laquelle il paraisse normal de trimer, et non pas de travailler. C’est à dire une société dans laquelle on ne puisse revendiquer de vivre que si on le mérite. C’est cela, crûment, la méritocratie27.

Comment imposer cette idée si vous laissez aux gens le temps d’en mesurer l’absurdité, si vous faites preuve de faiblesse à l’égard de cette pensée redevenue iconoclaste que le travail n’est pas tout dans la vie, qu’il faut savoir s’en détacher, le mettre à distance ?

Car si l’on demande au travail de nous raccrocher au monde social (d’où le traumatisme du chômage), cette fonction ne vaut que si elle ne phagocyte pas le monde subjectif qui ne peut être entièrement dans le travail, qui ne s’y trouve que pour une part spécifique (quoique déterminante, je n’y reviens pas…).

On croit trop souvent que la solidarité ne s’apprend que dans les moments d’exception, moments de lutte, moments de résistance collective. Il y a du vrai dans cette idée parce que les moments de lutte sont des moments où l’on se parle, où l’on fait connaissance avec des êtres “élargis”, plus grands que ne les montre souvent le travail quotidien puisqu’on ne sait pas trop ce que chacun mobilise de lui-même au travail. Je dirais volontiers que la lutte est en fait un moment privilégié de travail, un travail différent.

Quiconque pense que faire la grève c’est se reposer n’a jamais eu la chance de participer à ces intenses périodes d’ébullition affective et intellectuelle où l’on (re)découvre les vertus et les complexités du débat et de l’organisation. Mais ce qui se passe dans ces moments dépend aussi de ce qui s’est construit au quotidien dans les rapports de travail.

2. Or du côté des militants, il n’est pas rare qu’on jette un regard dramatiquement simplificateur sur le travail. Nous avons une Histoire qui a fait du travail le lieu central

de l’exploitation (ce qu’il est sans doute) et l’a laissé paradoxalement entre les mains de ceux qui exploitent. Pour les plus acharnés à assumer cette histoire sans la réévaluer, le travail ne serait qu’un rapport social qui n’a nulle vocation à changer tant que les rapports de production sont ce qu’ils sont28.

Je voudrais éviter un faux débat car je ne conteste pas que le travail soit aussi un rapport social : C’est s’agripper au vide que de vouloir opposer l’idée que le travail est essentiellement aliénant à l’idée qu’il est essentiellement libérateur29. Pour chacun d’entre nous, il est potentiellement et simultanément les deux et les rapports sociaux n’y sont certes pas pour rien.

Il n’empêche que chacun d’entre nous est confronté à une question dont il ne peut se défausser : comment on parvient ou non, en général de façon tendue et contradictoire, à prendre la main sur son travail sans y perdre, voire en y gagnant, son humanité, le sentiment d’être lié aux autres, d’être partie prenante d’une aventure commune. “Prendre la main” c’est, pour chacun, cultiver (au sens fort, avec toute l’attention nécessaire) ses propres critères du travail bien fait, en le reliant à l’ensemble social, en refusant ce qui lui paraît le trahir.

Et par les temps qui courent c’est un très lourd travail, extrêmement compliqué et mobilisateur d’énergie, que de défendre son travail. Je dis bien son travail et non pas son emploi. Je dirais volontiers qu’on élimine d’autant plus facilement les emplois que ceux qui les occupent n’ont pas conscience de leur travail. De la place qu’ils occupent dans la chaîne humaine de production de la société. Réciproquement, avant de s’attaquer à l’emploi, l’employeur s’est souvent déjà attaqué au travail. En analyse du travail, combien avons-nous entendu de salariés dans le secteur de l’assurance et de la banque dire qu’ils ne veulent pas vendre n’importe quoi, combien d’ouvriers sur des lignes de production dire qu’ils n’ont plus le temps de faire “du beau boulot”, combien de commerciaux se plaindre de devoir remplacer la relation humaine par la manipulation30 ? Ce n’est pas une question de niveau de diplômes ni même d’“intérêt du travail”. On peut faire un travail des plus modestes sur la fameuse et fumeuse échelle sociale et se sentir utile aux autres, le sentiment le plus gratifiant qu‘on puisse ressentir au travail31. On peut être un homme important, un “VIP”, et être tellement enfermé dans son activité professionnelle qu’on y est comme dans la plus terrible des prisons32.

A ne pas voir que le remodelage des rapports sociaux se joue de façon structurante dans les situations concrètes de travail, on laisse ce terrain compliqué, miné, portant des enjeux psychologiques lourds, à la capacité individuelle de résistance. Disons-le : lorsqu’on est militant on peut avoir tendance à juger que celui qui ne s’en sort pas n’a qu’à se syndiquer. C’est évidemment trancher très vite une question qui n’est pas plus simple que les autres. Y aurait-il une seule façon de s’intéresser au sort de ses semblables ? Et réciproquement n’est-ce pas une façon (inconsciente ?) de justifier son propre désengagement du travail au profit d’un militantisme vécu comme plus émancipateur ?

Le travail n’est pas une finalité.

Le militantisme non plus.

III- “Ici le client n’est pas roi ou alors c’est le roi des cons”

La caissière (étudiante) qui m’expliquait que la direction de la grande surface dans laquelle elle travaille ne leur « met pas la pression » parce qu’elle comprend à quel point la clientèle de ce magasin est « difficile » donnait sans le savoir une clef du management actuel : parvenir à rendre étanches les intérêts des salariés et ceux de la clientèle33.

Pour tenir, les employé-e-s du magasin se réunissent dans l’exercice systématique de dénigrement des clients.

La direction du magasin y a tout intérêt.

J’avais déjà repéré cette tactique dans le monde bancaire, où les « back-office » sont des endroits où les clients si respectés en devanture n’ont plus de secret pour personne.

J’ai entendu cela aussi chez les contrôleurs de la SNCF, artificiellement unis contre ces éternels « ennemis de l’uniforme » et « resquilleurs dans l’âme » que seraient leurs concitoyens.

Attardons-nous sur cet exemple : Les contrôleurs vivent en première ligne le mauvais accueil des voyageurs à l’égard de règles de plus en plus contraignantes. A lire les documents de « communication » de la SNCF, on améliore le service.

Ces documents jouent sur la mémoire courte.

Il n’y a pas si longtemps il était effectivement facile et agréable de prendre un train, parfois sur un coup de tête.

Essayez aujourd’hui de prendre le train sans avoir calculé quel train vous prenez, le temps qu’il faudra pour avoir votre billet, le temps qu’il faudra pour arriver à la gare à l’heure…Vous vous rendrez vite compte que louper un train, ou simplement le prendre au vol34, coûte désormais très cher et que la SNCF peut rattraper sans difficulté les tarifs d’appel, très bas en effet, qu’elle pratique sur quelques lignes, à quelques moments, pour quelques publics.

Prendre le train est devenu une opération compliquée, sauf à s’habituer à prendre sur soi tout ce que la SNCF, service public, faisait autrefois naturellement pour vous faciliter la vie.

Certes si vous avez de l’argent, si vous êtes client professionnel, tous les services sont accessibles…en payant. Mais comment peut-on admettre sans rien dire que la SNCF différencie systématiquement les « clients loisirs »35 et les « clients professionnels » ?

Où est la mise en cause publique, concrète, par les syndicats de cheminots de cette évolution ? La critique existe à l’intérieur, elle ne franchit pas les murs dans une stratégie cohérente, de longue haleine, d’explications auprès de la population. Celle-ci a donc l’exaspération facile contre les cheminots.

En riposte, comme dans tous les services publics, les directions ont largement réussi à l’intérieur des entreprises à faire penser que les “clients” sont des emmerdeurs, de plus en plus exigeants au fur et à mesure qu’on améliore pourtant le service. Là aussi le cercle vicieux de l’incompréhension est enclenché.

Une analyse du travail dans ce secteur me rend affirmative : La direction de la SNCF compte sur la colère des voyageurs s’exprimant contre le seul interlocuteur qu’ils aient, le contrôleur, pour enfoncer le clou “vous voyez que les clients sont impossibles, que la société est de plus en plus violente”. Elle se sert de la détérioration du climat pour (tenter de) resserrer les rangs, ce qui lui évite de s’interroger à la fois sur la « popularité » de sa politique et sur l’organisation qu’elle devrait mettre en place pour que les contrôleurs n’en subissent pas les contrecoups.

Dans beaucoup de cas les salariés sont tombés dans le panneau de cette opposition à la clientèle. Mais qui le reprochera aux cheminots, alors que dans bien des métiers on connaît ce même discours qui fait porter aux autres la responsabilité des difficultés36 ?

Qu’on regarde la multitude de « formations » à la gestion des conflits. Rarement formation aura été plus clairement du formatage : les conflits sont inévitables, il faut apprendre à les éviter si possible mais surtout à les supporter. Quant à l’analyse de leur origine, laissons cela à la philosophie qui comme chacun sait n’a rien à voir avec l’entreprise.

Pendant qu’on trouve à accuser les clients pour se protéger d’une pression que l’organisation ne vous aide ni à comprendre ni à supporter, l’expérience qui se répand c’est la façon dont on nous enjoint d’accepter des critères du travail qui dénaturent le travail, les organisations devenant des machines à forcer la non-qualité38. Le principal effet de ces politiques est de conduire, après l’implication contrainte qu’avait repérée le sociologue Jean-Pierre Durand39, à la dés-implication paradoxale. On fait semblant de s’impliquer pour éviter de le faire « en vrai ». Tout le monde alors de se mettre à jouer un rôle pour se protéger, accélérant la perte de sens pour soi et pour les autres. De nouveau, avec de bonnes intentions, on peut juger cela positif puisque nous en avons fini avec l’entreprise reine des années 80.

Sauf que : on ne produit pas de la société sans travail tant sur le plan subjectif que social. Le remède (la désaffection de l’entreprise et du travail) risque d’être pire que le mal.

IV- Il faut reprendre le problème en son coeur : transformer le travail d’aujourd’hui pour qu’on y (re)trouve le sens du bien commun

Un étudiant qui participe à la mobilisation contre la loi de liquidation des universités et soutient la lutte des cheminots, me demandait : “les contrôleurs, ils sont aussi cheminots ?”.

A ma réponse positive, il soupire “dire qu’on se bat aussi pour eux …”

J’ai éprouvé d’abord un vague étonnement devant la question. Et pourtant… La SNCF est désormais constituée d’entités différentes, de métiers séparés, d’activités

tronçonnées, et la solidarité entre les uns et les autres n’est pas toujours si évidente. La grande entreprise “SNCF” a du sens pour les gens de certaines générations, elle en a de moins en moins pour des jeunes qui connaissent les tarifs à la carte, la différence de traitement des voyageurs entre un Id-TGV et un train de banlieue, le visage symboliquement antipathique des barrages de contrôleurs qui s’additionnent au Châtelet, plaque tournante parisienne, à la police de la RATP et à l’armée.

Comment la remise en question du régime de retraite des cheminots pourrait-elle avoir, dans ces conditions, un rapport évident avec la réalité que vivent les usagers tous les jours dans les transports en commun ?

Nul besoin de grève pour que ce soit la galère, on aimerait que les journalistes s’en rendent compte.

Mais pourquoi les cheminots sont-ils si peu diserts sur ce lien entre les reculs sociaux qu’on veut leur imposer et l’évolution de la SNCF vers la privatisation ?

Certes il y a le rôle des médias. Mais l’explication est trop courte.

Si l’argument ne vient pas plus fortement dans une période de grève qui est une période d’intenses discussions (ne servirait-elle qu’à cela que ce serait déjà une victoire) c’est qu’il n‘est pas “naturel”.

C’est que dans toute cette fièvre qui a précédé le déclenchement d’un mouvement puissant, pendant toutes ces années où les cheminots (les contrôleurs en particulier) ont senti monter la stigmatisation, ils n’ont pas intégré cette question dans leurs débats.

Pour la majorité d’entre eux comme pour les “usagers”40 il y a bien deux questions sinon différentes en tout cas séparées dans l’argumentation : leur statut, qui correspond à un acquis historique, et la privatisation en perspective dont beaucoup pensent, ils ne sont pas les seuls, qu’ils ne peuvent plus l’empêcher.

En fait la question de la non-qualité est en filigrane de tous les conflits. La non-qualité c’est l’équivalent de la perte de sens, voire de la perte de contenu. Elle est le point de rencontre entre conditions de travail (dont fait partie le statut quelqu’il soit) et objectifs de l’entreprise.

C’est parce qu’elles veulent des profits le plus vite possible, pour les actionnaires ou pour rendre l’entreprise plus solvable, que les entreprises ne peuvent pas s’intéresser aux effets de leur politique sur le contenu du travail.

Il y a donc accélération de la déréalisation. Il ne faut surtout pas connaître le réel.

On voit le retournement ironique (ou cynique ?) que contient cette idée qu’il faut être “réaliste” en acceptant la “modernisation”.

L’ignorance du réel est du côté du monde de l’entreprise41.

Seuls les salariés peuvent porter le discours de la “vraie” réalité.

Et ils se feront comprendre du plus grand nombre s’ils l’expliquent par le biais de la qualité (du contenu) qu’ils demandent à leur travail42.

Or cette question de la non qualité n’est portée que de façon timide et surtout avec une économie d’explications qui repose sur un curieux implicite : que tout le monde sait ce que suppose le travail de telle ou telle catégorie (en lutte), les enseignants, les conseillers de l’ANPE, les hôtesses de l’air et stewards, les conducteurs de RER, les pêcheurs, les magistrats…

IV- Notre force est peut-être dans ce qui fait, pour l’instant, notre faiblesse.

Dans sa lettre de mission à la Ministre de l’Enseignement supérieur, Nicolas Sarkozy prétent planter le décor : “A l’heure où s’engage une bataille mondiale de l’intelligence…”.

Patatras.

Le président de la République française croit que “l’intelligence” est un objet à conquérir sur l’adversaire !

Où l’on voit qu’il y a d’abord, dans cette apparente victoire du discours de la concurrence naturelle, légitime et nécessaire à la vie, une ignorance abyssale qui est une ignorance collective.

Nous avons les moyens de montrer, au contraire, que l’être humain ne grandit que dans la confiance, et tout d’abord n’existe que par les autres.

Nous n’apprenons à parler et à penser que par les autres44, dont nous faisons nous-mêmes partie, car nos propres discours, comportements, engagements, nous reviennent par l’intermédiaire de ce que les autres en ont fait. Maurice Godelier le dit sur tous les tons : “Les hommes ne se contentent pas de vivre en société, ils produisent de la société pour vivre”

On ne produit pas de la société par la guerre permanente de tous contre tous. Mais nous qui nous proclamons savants, et singulièrement beaucoup plus savants que les autres (cf. le discours obscurantiste de N. Sarkozy à Dakar46), nous ne savons pas encore comment nous pensons, comment nous apprenons, nous n’avons à ce sujet que des hypothèses, des pistes multiples en cours d’exploration, la psychanalyse étant venue perturber l’impression que nous avancions sur une route triomphale. Quel plus beau projet collectif que de poursuivre la compréhension de qui nous sommes, tous autant que nous sommes, en puisant dans l’histoire et dans les oeuvres de tous les peuples ?

Dira-t-on, en réplique, que “croire” à la coopération est faire preuve d’un irénisme et d’une naïveté que n’autorise plus le monde d’aujourd’hui ? Mais qui a dit que la coopération est un long fleuve tranquille ? C’est bien parce que co-opérer est un enjeu, une construction, c’est bien parce que nous avons à nous confronter, à nous disputer, à nous dépasser, que le travail devient productif. C’est bien parce qu’il est difficile que l’enjeu ne doit pas être confondu avec la guerre de tous contre tous. Et c’est parce qu’il est fragile qu’il devrait être l’objet central de l‘éducation. Mais on ne veut pas nous convaincre que la coopération est difficile, on veut nous faire douter qu’elle soit réalisable. La Palisse nous dit que le meilleur moyen de ne pas atteindre un objectif c’est d’y renoncer d’emblée.

Dans un article récent, Hervé Kempf, l’un de ces journalistes qui voit son métier du côté de la vigie et non du perroquet, évoque un récent rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). Ce rapport « GEO 4″ publié jeudi 25 octobre, indique que la privatisation généralisée des ressources et des services serait le plus mauvais scénario du point de vue de l’environnement. Kempf (ou le journal) en a fait le titre de l’article. Le rapport évoque en fait quatre scénarios, mêlant plus ou moins privé et public. On lit : “Les scénarios les moins mauvais en termes d’environnement ne sont cependant pas exempts de défauts : le deuxième, qui privilégie une intervention politique forte, peut générer de la bureaucratie, le quatrième, qui met l’accent sur la durabilité, exige de consacrer beaucoup de temps à la coopération entre acteurs. Et ils ne garantissent pas un avenir sans souci : dans tous les cas, « le changement climatique et la perte de biodiversité resteront des défis significatifs ». “

On a bien lu : le rapport remarque que le scenario le plus favorable puisque le plus compatible avec la durabilité, c’est celui qui exige de la coopération. Et oui : une société cela se construit, autrement dit la société demande du travail : elle ne demande pas de l’agitation, du stakhanovisme, de la productivité à tous crins, elle demande de l’intelligence en travail. Notre boulot d’humains c’est de créer et de renouveler les liens qui nous unissent et pour cela il faut du temps. Le temps c’est le point faible des humains lorsqu’ils sont isolés, c’est leur point fort lorsqu’ils sont ensemble.

V- Travailler c’est coopérer et cela s’apprend. Notre tâche humaine est là.

Pourquoi travaillons-nous ? Pourquoi “je” travaille ? Qu’est-ce que je mets dans mon travail qui me relie aux autres ? En quoi suis-je en train de participer à la construction d’une société ? Ce sont ces questions qui sont dans trop de cas complètement évacuées du travail. Moins par ceux qui font le travail que par ceux qui sont censés le penser mais s’acharnent à éliminer tout horizon50. Ce sont ces questions qu’on veut nous faire évacuer définitivement en marchandisant toutes les activités, en prétendant que tout a un prix que chacun d’entre nous doit acquitter pour bénéficier de la production commune.

L’habileté des promoteurs de la concurrence n’est pas tant dans le fait d’affirmer ce modèle de l’homme concurrent qui doit se rendre capable d’acheter même ce qui lui appartient déjà, leur habileté (pas sytématique d’ailleurs, il y a beaucoup de ballots) est de le faire au nom de l‘intelligence, de l’avenir, de la solidarité, de l’équité. Ils manipulent les mots mais où sont les idées, où sont les pensées ?51

Elles sont du côté du travail justement, du côté du temps long, du côté de la solide fragilité de toute construction humaine. Le plus gros risque que nous font courir les fanatiques du court terme, c’est l’étouffement par le sentiment d’urgence. Ils nous empêchent de travailler. Sans jeu de mots, la principale pénibilité du travail à l‘heure actuelle est là : dans tous les obstacles mis à un travail qu’on ait le temps de faire, un travail qui nous laisse le loisir de penser, selon la belle formule de Yves Clot.

Il n’y a pas de travail sans investissement de soi-même pour le maîtriser, en devenir maître au sens compagnonnique du terme. Est-ce trop dire quand on applique cette affirmation à un travail à la chaîne ou à celui d’un balayeur de gare ? Nul n’a le droit d’en juger à l’emporte-pièce, c’est ce que disent, entre autres, les recherches sur le travail.

Le travail ne se passe jamais entre soi et soi, même face à une machine.

La coopération entre deux ouvrières d’une chaîne de production porte la trace, invisible pour qui ne s’y intéresse pas, de la façon dont elles exercent leur solidarité.

Accélérer encore la machine c’est briser ce qui s’est construit. Mais si certains se croient autorisés à accélérer le rythme n‘est-ce pas parce que se conjuguent la soif d’argent de ceux qui attendent, les pieds au chaud, d’empocher les profits nés du travail, et l’ignorance de ceux qui ne veulent pas savoir ce que coûte le travail aux hommes et femmes qui l’exercent ? Et si ceux-là étaient mis dans l’impossibilité de rester ignorants, à force d’entendre parler des réalités du travail ?

Lors d’une analyse de son activité, un conducteur de poids lourd m’a transmis,venant des Antilles, cette parole : “c’est une main qui lave l’autre et deux mains qui lavent un visage”.

NOTES

1 Maurice Godelier, Au fondement des sociétés humaines, ce que nous apprend l’anthropologie. Albin Michel, Bibliothèques Idées, 2007, p.189.

2 Dans l’expression “valeur travail” ce qui mérite d’être disputé c’est la notion de valeur.C. Castejon – nov. 07 1

3 Dans “Ils ne mourraient pas tous mais tous étaient frappés”, film de Sophie Bruneau et Marc-Antoine Roudil (2006), une description particulièrement précise par une opératrice de chaîne de production deseffets de la réduction des équipes sur le travail de ceux qui restent.

4 Cf le livre de François Emmanuel La question humaine, et le film de Nicolas Klotz (2007). “Unités”, “effectifs”, tout un vocabulaire des-humanisant.

5 Où l’on remonte au moins à Hobbes, aux débats entre les premiers penseurs du libéralisme, disputant de la “nature humaine” à la fois pour comprendre leur société, celle de la marchandisation naissante, et fonder une alternative à la loi divine. C. Castejon – nov. 07 2

6 Je ne prétends pas que la demande d’ordre vient du travail, ce serait faire fi des débats de la psychanalyse, mais seulement que le sentiment très répandu aujourd’hui que tout vous échappe, que plus rien n’est compréhensible, même dans le travail vient en appui de la demande d’ordre. C’est sur ce registre qu’ont joué les medias, sans le savoir, pour enfoncer tous les jours le clou de la prétendue impopularité de la grève des cheminots. Dans le quotidien de nos situations, perpétuelle course contre la montre, il n’y a pas de place pour des soucis supplémentaires. Pas de place pour le désordre, pour la surprise. “Cessez de rêver” dit-on explicitement aux étudiants qui se mobilisent pour conserver à l’université sa fonction critique. A quoi l’on voit que l’enjeu c’est désormais, ou plus que jamais, de savoir ce qu’est un être humain.C. Castejon – nov. 07 3

7 “L’esprit moutonnier des patrons” par Annie Kahn, Le Monde du 15 novembre 2007. L’auteure de

l’article évoque un livre venu des USA qui met en cause la façon dont les modes (aux deux sens du

terme) de management se répandent. Il faut que cela vienne des USA pour que Le Monde s’en avise.

8 Tel le spot commercial du Medef “l’entreprise c’est la vie”. Pour quiconque connaît l’entreprise

aujourd’hui, ce slogan sybillin s’entend “certes l’entreprise c’est la concurrence mais la concurrence c’est la vie”. Il y a omniprésence, voire omnipotence de la concurrence dans le discours patronal, tantôt source de mort, tantôt source de vie. Dans les entreprises, toutes les “réorganisations” se fait au nom de la concurrence impitoyable et pourtant vive la concurrence qui nous oblige à nous réveiller en réorganisant.

On l’accuse et on l’excuse.

9 Cf les pages d’Alain Badiou sur le “transcendantal pétainiste”. Alain Badiou, De quoi Sarkozy est-il le

nom ? Circonstances 4, Nouvelles éditions Lignes, 2007, notamment p.102-115.

10 Et politique. Mais je crois le chemin à parcourir encore plus long et que, précisément, le syndicalisme peut ouvrir la voie. Cela trahit seulement un point de vue (le mien) sur le syndicalisme.

11 Pour une approche scientifique et sensible de la question : Yves Clot, La fonction psychologique du

travail, PUF revue Le travail humain, 2006 (réed°) C. Castejon – nov. 07 4

12 Quand on fait de l’analyse du travail, on se rend bien compte qu’on a changé de regard sur les situations après chaque analyse. Ayant participé à la production d’une connaissance sur elles, on ne le voit plus “banalement”. On appelle ça couramment la “déformation professionnelle” que tout le monde connaît dans son propre métier. C’est un regard biaisé mais c’est un regard qui a une richesse propre, qui contribue à la construction d’un point de vue sur les choses et donc sur le monde. Le travail, quelque soit la production, objets matériels ou immatériels, c’est [aussi] cette emprise, cet ancrage sur un morceau du réel.

13 Les années 80, années noires de la “modernisation” joyeuse, ont été accompagnées par la “théorie” de la disparition de la “valeur travail” notamment portée par le livre de D. Meda Le travail, une valeur en voie de disparition, Flammarion, Champs, 1998.

14 Leur sérieux n’est pas en cause, soyons clairs. C’est dans ce type de situations, en comparant ce que représente un même poste de travail pour deux personnes aux histoires différentes, que l’on peut peut-être le mieux comprendre à quel point le travail n’est pas réalisé par des “effectifs” mais par des êtres uniques de chair, de sang et de pensée. C. Castejon – nov. 07 5

15 De nouveau une récupération de ce qui débordait s’est effectuée autour de la thématique du

harcèlement moral qui a contribué à psychologiser des situations très souvent dues à la pression mise par les directions sur l’encadrement intermédiaire.

16 Cf l’article deYves Clot “Soigner le travail, pas les personnes”, dans le dossier “Changer le travail, changer la vie” de Nouveaux regards n°37-38, 2007.

17 L’invasion des entreprises par le “globish” comme l’appellent eux-mêmes certains cadres de grandes boites n’est pas le moindre des problèmes. Dans certains endroits la langue imposée aux salariés devient proprement incompréhensible, faite de termes anglais qui émaillent le discours d’autant d’expressions qui n’en disent pas plus mais empêchent toute pensée personnelle. Le “top” c’est lorsque ces termes anglais sont de toute façon transmis en sigles dont personne ne retrouve plus la signification. Cela donne des situations franchement cocasses.

18 Renault Guyancourt illustre l’impasse du « management paradoxal » évoqué plus haut : on conçoit et fabrique des voitures en organisations de projets, c’est-à-dire que des équipes sont mises en place avec un objectif qu’elles doivent atteindre à tout prix, à tout prix sur le plan subjectif car les contraintes de coût, elles, sont féroces. On veut des collectifs et des projets mais on ne veut pas en payer le prix : le temps nécessaire à la construction d’une équipe.

19 Yves Schwartz, Expérience et connaissance du travail, Editions sociales, 1988. C. Castejon – nov. 07

20 Il y a beaucoup à dire des institutions, à laquelle participent les organisations syndicales, censées intervenir sur le champ du travail. Ce ne sera pas ici.

21 Je renvoie en particulier à l’ouverture par Yves Schwartz d’un vaste champ de compréhension du

travail (avec l‘objectif de le transformer) sous le nom d’ergologie. Le paradigme ergologique ou un métier de philosophe, Octarès 2000. Egalement : Travail et ergologie, entretiens sur l’activité humaine, Octarès, 2003. Pour une présentation, le dossier de Nouveaux regards, cité supra. Voir aussi le site de l’association “Observatoire et Rencontres du travail”.

22 L’hypothèse du “travail syndical”, c’est à dire d’une activité qui peut être analysée au même titre que les autres est en voie d’exploration. C. Castejon – nov. 07 7

23 D’où l’erreur de la référence au philosophe allemand Habermas, très prisé dans les sciences sociales, qui conforte cette vision en externalisant tout débat sur “l’espace public”.

24 Je le cite en premier lieu à cause de l’exponentielle progression des troubles musculo-squelettiques.

25 De son tempérament, plus simplement. Mais c’est le terme qu’on trouve dans de savantes (et très discutables) explications sur les sources du stress.

26 Du temps de vagabongade, cela peut paraître une clause de style, voire une farce, mais la fameuse créativité, expression de soi, etc. à laquelle appelle le management “moderne” montre bien qu’il a conscience de quelque chose de cet ordre. Mais comme toujours, il réserve la créativité (de commande) à quelques uns. A quoi l’on voit que nous ne sommes jamais sortis du taylorisme, coupure entre ceux qui pensent et ceux qui font. Et que réciproquement le temps de penser pour tous est une revendication concrète. C. Castejon – nov. 07

27 La dernière réforme en date des universités (LRU) est, de ce point de vue, transparente comme l’était déjà la réforme Fillon contre laquelle ont lutté les lycéens en 2005 sans beaucoup d’appuis. On méritera d’avoir un travail si on accepte l’orientation que vous trouvera l’université, forcément en fonction de ce que des entreprises considèreront comme utile. Le seul vrai “besoin” d’une entreprise, dans la logique actuelle, c’est d’avoir des salariés qui ne discutent pas de la définition des besoins. Pour une autre logique, Daniel Bachet Les fondements de l’entreprise, Editions de l’Atelier, 2007.

28 On reconnaîtra ce qui, longtemps, fut dit sur le combat des femmes.

29 C’est une opposition que défendent certains auteurs en refusant explicitement et activement l’idée d’une portée anthropologique du travail. Cf dans ce sens Antoine Artous Travail et émancipation sociale, Marx et le travail, Syllepse, 2003. Mais par exemple, cet auteur ne prend pas réellement en compte l’hypothèse qu’il critique. Ses quelques allusions à Yves Schwartz montrent qu’il ne l’a pas vraiment lu. Il y a là une tradition d’une certaine lecture de Marx. Je reconnais cela dit le caractère stimulant de ce déni. La question du travail est complexe, ouverte je l’ai dit, et le meilleur service à lui rendre est de ne pas prétendre la simplifier. Pour une perspective différente sur Marx qui me paraît beaucoup plus riche concernant le travail alors que l’auteur n’en parle pas directement. Franck Fischbach La production des hommes, Marx avec Spinoza, Actuel Marx contemporain, 2005. C. Castejon – nov. 07 9

30 Le film de Pierre Carles “Attention danger travail” (2003) a rencontré de ces personnes et on y entend bien le dégout de soi-même et de la société que peut engendrer ce sentiment de participer à une vaste arnaque.

31 Dans ce sens, j’ai eu l’occasion de dire à quel point le métier d’aide à domicile, aujourd’hui “auxiliaire de vie”, est scandaleusement in-considéré, surtout “comparé” à un DRH dont le travail peut consister à licencier des centaines de personnes.

32 J’ai une pensée pour ces chercheurs et enseignants de l’enseignement supérieur censés faire l’un des plus beaux métiers et qui ont mis leur science (ou supposée telle) au service de la rentabilité à court terme. Cf par exemple le dossier édifiant : “L’OPA de Danone sur votre santé”. Supplément Economie au quotidien Le Parisien du 19 novembre 2007.

33 Notre caissière finissait par constater dans la discussion que la pression existe bel et bien même si elle, comme étudiante, elle y est moins sensible. Ces régiments d’étudiants qui n’investissent pas vraiment leur travail parce qu’il n’est qu’un accessoire dans une vie qui reste légitimement centrée sur les études, c’est aussi une aubaine pour empêcher la solidarité entre les salariés…Il est devenu normal, de nos jours, qu’un étudiant (du moins à l’université sinon en grande école) soit salarié pour payer ses études. C’est déjà dire à la face de la société qu’être étudiant (indépendamment de la filière, même si certaines sont visées explicitement) est un luxe qu’il faut mériter, quand bien sûr on n’a pas les moyens “naturels” (entendez le patrimoine familial) d’y accéder. Mais si l’argument commence à s’afficher c’est parce que toute réforme de l’école, quelque soit le niveau concerné, rencontre l’angoisse fondamentale des parents : que leurs enfants ne trouvent pas de travail. Le discours sur l’université (qui doit être) professionnalisante s’enfonce dans du beurre ramolli : cela coûte cher de conduire un enfant jusqu’à l’enseignement supérieur, il paraît donc inimaginable que l’université n’ait pas pour fonction primordiale d’assurer un emploi. On scie tranquillement la branche…

34 Un cadre de la SNCF avançait l’idée dans une réunion qu’il n’y a pas de raison qu’on puisse prendre le train plus facilement que l’avion. Ah bon ?

35 La première fois que je me suis vue appliquer ce tarif “loisir” (que j’ai découvert d’ailleurs en épluchant mon billet) c’était pour me rendre à un enterrement. Il y a de ces hasards qui vous font mieux remarquer l’absurdité de certaines politiques. C. Castejon – nov. 07 11

43 “Nous” désigne l’humanité, en tant que totalité abstraite mais active qui cherche à se comprendre.

44 Je suggère en particulier la lecture de Gérard Pommier, Comment les neurosciences confirment la psychanalyse, Flammarion, 2004.

45 Maurice Godelier Lidéel et la matériel Le livre de poche, 1992. L’affirmation revient plusieurs fois dans son dernier livre, Au fondement des societés humaines, op. cit.

46 Qui montre entre autres à quel point le “nous” n’évoquerait pas pour lui l’humanité mais seulement le petit monde occidental.

47 La question qui nous tient sans doute le plus, toutes disciplines additionnées, c’est celle du rapport entre l’individuel et le collectif, ce qui est logique puisque c’est la question de la société par excellence.

Comme d’autres, je tente de construire un point de vue à ce sujet qui n’a pas sa place (développée) ici. Le livre déjà cité deux fois de Maurice Godelier est des plus intéressants sur cette question puisqu’il revient sur des idées reçues auxquelles mêmes l’anthropologie a apporté un temps sa caution. Incontestablement un débat fait rage au sein des disciplines et entre les disciplines qui permet à l’ignorance des politiques, activement soutenus par les medias, de se déployer. Il faut signaler aux tenants de la concurrence que la “bataille de l’intelligence” c’est d’abord une bataille contre soi-même, contre sa propre tendance à la platitude, son propre penchant à s’en tenir à l’opinion quand il faut la ténacité de construire un point de vue.

48 “Selon les Nations unies, la privatisation des marchés serait le pire scénario pour l’écologie” Le Monde du 27 octobre 2007 C. Castejon – nov. 07 14

49 Les italiques sont de l’auteur de l’article qui signale ainsi un extrait du rapport.

50 Un directeur régional de caisse d’assurance me l’a dit récemment : les “valeurs” n’ont rien à voir avec le travail. Cette histoire d’horizon c’est de la philosophie. Ce qui est vrai, au demeurant. Il se trouve que cette entreprise possède un logo qui a du sens, qui raconte presque une histoire. Il a beaucoup plus de sens pour les salariés du groupe que pour certains encadrants, dirait-on.

51 La ministre des finances nous a certes dit qu’on avait assez réfléchi comme ça, qu’il fallait se retrousser les manches. Quand je vous dis qu’il y a des ballots… C. Castejon – nov. 07 15

Christine Castejon


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