Au Sénégal, le pouvoir choisit le durcissement

vendredi 2 juin 2023.
 

La police sénégalaise a une nouvelle fois interpellé hier le principal opposant, Ousmane Sonko. Elle a brutalement interrompu la marche pacifique nommée « caravane de la liberté », suivie par des foules immenses, organisée par Sonko.

Cette marche était une réponse au réquisitoire de 10 ans d’emprisonnement (verdict attendu le 1er juin) annoncé par le procureur la semaine dernière, dans le cadre d’un très controversé procès pour « viol » qui a toutes les apparences du Lawfare. Comble du cynisme, les autorités ont justifié l’interruption de cette marche par la mort d’un jeune manifestant… vraisemblablement tué par la police.

Mais en interrompant la marche via laquelle l’opposition voulait revenir pacifiquement dans la capitale, le pouvoir sénégalais aggrave une tension déjà extrême.

Le pays est dans l’incertitude à l’approche du verdict. En 2021, la dernière arrestation de Sonko avait provoqué des émeutes dans lesquelles 18 personnes avait trouvé la mort. Que se passera-t-il après le 1er juin, a fortiori si le réquisitoire est suivi ?

En tant qu’amis du Sénégal, nous sommes inquiets de cette dérive. Il devient de plus en plus évident que le président Macky Sall, qui brigue un 3e mandat en dépit de l’interdiction par la constitution de faire plus de deux mandats, refusera de laisser son principal opposant se présenter à l’élection de 2024. Cette même opposition sénégalaise nous parle. Sachons l’entendre. Elle ne nous demande pas de choisir entre deux programmes politiques, c’est l’affaire du peuple sénégalais souverain. Elle nous demande de témoigner de notre solidarité, au nom de l’amitié entre les peuples français et sénégalais, qui ne saurait être altérée par les liens entre les oligarchies respectives.

C’est dans cette esprit que, depuis le début de cette escalade, Jean-Luc Mélenchon s’est entretenu à distance avec Ousmane Sonko et a plusieurs fois exprimé ses vœux d’apaisement, afin que soit préservés les acquis de ce pays phare de la démocratie en Afrique de l’Ouest. Il est urgent que le gouvernement français, silencieux, laisse clairement comprendre qu’elle ne soutiendra pas jusqu’au bout la dérive autoritaire de Macky Sall, qui risque de précipiter le pays dans une crise aux effets incommensurables.

Garder ce silence serait une erreur d’autant plus grave que la présence française dans la région est contestée. Notre pays y est rendu coupable de tous les maux. Ce n’est pourtant pas la France qui est critiquée pour elle-même, mais une certaine politique marquée notamment par le soutien à des gouvernements en pleine dérive autoritaire. Cette politique va à rebours de l’histoire. Les larges composantes du peuple sénégalais qui soutiennent Sonko, notamment la jeunesse, représentent l’avenir de la relation entre la France et le Sénégal.

LA RÉDACTION


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