Thèses de Nantes proposées par Gérard Filoche lors de l’Université d’été de la Gauche Socialiste fin août 2002

vendredi 15 juillet 2005.
 

Ces thèses ont été formellement votées à l’unanimité par le millier de militants de la Gauche Socialiste présents à Nantes fin août 2002. Cependant, le contexte de tension lié au processus de scission en cours n’a pas permis le débat politique que ces thèses méritaient.

Première partie : Tirer le bilan du 21 avril

Tirer sérieusement le bilan de la défaite de la gauche plurielle et du PS en avril-juin 2002 pour faire à une droite de combat qui a tous les pouvoirs

1.1 La catastrophe du 21 avril

1.1.1 Rien, dans le temps qui passe, ne doit minimiser... dans les analyses de la gauche française, l’importance de la défaite historique qu’elle a connu le 21 avril 2002.

Il ne faut pas cacher, ne pas diminuer, ne pas oublier, mais expliquer à fond, comprendre, prévenir tout recommencement. Aller aux racines.

Il a fallu pour que la gauche plonge ainsi dans la déroute, que se creuse une terrible incompréhension entre ses partis, ses dirigeants et la majorité écrasante de sa base sociale naturelle.

1.1.2 L’erreur fatale serait, de la part des socialistes, d’attribuer "la faute aux autres" : en vrac, aux "abstentionnistes", à "ceux qui ont dispersé leurs voix", à la "diversité de la gauche", aux "gauchistes qui divisent", à tous ceux qui n’ont pas compris, ne se sont pas rendu compte, n’ont pas vu le danger, etc. Et puis de faire comme si de rien n’était, continuer comme avant.

Car il faut bien rendre compte du problème clef : de la coupure entre la direction principale de la gauche, socialiste, et sa base populaire.

1.1.3 Ce n’est pourtant pas faute de signes avertisseurs : lors des élections municipales déjà, nombreux avaient été les observateurs, dans la gauche plurielle et dans le Parti socialiste à tirer le signal d’alarme dés le 14 mars 2001 lorsque l’abstention avait été forte aux élections municipales et lorsque la gauche, trop souvent divisée, avait, de façon surprenante aux yeux de beaucoup, perdu de nombreuses villes.

Nous avions insisté avec force sur la nécessaire fusion entre le Parti socialiste et le mouvement social radical, entre la gauche institutionnelle et la gauche militante, "motivée".

1.1.4 Lors de nombreux autres scrutins européens, la social-démocratie s’est vue, ces dernières années, sanctionner, l’Europe rose laissant la place à une vague bleue... Alors que la gauche était au pouvoir dans 13 pays sur 15, au sein de l’Union européenne, en 1997, peu à peu, cette situation s’est inversée.

Au lieu de répondre aux attentes des peuples et d’engager le chantier de l’Europe sociale, les différentes directions des partis sociaux-démocrates, ont subi l’Europe libérale, monétaire, marchande, aboutissant à redonner les pouvoirs aux technocrates, aux multinationales toutes puissantes, et aux partis de droite soucieux de déréglementer les services publics, de rogner les interventions économiques des états et des citoyens.

Ainsi, on a assisté à un renversement, non pas fondamental, mais dangereux ou différentes extrêmes droites, nationalistes, réactionnaires, xénophobes, progressaient tandis que les partisans de la redistribution des richesses, de la lutte contre les inégalités, les adversaires de la dictature de la finance et des actionnaires, reculaient. Non pas que "la partie soit jouée", le retour du balancier n’est pas complet, mais il est assez indicatif pour que des leçons communes, européennes soient également tirées.

1.1.5 Pourtant, les forces populaires des différentes gauches ne sont pas vaincues, ni réellement minorisées : en France, même le 21 avril, il y a eu 42,96 % au total des voix de gauche contre 40, 56 % au total des voix de droite.

en Europe aussi, il y avait de grands espoirs et une grande combativité : soulignons que de Porto à Goteborg,, de Nice à Laeken, de Gênes à Barcelone, Séville et Rome, depuis 1997, ce sont chaque fois, régulièrement, des centaines de milliers de manifestants, parfois des millions qui ont défilé pour l’Europe sociale, avec leurs syndicats et leurs associations, type Attac.

Il est quand même contradictoire de constater que les mobilisations montent et que le cours politique dominant semble inversé.

1.1.6 Nous jugeons qu’il y a deux causes profondes au 21 avril : La première, c’est le bilan du gouvernement Jospin qui était nettement "mitigé" (comme nous l’avions analysé à Nantes en août 2001). C’est un bilan partagé, positif et négatif, pas unilatéral. On pouvait certes souligner qu’il était "le plus à gauche d’Europe". Et en même temps, au plan intérieur il était nettement en dessous des exigences sociales des salariés et du peuple français, ce qui l’a perdu. Il s’est effectué une coupure avec les attentes populaires, les urgences sociales.

La deuxième cause est dans la campagne conduite par Lionel Jospin : elle a été mauvaise et n’a pas su dessiner un projet de transformation sociale assez radical pour séduire ceux auxquels il était vraiment censé s’adresser. Pas de projet de changement de société, trop gestionnaire, pas de souffle global, rien de consistant pour le salariat.

La présidentialisation accrue des institutions par le double effet de la réduction du mandat présidentiel et l’inversion du calendrier nous a affaibli. D’abord ce système privilégie le choix des personnes sur les choix collectifs et de fond, ensuite la non introduction d’ une part de proportionnelle aux législatives pousse chaque force politique de gauche à se compter lors des scrutins nationaux .Notre défaite a été largement causée par cet excessif émiettement des forces de gauche et singulièrement de la gauche plurielle.

1.2 Le bilan du gouvernement de Lionel Jospin était mitigé :

1.2.1 Nous refusons un bilan unilatéral. Il y a des aspects positifs dans le bilan de Lionel Jospin, et pas seulement des aspects négatifs. Nous combattons la double idée fausse selon laquelle, il aurait "agi comme la droite", et il aurait "été social-libéral comme Blair".

Justement, dans le rapport de force français et mondial, le gouvernement "rouge-rose-vert" de Lionel Jospin avait des caractéristiques plus avancées, qui le distinguait significativement de la droite et des tenants de la "troisième voie" Clinton-Blair. Il est davantage comparable à ce que fut le premier gouvernement de la gauche en 1981-82. Il a opéré certains choix volontaires que le reste de la social-démocratie européenne a refusé : les "35 h sans perte de salaire", des droits nouveaux du travail, le maintien des retraites, la CMU, l’APA, mais aussi le PACS, la parité, l’IVG, le non-cumul des mandats... La France était, après novembre-décembre 95, la défaite de Chirac en 97, et au terme des cinq ans de la gauche, en 2002, un des pays au monde les plus avancés socialement.

Cela provient d’un "résultat différé" de Novembre Décembre 1995 et de la mise en place d’un gouvernement de coalition rouge rose verte. Cela provient aussi de ce qu’au cours des années 1997 - 2000, la combativité des salariés (nombre de jours de gréve, durée des grèves, caractère massif des grèves, priorité revenue aux revendications salariales, etc.) a été remarquablement dynamique et croissante : pour la première fois depuis les années 70, l’activité sociale se redéveloppait à un rythme suivi et fort.

Tous ces choix l’ont réellement distingué du reste de la social-démocratie. Ceux qui ont intérêt à le nier ou à le sous-estimer privent la gauche d’autant de point d’appui, de référence sur ce qui est possible, vers la politique que nous voulons. Ni Laurent Fabius, ni Dominique Strauss-Kahn n’ont apprécié les aspects les plus avancés des 35 h ou de la loi de modernisation sociale. En vérité, nous nous félicitons, de ce que le socialisme français ait plutôt été un pôle de résistance au social-libéralisme, et à "la troisième voie" façon Blair...

1.2.2 En tant que Gauche socialiste, nous avons pesé. Nous qui avons été au gouvernement, et qui avons bataillé au sein du Parti socialiste, à tous les niveaux, et aussi, dans les mouvements sociaux, en faveur d’un certain nombre de ces choix, nous soulignons les "aspects positifs" et refusons les amalgames réducteurs avec les "sociaux-libéraux". Nous n’avons pas été inutiles, nous avons pesé, insuffisamment ô certes, sur le cours des choses, du congrès de Brest à celui de Grenoble, des campagnes municipales à la présidentielle... Les droitiers "blairistes" et l’extrême gauche tirent déjà dans deux sens opposés à propos du bilan, ils vont chercher à cliver, à faire disparaître le rôle de la "gauche plurielle", à diminuer les débats au sein du parti socialiste, à faire reculer la nécessité d’alliances avec les Verts, le PCF, etc. Ils vont dénaturer aussi bien le bilan que la campagne de Lionel Jospin pour mieux prôner l’existence de "deux gauches" aux projets inconciliables, creuser le fossé entre gauche "institutionnelle" et gauche "radicale", entre la social-démocratie et le mouvement social.

On remarquera l’analyse de Laurent Fabius analysant la défaite comme un refus de l’assistanat et le manque de ciblage social des aides publiques. Cette thématique est celle qui fut développée par Tony Blair pour conditionaliser et réduire les prestations publiques au nom d’une certaine moralisation des soutiens de l’Etat.

1.2.3 Mais pas assez. Cette politique "rouge, rose, verte", celle de la loi pour des 35 h sans perte de salaire, de lutte prioritaire contre le chômage, était la nôtre mais elle a été conduite en deçà des impatiences sociales, des urgences, elle ne corrigeait pas les effets ravageurs de la longue crise, et a déçu. Tiraillé dans tous ses choix, depuis le début, Lionel Jospin n’a cessé d’arbitrer "en équilibre", il a osé des avancées sociales, mais il les a pondéré par des "contreparties", des habillages, qui, sans ruiner tout à fait les effets recherchés, les minimisait, et ouvrait la porte béante aux contestations, aux mécontentements justifiés.

Nous avons, avant, en 1996, dans la foulée de Nov-déc 95, fait progresser le programme du Parti socialiste dans les conventions de mars, juin et décembre 96.

Nous avons, pendant cinq ans, dés Amsterdam et jusqu’à Barcelone, dès le congrès de Brest, et à Grenoble mené une bataille pour orienter le gouvernement afin qu’il ne connaisse pas cette issue tragique.

Une leçon décisive de toute cette période : nous ne pouvons gagner en ordre dispersé ni seulement en interne. Nous ne pouvons gagner sans grouper nos forces, nos cadres, nos dirigeants et frapper du même coup en même temps sur le même clou.

Et surtout nous ne pouvons gagner en nous situant seulement en position de "conseillers" : il faut avoir une assise suffisamment importante dans le mouvement de masse, prendre des initiatives publiques, extérieures, dans le mouvement social. Même si nous avons un bon rapport de force interne, ça ne suffit pas, nous ne serons écoutés qu’en ayant un rapport de force social.

1.2.4 Nous nous sommes battus pour une réorientation de la politique européenne : d’Amsterdam à Barcelone, l’acceptation de compromis, sans bataille ouverte, sans orientation compréhensible, a abouti à laisser en permanence l’Europe libérale l’emporter.

Parce que la situation économique était bonne, il n’y avait pas d’inflation, le commerce extérieur était excellent, les déficits limités, une politique de relance était possible, les critères de Maastricht et d’Amsterdam ont été relativisés. Mais dés qu’au milieu 2001, des nuages noirs se sont amoncelés dans la situation économique internationale, le carcan des critères maastrichiens s’est refait sentir, les mises en garde contre les déficits, rigueur, ont recommencé, l’échéance de 2004 est réapparue.

Et à Barcelone, le 23 mars 2002 en pleine campagne électorale, Lionel Jospin est obligé de côtoyer, comme en juin 1997, Jacques Chirac en faisant mine de s’entendre avec lui... et d’accepter des mesures indignes sur les retraites et contre les services publics !

Pire : Lionel Jospin a même engagé la polémique électorale en accusant Chirac de faire des promesses incompatibles avec le "déficit-zéro" exigé par les libéraux à Barcelone ! Il fallait, il faut accuser Chirac du contraire : de ne pas se battre pour desserrer l’étau du "déficit zéro" fixé en 2004. D’autant qu’en Europe nous n’étions pas les seuls à vouloir le faire !

1.2.5 Les 35 h : il a fallu cinq ans, deux lois, des dizaines de décrets et de circulaires, des dizaines de milliers d’accords ad hoc, 105 milliards, une "usine à gaz" juridique, pour permettre à une partie trop restreinte des salariés d’obtenir les 35 h.

Autant le projet était grand et conquérant, historique, autant il a été géré petitement, en multipliant les concessions à un patronat pourtant délibérément hostile et décidé à saboter le projet par tous les moyens. Ainsi, il peut apparaître dans l’opinion, dans les sondages, une perception mitigée des 35 h : tous les maux du monde leur ont été attribuées (gel des salaires, flexibilité, annualisation, augmentation des cadences, non embauche, "travail à deux vitesses, forfaits-jours, etc. selon la taille des entreprises, les branches, ou le secteur privé ou public..) L’article n°1 des deux lois "Aubry" - la durée légale à 35 h - est pourtant une avancée fantastique, aussi importante que les 40 h en 36, les 39 h et la cinquième semaine en 82. Les jours de réduction du temps de travail s’ajoutent aux congés payés : on est ainsi passé, grâce à la gauche, entre 1936 et 2002 de deux semaines à six semaines de congés payés, record dans le monde.

La réduction du temps de travail est l’instrument privilégié de lutte contre le chômage de masse : si elle n’a créé que 400 000 emplois, c’est en raison des timidités d’application et, bien sûr, des résistances énormes, du sabotage, de la "guerre" déclarée menée par le patronat.

Mais il aurait été possible à tout moment de faire autrement et mieux : la Gauche socialiste, n’a cessé de le redire, de proposer des aménagements précis, argumentés, réalistes, aux deux lois du 13 juin 1998 et du 19 janvier 2000. Le pire est que le Parti socialiste et son candidat aient même donné l’impression de "tourner" sur le bilan des 35 h et ont décidé de ne pas mener campagne sur ce thème. Ainsi s’explique "l’oubli" incroyable pendant la campagne électorale, de ces 35 h, réduites en une ligne, page 4 du programme du candidat : contresens, erreur politique et pédagogique considérable alors que 9 millions de salariés (4,5 millions dans les entreprises de moins de 20 salariés 4,5 millions dans le secteur public) ne "découvraient" lesdites 35 h qu’à partir du 2 janvier 2002, en février et mars, en pleine campagne.

Et Laurent Fabius a même imposé un "assouplissement" des 35 h pour les entreprises de moins de 20 salariés : c’est ainsi que le contingent annuel d’heures supplémentaires est porté à 180 h (... en 2004) et que des millions de salariés ne verront que du feu en guise de 35 h...

Il aurait fallu une politique offensive, convaincue et pratique pour en développer tous les avantages : avoir fait l’impasse sur cette question centrale fut une immense erreur - encore sous-estimée gravement par la direction du parti.

1.2.6 La question des retraites fut tout aussi mal utilisée. Car Lionel Jospin a eu un rôle concret positif : il a protégé nos retraites pendant cinq ans, dans la foulée de la grande grève de novembre décembre 1995 qui les avait déjà vigoureusement défendues contre le gouvernement Chirac-Juppé.

Finalement, en abrogeant la loi Thomas sur les fonds de pension (tardivement, 17-1-02, loi de modernisation sociale), en défendant la retraite par répartition (intervention en mars 2000, rapport du COR, décembre 2001), et l’âge de départ officiel à 60 ans, (y compris après Barcelone, 23 mars 2002) en demandant des rapports différents de l’exécrable "livre blanc" de Michel Rocard, en mettant en place un "fonds de réserve", en refusant toutes les pressions, pourtant forcenées, du Medef contre les retraites complémentaires, (blocage du 31-12-00, accord du 11 février 2001 avec détournement de 16 milliards, trois mois de cotisations !) le gouvernement rouge, rose, vert, a répondu aux attentes des Français.

La question des retraites, comme celle du Smic, de l’Ecole et de la "Sécu" compte parmi les grandes questions décisives dans l’opinion, la culture, les "réflexes sociaux" profonds des Français. Elle est même au "palmarès" des préoccupations et elle a, rappelons-le, suscité encore une fois, la plus grande manifestation de la législature, le 25 janvier 2001. Mais, paralysé par ceux, comme Laurent Fabius, qui estimaient qu’il était "aussi courageux d’aligner les fonctionnaires sur les 40 années de cotisation du privé... que d’être contre la peine de mort en 1981", (intervention faite à L’Atelier, pendant la campagne, cf. Libération) Lionel Jospin a laissé percer, dans les rangs de ses proches, des intentions contradictoires, négatives, inquiétantes pour des millions de salariés !

Paradoxe : le gouvernement refusa en novembre 2001 le principe de verser une retraite à taux plein à ceux du privé qui avaient travaillé 40 ans... et le candidat le proposa en mars 2002.

Pourtant, la Gauche socialiste avait argumenté sur l’importance de cette question et de nombreux votes dans les fédérations avaient démontré qu’une immense majorité du Parti socialiste, (et de toute la gauche, et de la France...) étaient favorables à un retour aux 37,5 annuités pour tous, privé et public.

1.2.7 Les questions de la sécurité et de la justice ont été aussi des terrains de débats en grande partie ratés. Les avancées sociales de la législature "rouge rose verte" n’ont pas suffi à faire reculer les dégâts antérieurs de la crise économique. Trop de misères, trop de chômage de longue durée, trop de jeunes sans emploi, trop de quartiers ghettos, trop d’économie parallèle, trop de délinquance, le cancer était profond dans nos villes, nos écoles, nos hôpitaux. Il fallait non seulement que la France "aille mieux" mais que les Français sentent massivement que l’immense majorité d’entre eux "allait s’en sortir"...

Dégradation des quartiers, certains devenus zones de non droit, recul des services publics, policiers tués, accidents du travail en hausse, accidents de la route catastrophique, violences à l’école, drogue, l’insécurité est multiforme et plus gravement ressentie en période de sortie de crise, de relance.

Des années de destruction du tissu social, de la vie associative, syndicale, politique, de l’encadrement de la jeunesse, des espoirs ne pouvaient s’effacer naturellement, par simple effet de la croissance ’Cf. "L’état de violence", Julien Dray) .

Le libéralisme a mis en péril le modèle républicain. L’insécurité était le reflet du libéralisme régnant, peur du lendemain, de la perte d’emploi, du logement insalubre, de la banlieue grise, peur des "vieux jours", peur de l’isolement, de "l’autre", de l’étranger, de la petite délinquance de proximité qui met en jeu les maigres et rares biens, tout cela a été longuement exploité par l’extrême droite et la droite chiraquienne. Tout comme l’immigration, c’est un leitmotiv réactionnaire prégnant.

Là encore la Gauche socialiste s’efforçait concrètement de pousser le gouvernement à répondre plus activement aux "urgences sociales" : mais c’était se heurter frontalement à ceux qui avaient décidé que, "pour gagner il fallait baisser les impôts" ! Lionel Jospin reconnaissait pourtant souvent dans presque tous ses discours qu’il y avait des "impatiences sociales". Mais il ne les a pas traités de manière assez radical, assez rapide, assez profonde.

Il fallait engager plus frontalement une politique de "sécurité globale" tous azimuts, incluant prévention, éducation des jeunes, école, insertion, emploi, réhabilitation des logements, redéploiement des services publics (dont la police républicaine, les éducateurs sociaux, une justice plus efficace).

Cette politique de sécurité globale fut défendue par la Gauche socialiste, illustrée, détaillée avec tous les éléments de prévention, d’éducation et de fermeté nécessaires. Mais on laissa accréditer l’idée qu’il n’y avait "pas de différence" avec la droite sur ce terrain et celle-ci finit par réduire les réponses à l’insécurité sociale à la seule répression policière. Aidée par des médias presque entièrement contrôlés par des toutes-puissances financières hostiles à la, gauche.

1.2.8 La question du droit du licenciement est de même nature dans le bilan et dans la campagne électorale. Lionel Jospin avait repris en mai-juin 97, la proposition de la Gauche socialiste de rétablir une forme de contrôle administratif sur les licenciements. Elle figurait dans son discours d’investiture devant l’Assemblée nationale. Nous avions proposé un dispositif adapté, de type nouveau pour permettre à la puissance publique de venir en appoint aux luttes syndicales, aux institutions représentatives du personnel et pouvoir dire "stop" aux licenciements dits de convenance boursière, y compris aux licenciements abusifs individuels qui minent la vie de tant de "petits" salariés... Aucune des promesses initiales ne fut mise en oeuvre alors que plusieurs fois la question rebondit négativement : lors des licenciements Michelin (automne 1999 : "l’état ne peut pas tout") et lors des plans "sociaux" Danone et Marks & Spencer (forte baisse de la popularité de Lionel Jospin consécutive au printemps 2001 au refus de faire intervenir l’état : "nous ne sommes pas pour une économie administrée"). Est-ce que l’état est là seulement pour subventionner sans contrôler ?

Est-ce qu’il est là pour distribuer les aides à l’embauche mais ne peut dire "stop" lorsque les licenciements sont visiblement abusifs ? Est-ce que l’état ne peut "rien" en économie ? Donner le sentiment d’impuissance publique en la matière a été un terrible affaiblissement du gouvernement rouge, rose, vert. D’ailleurs l’effet dans les sondages au printemps 2001 lors des grandes manifestations contre les plans en série (Danone, etc.) a été automatique, et chaque fois que le sujet est réapparu, l’opinion était constante à reprocher l’inaction du gouvernement. Jusque dans la campagne électorale ou le Premier ministre ne sait répondre au salarié de chez LU, en Essonne, devant les caméras.

La loi de modernisation sociale, dernière occasion, sinon d’interdire, mais de freiner et de rendre plus difficiles les licenciements massifs abusifs, ne fut même pas adoptée en procédure d’urgence, elle traîna de juin 2001 au 17 janvier 2002, ne fut pas mise en oeuvre sérieusement avant le 21 avril. Il n’y eut aucune tentative pour contrer la censure éhontée du Conseil constitutionnel. Même le doublement des indemnités individuelles de licenciement ne rentra en application... que par un décret du 7 mai 2002 ! Il faut dire que cette loi avait l’opposition de Laurent Fabius et de DSK qui y voyaient une gêne pour les entreprises !

1.2.9 C’est parce qu’il n’a pas réduit suffisamment les inégalités, pas assez corrigé les effets de la crise antérieure, pas assez redistribué les richesses que Lionel Jospin a été battu. La Gauche socialiste avait fait, au Congrès de Brest, un thème central de "l’urgence sociale", de la nécessité de renverser le cours des choses. Nous n’avons pas mené ce débat en vain. Il y a eu une lutte autour de cette question. Sur ce point décisif, Lionel Jospin ne fut ni tout à fait avec Laurent Fabius et DSK, ni tout à fait avec nous.

Hélas, la recherche de "l’équilibre" souci permanent de Lionel Jospin ne donne pas la clef d’une vraie politique sociale : la France était dans un état ou il ne lui suffisait plus d’une politique d’amélioration économique avec des effets sociaux, il fallait des mesures d’urgence, de correction volontariste du fossé, de la fameuse fracture sociale qui a été créée, développée, tout au long des années de crise.

Tout le reste de la politique contradictoire du gouvernement est un peu comme cela : un pas vers la taxe Tobin in fine, mais hésitation, toujours parce que Fabius et DSK sont contre, un pas contre la mondialisation, pour rencontrer Attac, mais pas de voyage à Porto Alegre, et meeting discret avec Lula à Bordeaux, clivage à Malmö au sein du PSE en début de mandat, mais silence à Berlin en 2001, etc. Approbation de l’école professionnelle pour tous de Jean-Luc Mélenchon, mais laissez-faire de Jack Lang. Soutien de Marie-Noëlle Lienemann et sa CLU, mais quels crédits pour agir ? Cette recherche paralysante d’"équilibre" si difficile, a souvent gâché des chances : par exemple, sur les questions des sans papiers, de la double peine, et quelques autres sujets comme le droit de vote à 16 ans, et l’allocation-autonomie pour la jeunesse.

1.2.10 Tous ces points constituent un ensemble inséparable : le "succès" de Lionel Jospin, dans l’opinion, réussissant brillamment, à la surprise générale, à "tenir" cinq ans, est aussi, paradoxalement, la cause de son échec. Il nourrit des espoirs qu’il ne parvient pas à satisfaire. À la différence de ses prédécesseurs, il fait avancer les choses dans le bon sens. Mais à la différence de ses prédécesseurs, il encourage une opinion qui s’est mobilisée et qui en exige plus. D’où le "gap". D’où ce "gap" particulier ou il est donné gagnant, et où il perd tragiquement.

1.3 La campagne électorale n’a offert ni mesures-phares concrètes suffisantes, ni même un idéal socialiste :

1.3.1 Dans une campagne électorale nationale, il faut proposer un "souffle" fort, une vision globale : Ce n’était pas un "duel" personnel, et même le choix entre un candidat intègre et un "président-voyou", n’était pas celui qui allait emporter la conviction des Français - du moins pas au premier tour.

C’était bel et bien sur un choix de société, entre libéralisme et socialisme que se jouait l’élection. Hélas, ce choix ne fut, non seulement pas présenté, mais il fut esquivé délibérément dés la première intervention télévisée du candidat. Sans aucun doute les "conseillers" spéciaux, Laurent Fabius, DSK, Pierre Moscovici, étaient-ils plus écouté que la Gauche socialiste ! Lionel Jospin a opté pour un "programme qui n’était pas socialiste mais d’inspiration...". il a refusé de dramatiser le choix de société. Il a proposé de "présider autrement" là où il fallait rompre avec la mondialisation libérale. C’était exactement l’inverse qu’il fallait dire : "- Ce n’est pas une simple question de choix de personne, ce n’est pas une simple question de présidence différente : la France doit choisir entre le libéralisme à tous crins, débridé, l’économie boursière mondialisée, avec ses cortèges de licenciements, de déréglementations, ses bas salaires, la remise en cause de ses retraites, ou un socialisme de liberté, d’égalité, de fraternité, le plein emploi, la redistribution des richesses, la sécurité sociale pour tous, un état volontaire, une société mobilisée, la République sociale".

Il fallait convenir que tout était loin d’être accompli en cinq ans :" Nous n’avons pu tout faire, notre bilan comporte du positif, (...) mais hélas, il reste beaucoup à faire, à corriger, à réaliser, (...) donnez nous les moyens de le faire, plus vite, plus fort, dans les cinq ans à venir. Nous le voulons, nous le ferons."

Il fallait une campagne de "premier tour" à gauche vraiment, avec un objectif socialiste, et des revendications-phares immédiates, spectaculaires, s’adressant aux travailleurs, sur les salaires, les retraites, contre la précarité, pour une sécurité sociale collective pour tous.

Mais ce fut le contraire, d’emblée : l’orientation consista à mener une campagne de second tour, recentrée, dans un "duel" avec Chirac, sans mesures-phares capables de s’imposer au débat public. Et à force de prudence sur les sujets décisifs comme les retraites... le débat fut imposé, polarisé, centré sur la "sécurité", sur le terrain choisi par l’adversaire.

1.3.2 Un programme, ce n’est pas évidemment pas le seul élément d’une élection de type présidentielle. Ce qui compte avant tout, c’est le positionnement d’ensemble, visible. L’idéal socialiste aurait dû constituer l’horizon. On ne commence pas un siècle sans ambition globale.

Mais le contenu du programme comptait aussi pour lepremier tour. Or celui de la campagne (largement limité et guidé par Pierre Moscovici,DSK, Laurent Fabius, malgré les objections,et suggestions de la Gauchesocialiste)publié le 13 mars, a aggravé la situation, Il péchait par son côté catalogue, sans mesures-phares pour le salariat. Nous l’avons fait remarquer au Conseil national du PS en temps utile. Du coup l’ensemble du message a été déporté, et c’est sur le terrain terre-à-terre, mystifié, de l’adversaire, l’insécurité que la bataille a été gravement perdue

1.3.3 Le Pen était là par défaut, parce que ni de Villiers, ni Pasqua, n’avaient été candidats. Chirac avait-il manœuvré en ce sens ? En tout cas, Le Pen obtint ses signatures grâce à l’Elysée, après avoir fait mine d’être marginalisé. De Villiers se tint coi. Pasqua se déroba. Sans vraie progression des voix d’extrême droite, Le Pen franchit le cap, par surprise, mais aussi par carence, profitant des manques de la gauche soulignés ci-dessus.

Le Pen est un fasciste, mais heureusement, ce n’est pas le cas de la majorité de ses électeurs. À part le vieux lot de l’extrême droite française, intégriste, idéologiquement vichyste, ou Algérie française, et les secteurs de la droite aisés qui l’utilisent eux aussi au premier tour pour contrer au maximum la gauche, il y a des millions de "petites gens" qui se laissent avoir par la démagogie de celui qui joue le rôle explosif anti-establishment. Ce n’est pas nouveau, la droite a toujours eu une base populaire, sinon elle n’existerait pas : cette base, déçue, frustrée, s’est déplacée à l’extrême droite.

Il y a eu concomitance entre ce recul du candidat socialiste, dans une gauche qui se radicalisait à gauche, et de la progression du candidat d’extrême-droite face à une droite qui reculait. Le FN n’est pas assez fasciste pour qu’on compare avec les années trente, mais il est assez d’extrême droite pour qu’on veuille lui faire barrage par tous moyens et éviter ainsi qu’il ne profite de ses succès pour connaître une évolution comparable aux fascistes d’avant-guerre.

La seule façon de faire reculer les Le Pen, Megret, De Villiers, Pasqua, Boutin, hostiles aux femmes, defenseurs de la peine de mort, xénophobes, c’est de les empêcher, un jour, de se transformer en véritable fascisme, c’est de supprimer le terreau sur lequel ils prolifèrent.

1.3.4 L’abstention a été forte... Mais en France, elle n’est pas structurelle, comme aux USA. Une frange importante, c’est vrai, de la population, ne vote jamais : environ 10 à 15 %. Quand au reste, l’abstention est tantôt de gauche, tantôt de droite selon la façon dont chaque camp mobilise. Il y a, contrairement à certaines idées reçus, peu de basculement d’un "camp" vers l’autre. Il y a également très peu de "centre".

Mais il y a tantôt des dynamiques à droite, tantôt des déceptions à gauche et vice versa.

En 1993, le total des voix de la droite victorieuse était inférieur au total des voix qu’avait obtenu la même droite lorsqu’elle avait été battue, douze ans plus tôt, à la présidentielle de 1981. En étant plus forte que pour de précédentes élections présidentielles, l’abstention signifie que ledit scrutin n’a plus le même effet qu’avant. La personnalisation de la politique dépolitise les personnes. 70 %¨des Français, depuis 1997, estiment que l’élection parlementaire est la principale élection. Il n’empêche, cela n’aurait pas été possible sans le bilan mitigé du gouvernement Jospin et la mauvaise campagne du candidat qui ont nourri le scepticisme et donc l’abstention à gauche : elle s’est ajoutée à la dispersion des voix sur sept candidats, et le "coup de tonnerre" s’est produit.

1.3.5 On doit ensuite constater que l’enchaînement mécanique des 4 scrutins conduisait à la défaite. Le mécanisme n’était pas fatal, mais pour gagner contre lui cela exigeait une ampleur de combativité, d’ambition, de contre-attaque, que le Parti socialiste n’était plus en mesure de porter et le reste de la gauche, de l’extrême gauche incluse, était totalement surpris, désarçonné, aucunement en mesure de le suppléer.

Il aurait fallu un bilan et une rupture à la fois, une prise de conscience collective rapide, un programme infiniment plus hardi, une explication publique à la fois critique et consensuelle, de façon à renverser le mécanisme. Quasiment la quadrature du cercle.

L’inversion du calendrier avait ramené l’élection présidentielle au premier plan, donnant les clefs à Chirac. Avec le recul, le choix d’inversion du calendrier peut apparaître d’autant plus contestable qu’il a évidemment déterminé toute la suite.

On notera que l’extrême gauche qui avait gagné 1,9 million de voix, (près de 11 %¨ de voix "trotskistes", fait exceptionnel dans le monde entier, et tout à fait indicatif de l’aspiration de millions de français) s’est immédiatement divisée, incapable de faire face à la situation au plan politique. Même les Verts et le PC ont régressé. A cause des circonscriptions antidémocratiques existantes depuis 1986, (et malheureusement non modifiées par LJ) la gauche a obtenu en chiffres absolus des scores honorables et serrés, ce qui ne se traduit pas du tout en siéges.

1.3.6 Le PS est redevenu central en juin, seul utile pour limiter les dégâts. C’est un fantastique argument en faveur d’un grand parti de la gauche, d’un rassemblement unitaire, et contre la division, contre le morcellement, les clivages abstraits, les surenchères. Des millions d’électeurs de gauche, avec bon sens, ont choisi de se reporter, après la crise, devant le danger, sur l’instrument qui leur apparaissait le plus efficace pour limiter les dégâts crées par le 21 avril. Et, avant ils avaient manifesté le 1er mai dans un sursaut magnifique, témoin de la réalité des rapports de force en vigueur dans le pays. Au moins 2 millions de manifestants ont incarné la réalité de l’exception française, depuis novembre-décembre 1995. Et le PS fut avec eux, dans la rue.

Deux millions de manifestants ont lucidement fait barrage, non seulement à "au facho" mais à "l’escroc". Il y a eu 10,5 millions de voix de gauche et seulement 8 millions de voix de droite pour Chirac.

On ne peut refaire l’histoire : mais Lionel Jospin mandaté par le Parlement pouvait être Premier ministre... jusqu’au 17 juin. Puisque la crise était immense, la gauche aurait gagné à la grandir pour mieux la surmonter. Mais en fait l’élection des 9 et 16 juin a été ramenée à une "réplique", et le mécanisme institutionnel de la V° République qui avait tant été décrié, affaibli, s’est ravivé, subordonnant la nouvelle législature de cinq ans au nouveau quinquennat présidentiel. Attention, car dans cinq ans, ça recommence.

À l’arrivée, le 16 juin, c’est une vraie défaite, alors que Chirac était en recul grave avec 19 % des voix le 21 avril, la droite a une réelle majorité pour la première fois depuis 1995. Entre temps le médiocre mais dangereux gouvernement Raffarin s’est installé, anomalie incroyable, car sans légitimité, sans majorité, sans assemblée nationale, il a fait "comme si" il gouvernait pendant la phase décisive de la seconde élection du 7 mai au 9 juin.

1.3.7 Cette victoire de Chirac est à la Pyrrhus : les institutions de la V° République n’ont reçu qu’un sursis apparent. Le principe du présidentialisme est atteint, il a pris un coup dans l’aile. A première vue, tout est déjà en place pour une répétition du calendrier tous les cinq ans , présidentielle d’abord, puis législatives "alignées" sur celle-ci. Donc les écuries présidentielles se mettent en place automatiquement, subordonnant tout choix politique au "chef" potentiel, Alain Juppé et Laurent Fabius, par exemple, sont candidats implicites et tout s’organise pour ou contre eux, dans chaque camp. Mais le 21 avril est plus qu’un avertissement : le divorce entre l’establishment et le peuple a toutes les chances de remettre en cause ces beaux mécanismes tout huilés. Ce ne sont plus des énarques, des têtes d’œuf programmées, des professionnels devenus ignorants de la véritable vie de millions de salariés, qui porteront la parole populaire, d’abord parce qu’ils en sont de plus en plus incapables, ensuite parce que les institutions sortent des quatre scrutins, en crise larvée.

Il est important de réactualiser dans le programme de la gauche, des changements institutionnels profonds, le rejet de la V° République, une assemblée constituante, la suppression du Sénat, le retour à un véritable parlementarisme, avec des élections proportionnelles, loyales, un système de démocratie sociale pour gérer la Sécurité sociale.

La Gauche socialiste qui, dés 1992, avait tenu une "convention pour une VI° république" se réjouit que ces idées soient actuellement reprises, notamment par le club d’Arnaud Montebourg, au sein du Parti socialiste, avec un écho fortement majoritaire à gauche.

1.4 La défaite a été institutionnelle mais pas sociale :

1.4.1 La victoire était pourtant possible, la France est de gauche, et c’est un coup d’autant plus dur qui vient de lui être asséné. Choc, incompréhension, découragement, division vont se succéder. D’où l’important travail minutieux de bilan, détaillé qui est nécessaire.

C’est un travail de reconstruction, de régénération qui doit traverser toute la gauche. Il va se faire dans un contexte particulier : la droite est enhardie par sa victoire qu’elle n’apprécie pas encore dans toute sa dimension, et elle va essayer d’en profiter pour faire reculer cette "exception française" qui s’est bâtie depuis la Résistance au travers de plusieurs grèves générales, et de la défense d’acquis sociaux devenus d’autant plus appréciables qu’ils ont reculé ailleurs dans le monde.

Nicolas Sarkozy explique que la droite n’a jamais disposé d’autant de pouvoirs d’agir depuis "34 ans". Il fait référence à juin 68. Par esprit revanchard ! Mais c’est une erreur car la droite a déjà eu les mêmes pouvoirs... en 1995 ! Il y a sept ans seulement et ça s’est terminé avec la grande grève générale de novembre-décembre 1995. Chirac, Raffarin, Juppé, les nouveaux maîtres, sont obsédés par ce souvenir.

Chirac a les mêmes projets, les mêmes conseillers, les mêmes patrons qu’en 1995 : la première question est de savoir comment, il va, cette fois, s’attaquer aux acquis sociaux tant haïs par les libéraux.

Thatcher n’a été Thatcher qu’après avoir vaincu la grève des mineurs. Reagan n’a été Reagan qu’après avoir vaincu la grève des aiguilleurs du ciel. Chirac, Juppé, Raffarin, réussiront-ils là où la droite française a échoué depuis plus de vingt ans ?

1.4.2 La droite va vouloir transformer à fond l’avantage. Elle veut parvenir à ses plus anciennes et plus ardentes fins, toujours reportées depuis 66-67, 68, 81, 86, 93, 95, 97... Comme le laissait échapper Juppé en novembre 1995, à propos de sa réforme de la sécurité sociale : "en finir avec trente ans d’anomalies".

Le programme de la droite est explicite. Il suffit de lire, d’écouter, de déchiffrer ce qu’il y a derrière les phrases courtes et volontairement atrophiées de Raffarin. Ceux qui ont stupidement placé la gauche et la droite sur le même plan, vont devoir ouvrir les yeux.

Ils veulent achever - enfin - ce que même les ordonnances de De Gaulle en 1966 et 67 n’avaient pas achevé. Achever la "refondation sociale" que voulait le Medef depuis deux ans : reprendre les acquis sociaux conquis depuis cinquante ans.

Tout ne sera pas fait d’un seul coup sans résistance, ni accord entre toutes les composantes de la droite : mais en imposant la construction d’un parti unique, l’UMP, en soumettant toutes les institutions au clan chiraquien, en portant au gouvernement directement des hommes du Medef, des réactionnaires fieffés, le pouvoir actuel se donne les moyens d’avancer en ce sens.

1.4.3 Mais attention, l’histoire ne se répète jamais deux fois de la même façon. Il n’y a pas d’automatisme dans le retour d’un nouveau novembre-décembre 1995. Ne serait-ce qu’à cause de la récente défaite et du temps nécessaire au redressement de la gauche. Ne serait-ce qu’à cause de traces différentes, dans le mouvement syndical, sur le bilan des 35 h, des retraites... Chirac-Raffarin vont essayer de jouer sur les hésitations à gauche entre "modérés" et "radicaux", même essayer de les pousser au maximum. Ils vont nourrir le même type de différenciation entre les directions syndicales, flattant la nouvelle direction CFDT, contre celles de la CGT et de FO. Ils n’imaginent le "dialogue social" que de façon marginale mais dans l’espoir de récolter les signatures qui affaibliraient encore plus fortement les salariés qu’en novembre-décembre 95 où la direction CFDT s’était vue isolée, même vis-à-vis de sa propre base. S’ils parviennent, ce qui est leur objectif à diviser la gauche syndicale et politique, ils passeront alors en force, s’ils échouent, alors la riposte bloquera nombre de leurs projets.

Rien n’est joué, inutile de crier à "la revanche sociale", nov-déc 95 ne se répète pas en claquant des doigts, le temps, la maturation comptent, la rigueur aussi, et la dynamique syndicale et politique à gauche sera déterminante.

Deuxième partie Défendre un idéal socialiste

Défendre un idéal socialiste contre le désordre libéral.

Un idéal opposé à la gabegie et au désordre capitaliste.

Appuyé sur des revendications majoritaires dans le salariat.

2.1 Question vitale : qui les socialistes aspirent-ils à représenter ? à qui s’opposent-ils ? sur quelle force sociale s’appuient-ils ?

2.1.1 À qui s’opposent les socialistes ? Pour qui agissent-ils dans cette société ? Car ils ne sauraient plaire au Medef et aux salariés .

Ils ne peuvent défendre correctement les droits de 21 millions de salariés français et les exigences des multinationales, la dictature des actionnaires, dont les marges ne sont, à leurs yeux, jamais suffisantes.

Les socialistes doivent défendre les intérêts de la majorité des humains, du milliard et demi qui manque d’eau, qui souffre de la faim, tout comme des centaines de millions de travailleurs qui se voient spolier, voler leurs maigres salaires, retraites, pensions, du Texas à Buenos Aires, de Séoul à Berlin, de Londres à Johannesburg.

Ils doivent s’opposer à ceux qui profitent sans vergogne du système capitaliste, aux "riches malfaiteurs" (expression de Franklin Roosevelt) d’Enron, de Worldcom, de Tycon, de Mercks, à "l’étrange dictature" des actionnaires, des pétroliers, des lobbies militaro-industriels, à l’empire des USA.

Notre parti ne dit pas suffisamment contre quoi (contre qui, contre quel système) il est. Cela manque à sa crédibilité. De même qu’il doit dire qui il entend représenter, défendre, soutenir, faire valoir les droits.

Ils doivent, ce faisant, se faire entendre de la génération qui, de Seattle à Gênes, et Porto Alegre affirme qu’un "autre monde est possible". Pour se faire entendre de la jeunesse et des salariés.

2.1.2 Nous avons une base sociale forte et puissante : le salariat qui n’a jamais été aussi nombreux dans le monde et dans notre pays. Alors qu’il y a un milliard et demi de salariés dans le monde, il y a 88 % de la population active française qui est salariée.

Ce salariat n’a jamais cessé de progresser historiquement ; il était de 50 % de la population active en 1945, il est écrasant majoritairement aujourd’hui. La norme est le contrat de travail, un lien de subordination juridique, où l’employeur décide unilatéralement de la naissance du contrat, de son exécution, de sa fin. Les salariés n’ont pour l’essentiel que leur force de travail à vendre.

Contrairement à ce que prétendent nos théoriciens droitiers du Parti socialiste, ce salariat n’est ni plus "éclaté," ni "plus hétérogène" qu’avant. Au contraire, il s’homogénéise puissamment en même temps qu’il se développe numériquement Certes, la conscience de ce salariat n’est pas aussi homogène que l’est sa situation objective. Des retards, des divisions, syndicales et politiques, superstructurelles, existent, qui l’empêchent encore d’agir comme une force sociale unifiée et centrale : elles sont dues à la longue histoire du 20 ° siècle, à celle du stalinisme, de la social-démocratie, du gauchisme.

C’est à nous, socialistes, de postuler à l’unification politique et syndicale de ce salariat. C’est à nous de dépasser, de faire la synthèse des aspirations de celles et ceux qui sont la force centrale déterminante de ce pays. C’est à nous de les valoriser, de les rassembler, de les mobiliser pour opérer la transformation sociale qui conduira à la République sociale - française et universelle. Toute résistance, toute rénovation, tout bond en avant, partira du salariat :

2.1.3 Contrairement à Laurent Fabius ou DSK, nous ne soumettons pas notre politique socialiste à la conquête des couches moyennes, ou autres "bobos" prisés des médias. Seulement 5 % de la population possède 57 % du patrimoine. La concentration de la rente et du capital est énorme. Moins qu’aux Etats-unis, mais nous suivons leur chemin. Alors qu’à l’autre bout de l’échelle 10 % possède 1 % dudit patrimoine. Il reste 94 % de la population qui se partage - inégalement - 42 % des richesses. C’est une photographie radicale de la situation. Parmi les 3,5 millions de cadres (public et privé), environ 2 % ont un véritable statut juridique de "cadre supérieur", les autres sont des cadres d’exécution. Plus d’un quart des cadres ont un salaire inférieur au plafond de la sécurité sociale (14 700 F....) et leur nombre est en progression.

Les "couches moyennes" sont introuvables.

Ce ne sont pas elles qui peuvent fonder une politique, ni qui font une quelconque différence dans une élection. Même si leur puissance économique et politique est encore réelle, leurs lobbies sont actifs, il y a longtemps qu’ils pèsent moins que le salariat.

Encourager la rente, et les rentiers ne fonde pas davantage une politique. Rien, absolument rien ne justifie une politique privilégiée vers la rente, les prétendues "classes moyennes", ni au plan numérique, sociologique, ni au plan économique. Ni pour des raisons électorales, ni pour des raisons sociales. Les socialistes qui prétendent courtiser les "classes moyennes" et ignorent la puissance du salariat, n’ont pas d’avenir.

2.1.4 Nous ne croyons pas que la tâche des socialistes soit de se préoccuper d’abord sinon uniquement, des "exclus". Nous croyons pouvoir supprimer l’exclusion en faisant avancer par le haut toute la société - même s’il y faut bien évidemment des mesures spécifiques, transitoires (hausses des minima sociaux notamment). Nous savons qu’il y a 20 % de la société qui a souffert plus que les autres salariés de la crise. Désinsérés, désocialisés, sans emploi, sans formation, pour eux, l’égalité des chances et des droits est une lointaine utopie. Il y a 3,4 millions de temps partiels, à 85 % des femmes et des non qualifiées. Il y a 6 millions de personnes dont le revenu est inférieur au Smic. Il y a 22 % de jeunes au chômage. Il y a 950 000 CDD, 650 000 intérimaires. Entre 1 et 1,5 précaires et "travailleurs pauvres" sur dix. Le nombre de chômeurs, de sous-emploi, de cas sociaux, de marginaux est supérieur, de loin, à ceux qui sont officiellement demandeurs d’emploi. Et il y a au minimum 1, 5 à 2 millions de "travailleurs pauvres".

Nous ne sommes pas de cette école qui évite de s’attaquer aux profits et aux capitalistes. Nous voulons faire progresser l’ensemble des droits pour l’ensemble des salariés afin de tirer vers le haut et... d’inclure les "exclus". Pour atteindre "zéro jeune au chômage", il faut de bonnes formations, de bonnes conditions de travail, de bons salaires, pas des "emplois au rabais," ni des CIP, ni des "petits boulots" déréglés. Pour réinsérer des chômeurs en difficulté et en fins de droits, il ne faut pas de sous-statut, ni des indemnités dégressives, ni des pressions à "l’employabilité" mais au contraire un vrai travail avec un vrai salaire.

Les socialistes n’acceptent pas les chantages aux délocalisations et baisses des droits sociaux, au contraire, ils intègrent la progression des droits du travail dans les progrès de productivité, dans les règles de la concurrence. Ils n’acceptent pas d’opposer les droits et acquis des salariés, aux "lois du marché" mais ils veulent plier le marché aux règles de progrès, d’égalité, nécessaires aux humains.

2.1.5 Il est impératif de s’entendre également sur ce que représente le patronat. Trop souvent, les socialistes parlent indistinctement des "entreprises" sans mettre en avant les lignes forces des différenciations qui existent entre les intérêts des petits, moyens et grands patrons. En France, mille entreprises de plus de mille salariés font travailler 3,8 millions de personnes et produisent plus de 40 % du PIB. Il n’y a que 1600 entreprises de plus de 500. De l’autre côté, il y a 97 % des entreprises qui ont moins de cinquante salariés. Et un million de petits employeurs qui font travailler 3,4 millions de personnes dans des unités de moins de 10. Rien à voir entre mille grands "entrepreneurs" de plus de mille et un million de petits patrons de moins de 10. Même si les premiers, aux commandes du Medef aiment bien manipuler les seconds. Les grandes entreprises, notamment lorsqu’elles ont été privatisées, ont reconstitué des situations de monopole, continuant de fonctionner en économie administrée, mais en échappant à l’intérêt général qui prévalait - en théorie - dans le secteur public. Elles ont oeuvré à faire reculer, en interne, le droit et les statuts des salariés autant qu’elle pouvait et sinon, elles ont développé une "externalisation" systématique, (des délocalisations multiples à l’intérieur de nos frontières), qui permettait de contourner les seuils sociaux, les rapports de force syndicaux, les conventions collectives.

Ainsi des centaines de milliers d’entreprises sont dépendantes de ces grands donneurs d’ordre, qui passent les "marchés" à leurs conditions, exigeant des baisses de coût, de conditions de travail, de droits syndicaux, etc. Elles n’ont pas les coudées franches et subissent cette sous-traitance dans les pires conditions, évidemment ressenties en premier par leurs salariés.

Tandis qu’au sommet de cette pyramide d’entreprises, il y a des prédateurs souvent cyniques, et qu’à la base, il y a des "petits patrons" à la vie dure et précaire, les socialistes ont eu le tort de mener une politique d’un seul "bloc", sans différencier les aides, sans réglementer la sous-traitance, les conditions de passage des marchés, sans favoriser le contrôle et l’effectivité du droit du travail, là où il y a moins de syndicat, moins de rapport de force, moins de résistance.

2.2 S’opposer pied à pied au programme Chirac-Juppé-Raffarin :

Pas d’état d’âme : face à gouvernement de droite revanchard et dangereux, nous devons saisir toutes occasions de lui faire barrage et de mobiliser toute la gauche syndicale et politique, unie contre lui. En même temps que remonte en puissance et se réorganise la gauche. Savoir le faire, c’est tirer en pratique les leçons du 21 avril, c’est corriger les aspects négatifs du gouvernement Jospin, c’est rattraper les erreurs de la campagne électorale, c’est réapprendre à gagner et à gouverner autrement demain.

2.2.1 Mettre en cause "l’état pénal", y opposer un état social : une politique globale de sécurité sociale au quotidien, justice, police, éducation, répression, réinsertion républicaines.

Alors que l’état libéral se dit "impuissant" en économie, par exemple, face aux licenciements, mais il se veut tout puissant dans la répression des effets et réactions à la dérégulation économique.

Avec les milliards qu’ils investissent dans la matraque, les flash-ball, les gilets pare-balle, les juges "expéditifs", policiers supplémentaires et avec un ministre "chargé de l’immobilier des centres d’enfermement" où l’on pourra placer des jeunes dés l’âge de 13 ans, ce sont autant de "transferts" du "social" au "pénal" qui sont mis en oeuvre. Les Français perdront en service publics, en équipements, en éducateurs, ce qui sera surinvesti dans la police, la justice et les prisons.

L’état consent une débauche d’énergie sans précédent dans les ghettos et quartiers pauvres, sous prétexte de "restaurer le droit à la sécurité des petits" au moment même où il accorde aux "grands "une impunité totale. Le "laisser-faire" pour les "couches supérieures", le bâton pour ceux d’en bas. La délinquance financière représente des milliards de fois plus que la petite délinquance des quartiers, en vol de biens, en gaspillage global, en conséquences criminelles...Entre 1990 et 1999, les abus de biens sociaux ont augmenté de 41 % et les affaires de corruption ont doublé. Seulement 1 % des délits sont sanctionnés titre Le Monde du 9 août.

Nous défendons un projet global : l’insécurité est libérale, la sécurité est sociale. Pour rétablir un "ordre public" digne de ce nom, il n’y a qu’une autre voie, alternative, contraire à celle de Sarkozy-Raffarin-Chirac : la sécurité sociale. Cette autre voie, défendue par Julien Dray, et la Gauche socialiste, consiste à la différence de la droite, à prendre la sécurité comme "un tout" : pas à privilégier la répression au détriment de la prévention. Un "tout", c’est le plein emploi, le recul de la précarité, la chasse prioritaire aux crimes "économiques d’en haut", le rétablissement d’un "ordre public social" au travail, la réduction des inégalités, la redistribution des richesses, l’éducation, la protection sociale garantie : et en complément, de façon appropriée, la répression des délits et crimes qui portent à atteinte à cet ordre public-là.

2.2.2 Défendre l’état républicain, les impôts républicains, l’intervention centrale de l’état volontaire, l’aménagement national du territoire, une vraie politique de la ville, une planification économique pour un développement durable.

Les démonstrations de la politique de la droite sont totalement transparentes : alors qu’il se propose sous couvert de "décentralisation" de démanteler les interventions de l’état central, seul capable d’opérer les péréquations, de planifier l’aménagement du territoire, alors qu’il investit des milliards dans la sécurité et les prisons, l’une des premières mesures d’économie consiste à revoir les grands travaux d’équipement de transports publics.

Car dans cette décentralisation chérie par Raffarin, la part reviendra aux régions les plus riches, les déséquilibres existants seront accrus, la centralisation étatique reculant, ce seront les entreprises nationales et multinationales qui seront seules centralisées au niveau européen et qui décideront des conditions de passation de marché par-dessus "l’Europe des régions".

Le démantèlement de l’état républicain fait parfaitement partie du projet libéral. Depuis longtemps "Démocratie Libérale" et Alain Madelin, J. P. Raffarin plaident en ce sens ; c’est le contraire du développement durable, planifié, prévoyant, global. C’est le renvoi aux lobbies, aux "barons", aux féodaux locaux en dépit des services publics, les économies d’échelle seront supprimées.

2.2.3 Défendre les services publics, leur élargissement, c’est défendre le principe, non pas d’un service "minima", ni de "missions déléguées" de service public au gré des initiatives individuelles, c’est au contraire mettre en avant des principes de continuité, de solidarité, d’égalité de traitement dans tout le territoire au service de toutes les populations concernées.

C’est le service public qui a permis le développement magnifique de ce pays : l’installation partout de l’électricité, du téléphone, du gaz, des voies ferrées, l’acquisition, le contrôle et le développement de l’énergie, les écoles et les hôpitaux publics, la prévention médicale scolaire et du travail, les transports en commun, RATP, SNCF, les grandes compagnies de l’aviation, et airbus, les grands établissements de crédit et de banque, tous les grands équipements et grands travaux, ainsi que la conquête de l’espace, avec Ariane. Rien n’a été fait sans trouver sa source dans la volonté commune, générale, à des périodes où les capitalistes n’avaient ni la volonté, ni l’ambition, ni la capacité de voir assez grand.

Nous allons avoir, avec l’offensive contre EDF-GDF (qui va servir de "test" aussi pour la remise en cause des retraites) et avec le nouveau pas pour la privatisation d’Air France, des développements nouveaux de la liquidation des services publics de la grande tradition française. Demain seront bradées nos voies ferrées, nos métros, et commenceront la marchandisation de la santé, celle de l’école.

La gauche n’a pas assez défendu les grandes conquêtes de nos services publics face à l’Europe libérale, à ces technocrates qui exigent partout le même type de concurrence qui a fait des ravages spectaculaires dans les trains britanniques et dans l’électricité californienne. C’est le retour de l’anarchie, de l’irrationnel, de la gabegie, dans le seul intérêt de profits à court terme, et au détriment des grands projets collectifs, dignes des ambitions et des espoirs de dizaines de millions d’humains.

Enfin nous avons en France, le contre-exemple parfait avec les services de l’eau, de la gabegie, des inégalités sur le territoire, des carences, et manipulations de toutes sortes, des risques aussi (où va, depuis la déconfiture de son chef, Vivendi Environnement ?). Là où nous n’avons pas nationalisé, pas imposé un service public national, les communes, départements, régions sont à la merci des tractations, corruptions, chantages, les plus importants, sans qu’aucun argument sérieux ne vienne contredire les avantages évidents que la France retirerait durablement d’une nationalisation globale de ses approvisionnements en eau.

Les socialistes devraient pour montrer le cœur de leurs propositions en matière de service public nouveau, d’organisation du développement durable de la société mener une vaste campagne pour la nationalisation de l’eau, en un grand et unique service public. Ils devraient organiser de vastes états généraux en défense et en rénovation des services publics, inscrire leur renforcement, leur redéploiement au cœur d’une nouvelle "économie sociale de marché".

C’est ce que la Gauche socialiste avait défendu et continue de mettre en avant contre la droite au pouvoir , à l’heure des bilans du 21 avril et du prochain congrès du Parti socialiste.

2.2.4 Contre la baisse du coût du travail, pour les salaires. Raffarin n’a même pas pris le temps d’attendre la consultation des syndicats obligatoirement prévue la dernière semaine de juin sur ce sujet, avant d’annoncer sa décision : 2,7 millions de smicards resteront donc à 5834 F nets avec une "hausse limitée à 2,4 % : la carte orange augmente de 3,8 % : un salarié sur six, une femme sur deux, un jeune sur trois sont concernés dans le privé... Les salaires des grands patrons, eux, ont augmenté de 35 %, celui des ministres de 70 %, sans parler des indemnités que ces gens-là se mettent dans la poche, même quand ils conduisent leurs entreprises au fiasco (Michel Bon de France télécom) ou quand ils se font virer à cause de leurs propres turpitudes (Jean-Marie Messier, de Vivendi).

89 branches sur 164 ont pourtant des salaires minima conventionnels inférieurs au Smic : quasi jamais le patronat qui préfère le "contrat" à la loi... ne négocie sans que la loi ne le lui impose !

Qu’on ne nous dise pas qu’on ne peut pas augmenter le Smic à cause du "coût trop élevé du travail" qui "menacerait l’emploi" : notre Smic est plus bas qu’en Allemagne, en Hollande, en Belgique, ou en Italie et nul n’a jamais prouvé qu’il y avait un rapport entre le taux du Smic et l’emploi. De plus les cotisations sociales sur le Smic ont été considérablement baissées et il s’agit donc d’emplois massivement aidés au point que la hausse du Smic augmente mécaniquement de très nombreuses aides de l’état (dont la PPE, prime pour l’emploi).

Enfin le fait qu’il y ait différents Smic (six), à cause d’un très mauvais aspect de la loi Aubry, n’est pas davantage un argument : des retards ont été pris, qui ont gelé les salaires en-dessous de ce qu’ils devraient être, et il faudra bien un jour rattraper les 11,4 % d’écart entre les Smic à 35 h et les Smic à 34 h...

La suppression des emplois jeunes publics, même si on en connaît les limites, et leur remplacement par des emplois jeunes privés, énorme cadeau aux entreprises, est un processus qui vise à transférer aux collectivités locales et aux associations para publiques, des "charges" (salaire indirect) qui vont être enlevées aux chefs d’entreprise. Les impôts locaux devront remplacer nombre de postes devenus indispensables, et les impôts publics vont être reversés aux employeurs pour payer des jeunes. Exemple splendide du libéralisme en action qui, par ailleurs, prétend ne pas vouloir d’intervention de l’état en économie ! Le Medef qui refusait les emplois jeunes aux conditions antérieures, va les accepter aujourd’hui.

2.2.5 François Fillon, comme Chirac, a annoncé l’assouplissement des 35 h par voie réglementaire. Ce qui veut dire, remettre en cause les heures supplémentaires, donc travailler plus... pour gagner moins.

Nous devrons défendre bec et ongle les 35 h et toute l’orientation de réduction du temps de travail, vers les 32 h...

La droite va s’abriter derrière les erreurs (que nous avions souligné en leur temps...) de la deuxième loi Aubry : celle qui visait à faire payer les "aides" aux 35 h sur le budget de la protection sociale, celle qui a provoqué six Smic, et celle qui a consisté à "assouplir" le contingent annuel des heures supplémentaires en le portant à 180 h. Il va aussi faciliter les flexibilités déjà permises par la loi Balladur-Giraud (loi "quinquennale", hélas non abrogée par la gauche, malgré ses promesses).

Pour autant ce ne sera pas facile et pas sans résistance. Car les salariés, concrètement, tous critiques que soit une partie d’entre eux sur l’application des 35 h, vont se rendre compte qu’ils y perdront du temps et de l’argent. Les promesses sans fondement de Chirac "travailler plus pour gagner plus" vont s’envoler en fumée...

Cependant des obstacles nouveaux sont apparus sur le chemin de MM Raffarin et Fillon : La Cour de cassation, le 4 juin 2002 a imposé une révolution dans la mise en oeuvre des 35 h : des millions de salariés, grâce à cette interprétation de la loi Aubry, vont pouvoir réclamer des millions d’euros...

Cette interprétation des 35 h freine les possibilités de changement réglementaire "indolore" des 35 h : leur assouplissement ne sera guère facile sans passer par le Parlement. Et passer par le Parlement, enclenche une bataille sociale autrement plus forte.

2.2.6 L’assaut de la droite et du Medef se prépare contre nos retraites. Dans son discours d’investiture du 3 juillet J.-P. Raffarin a sonné le tocsin : avant "la fin du premier semestre 2003", il aura mis en cause le système actuel de retraites.

1°) Chaque système particulier de retraite sera revu et modifié selon un calendrier séparé. Ce sera des coups durs portés à ceux qui ont des avantages dus aux pénibilités de leur métier.

2°) Le choix de partir en retraite à l’âge qu’on veut pour "gagner plus" sera instauré. C’est la fin du "droit à 60 ans". Vous aurez le "choix" entre travailler plus longtemps ou avoir une retraite plus basse.

3°) Il annonce des compléments de retraite avec incitation fiscale (fonds de pension). On pense tous aux faillites des tricheurs qui gèrent ces fonds et aux millions de pauvres salariés qui se sont fait gruger par ce système.

4°) Il annonce "l’équité" : ce qui signifie le même nombre d’annuités (40) pour le public et le privé : ce qui privera le privé de l’espoir d’en revenir à 37,5 annuités. Et recréera du chômage de masse. 40 annuités pour les fonctionnaires = 30 milliards d’heures de travail en moins pour les jeunes

La "liberté" de prendre sa retraite "quand on veut", c’est l’hypocrisie totale !

Comme si chacun pouvait "choisir" l’âge de son départ en retraite alors qu’il dépend de l’employeur, du nombre de trimestres, et du taux de remplacement... C’est le choix entre "s’user davantage ou vivre moins bien le reste de son âge". En 1972, il suffisait de 30 annuités... et la retraite était pourtant à 65 ans ! Aujourd’hui que la France est plus riche, il faudrait cotiser plus... Et cela consisterait, nous l’avons toujours dit, à faire travailler 5,5 millions de salariés pendant 36 mois de plus, c’est-à-dire à rallonger la durée du travail sur la vie plus qu’elle n’a été raccourcie sur la semaine par les 35h... Nous engagerons une bataille nationale, avec un comité national unitaire, pour le retour aux 37,5 annuités et demie, et nous tenterons, par tous les moyens de faire obstacle à cette politique de la droite.

2.2.7 Combattre Raffarin, c’est aussi formuler un programme de lutte pour la réduction des inégalités, la redistribution des richesses malgré les "risques" permanents engendrés par l’anarchie du marché. Plein emploi, bon emploi ! Et sinon protection sociale maintenue.

Le Medef a écrit, sous la plume de ses principaux dirigeants, MM Seilliére et Kessler, des articles en faveur du "risque" et des "risquophiles", opposés aux "risquophobes". En faveur "de l’aventure"de l’entreprise, contre le confort du "protégé social"... Ainsi veut-il justifier la diminution de toutes les protections sociales, en revenir à ne payer que le salaire direct, correspondant au seul temps de travail effectif, et remettre aux choix individuels l’assurance contre la maladie, la vieillesse, l’économie pour les congés payés, le logement, etc...

On notera que c’est exactement la philosophie du parti, "Démocratie libérale" dont est issu J.P. Raffarin. On notera aussi que dés qu’il y a risque, par exemple, après le 11 septembre, les "assureurs" et Denis Kessler se tournent vers l’état pour les couvrir. On notera aussi que lorsque un patron sur deux du CAC 40 est mis en examen, Ernest Seilliére demande à l’état de ne pas inquiéter ces "risque-tout". Contre les "peurs sociales" qui minent la société depuis la crise et qui ont tellement joué le 21 avril, les socialistes, oui, sont "risquophiles", ils doivent préconiser au contraire un accroissement des "couvertures contre les risques" sociaux.

Étendre et non pas diminuer la protection sociale

Mais ce n’est pas seulement l’impôt qui doit corriger les conséquences des plans sociaux, des dépôts de bilan, des liquidations et faillites capitalistes. On doit viser à faire partager par les actionnaires, les financiers capitalistes, les conséquences de leurs choix économiques : trop facile de licencier pour augmenter ses profits à 15 % et de laisser à l’état la réparation des dégâts sociaux provoqués. Il faut rendre les grandes entreprises si puissantes, davantage responsables des risques sociaux, donc augmenter le salaire indirect, la taxation des capitaux. Cela passe par les cotisations sociales liées au salaire, la hausse du salaire indirect.

Les bonnes entreprises solides et prospères sont celles qui ont de bons salariés, qualifiés, bien payés et bénéficiant de réels droits. Il faut encourager économiquement, socialement, cette norme du CDI qualifié, à l’expérience professionnelle reconnue, du salaire négocié collectivement, du respect contrôlé et sanctionné du droit du travail, de la protection face aux risques sociaux. De façon à dissuader la recherche et la course à l’usage systématique de la précarité, du licenciement boursier, de l’exclusion hors de l’emploi.

2.2.8 Une nouvelle démocratie sociale : la sécurité sociale est la conquête la plus importante du peuple français. Quel beau mot "sécurité" accolé à "sociale". Si elle est appelée ainsi, et que le mot "assurance" a été écarté historiquement, c’est pour affirmer un principe que des décennies de luttes ouvrières ont revendiqué : il s’agit d’effectuer entre salariés un prélèvement volontaire, socialisé, mutualisé, distinct de l’impôt, pour "mettre de côté", dans un "bas de laine", contrôlé par les salariés eux-mêmes, les sommes nécessaires à la protection sociale de tous et toutes. Il ne s’agit pas d’un "prélèvement obligatoire" mais volontaire. Il ne s’agit pas d’un "impôt" car l’impôt n’est pas "pré affecté", il s’agit au contraire d’une "cotisation" salariale (mais aussi imposée au patronat), qui est prédestinée, uniquement affectée à une caisse séparée, délibérément séparée pour échapper à tout détournement, tout autre usage. Cet argent-là étant celui des salariés pour leur maladie, leurs accidents, leurs charges de famille nombreuse, leur chômage, leur retraite, il ne peut pas être utilisé à d’autres fins. Ce principe de socialisation d’une part des salaires, versée dans un "pot commun" pour être redistribué en fonction des besoins est le principe le plus beau pour des socialistes, pour les français, pour la France et en exemple, auxyeuxdu monde entier.

Nous voulons retrouver, conserver, rétablirtous les principes de la "Sécu" et même changer la constitutionen conséquence(suppression du Sénat, élections à toutes les caisses, gestion démocratique, contrôlée, ouverte de notre Sécu, en navette entre le "Parlement social" et l’Assemblée nationale, cette dernière décidant après implication, proposition, consultation des partenaires sociaux qui gèrent les caisses.

Ceci implique un grand bond en avant pour les syndicats dans la gestion de la sociale (caisses de Sécu), - comme dans la justice au travail (prud’hommes) et les élections professionnelles (DP, CE, CHSCT).

Ceci signifie des élections démocratiques, ou se prononcent tous les ayant droits, démocratiquement avec des collèges électoraux proportionnels, scrutins réguliers, responsabilisation dans les choix de gestion en navette avec le Parlement. (Et cela tranchera enfin une question béante depuis que le Medef a boycotté les caisses...)

Cela devrait être l’occasion de nouveaux critères de représentativité, des financements publics transparents au plus prés des instances concernées pour tout le mouvement syndical,

Il devra être établi une règle majoritaire pour tout accord, de branche, d’entreprise, droits nouveaux de contrôle des entreprises (bilan comptables, transparence) avec avis conforme des DP, CE, ...

Si nous voulons une démocratie sociale, des négociations, une véritable implication des salariés dans la vie des entreprises, dans la vie de leur protection sociale, ce choix devrait décupler la cohésion sociale, les échanges fructueux entre producteurs, dans l’intérêt d’une économie sociale de marché, c’est la voie efficace à suivre.

2.2.9 École, contre la marchandisation de la formation ici reprendre JL Mélenchon

2.2.10 Santé : contre la privatisation de la Sécu, projet de Mattei Ici reprendre article sur hôpitaux, luttes à venir, santé publique contre cliniques privées

2.2.11 Contre la politique de Roselyne Bachelot de remise en cause des avancées acquises par la gauche plurielle. pour une issue positive au sommet de Johannesburg : Pour sauver la planète, il est indispensable que les puissants de ce monde adoptent, à Johannesburg, au moins sept décisions capitales :

1) un programme international en faveur des énergies renouvelables, centré sur l’accès à l’énergie dans les pays du Sud ;

2) des engagements en faveur de l’accès à l’eau et de son assainissement en vue de réduire de moitié, d’ici à 2015, le nombre de personnes privées de cette ressource vitale qui est un bien commun de l’humanité ;

3) des mesures pour protéger les forêts, comme prévu par la convention sur la biodiversité adoptée à Rio en 1992 ;

4) des résolutions pour mettre en place un cadre juridique instituant la responsabilité écologique des entreprises et réaffirmant le principe de précaution comme préalable à toute activité commerciale ;

5) des initiatives pour subordonner les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) aux principes des Nations unies sur la protection des écosystèmes et aux normes de l’Organisation internationale du travail (OIT) ;

6) des règlements pour exiger des pays développés qu’ils s’engagent à consacrer un minimum de 0,7% de leur richesse à l’aide publique au développement ;

7) des recommandations impératives, enfin, pour annuler la dette publique des pays pauvres.

Troisième partie : un autre monde est possible

Le socialisme est une idée neuve, un programme mondial de Seattle à Porto Alegreface au chaos, à l’empire américain

3.1 Rompre avec le capitalisme

Les conditions d’une sortie de la crise de surproduction et de la récession qu’elle a enclenchée sont réunies depuis le milieu de la dernière décennie du siècle précédent : des politiques de relance ont été remises à l’ordre du jour, et, pour augmenter les profits, des mesures protectionnistes surprenantes de la part d’intégristes libéraux ont également été mises en oeuvre. Georges Bush, mal élu, initié des affaires pétrolières, va t en guerre contre le désordre mondial, n’hésite pas à braver quand cela lui chante les décisions de l’OMC qu’il impose pourtant aux autres. L’empire américain profite, sans principe, du chaos mondial, y décide unilatéralement des affaires et des armes, selon ses seuls intérêts.

C’est l’époque que nous avons tant de fois décrite du nouvel âge du capitalisme, de la domination financière, celle qui domine la recherche féroce de nouveaux marchés, qui affame le tiers-monde, organise la marchandisation de toutes les protections sociales, et la privatisation notamment, des services publics.

Sans mettre en cause ce pillage des requins de la finance, sans dénoncer ces jeux de Bourse, aux règles incontrôlables, il n’y a pas de projet socialiste, pas de réponse à la dérégulation mondialisée, pas d’Europe sociale. Ceci est connu de notre peuple : même les plus humbles des salariés et des chômeurs qui ne connaissent rien en économie savent cela d’instinct, et les propagandes de la Bourse, des jeux d’action, des grandes fortunes sont vomies par des millions de nos concitoyens qui savent que c’est là qu’est le mal, c’est là ce qu’il faut combattre, c’est à cela qu’il faut proposer un système économique alternatif de réglementation démocratique, sous un réel contrôle des peuples.

Non seulement l’horizon n’est pas capitaliste, mais il n’y a pas d’horizon humain sans rupture avec le système capitaliste en vigueur.

3.2 Après la chute du mur de Berlin, l’empire face au chaos mondial

... L’écroulement du stalinisme soviétique, la guerre du Golfe, de Bosnie, les guerres barbares de Somalie, du Rwanda, du Burundi, des grands lacs, d’Angola, la guerre du Kosovo, Algérie, Tchétchènie, Colombie, les attentats criminels du 11 septembre, la guerre en Afghanistan, et la guerre au Moyen-Orient, c’est le désordre mondial qui s’est installé.

Pour y faire face avec les méthodes de la guerre et non celles de l’expansion et de l’entre aide, W Bush a accru les dépenses militaires de 48 milliards de dollars, davantage que le total de l’aide publique au développement reçue par l’ensemble du tiers-monde.

L’impérialisme US dominant ne peut et ne veut ni pacifier, ni "sauver" le monde, il fait face difficilement, écartelé, aux propres kraks de son économie, aux ruines des anciens pays de l’Est, aux tragédies du tiers-monde... et à ses propres réseaux renégats du type de la secte Ben Laden.

C’est le système du leadership unique dans un monde considéré comme un chaos aléatoire. Il endigue, dissémine, réprime mais n’assume aucune contrepartie sociale de son rôle dominant. Après les abominables attentats du 11 septembre à New York, perpétrés par des renégats de la CIA, des intégristes, capitalistes, réactionnaires dangereux, les dirigeants américains ont utilisé tous les moyens de la guerre, en se refusant à utiliser tous les moyens de la paix. Ils n’ont en rien modifié leur politique vis-à-vis du tiers-monde, ni du Moyen-Orient, pire, ils envisagent tout à la fois de couler le sommet de Johannesburg et d’engager une nouvelle guerre contre l’Irak.

3.3 le peuple mondial s’éveille :

Pour autant, le capitalisme n’est pas "victorieux", sa puissance n’est illimitée, il est au contraire, selon nous, et davantage depuis 1989, mis à nu, en crise profonde. Il est arrogant, économiquement, militairement, culturellement mais pas tout-puissant : il engendre chaque jour les forces sociales, les aspirations, les luttes et les idées neuves qui le renverseront.

La colère du "peuple mondial" est encore virtuelle, naissante, fragile, mais elle se dresse contre l’empire de Seattle à Gênes et Porto Alegre, sa tradition se nourrit des "grandes révolutions" de 1649, 1793, 1848, 1971, 1917, 1968, elle veut annuler la régression barbare "libérale" en cours. Alors que l’analyse libérale veut faire croire que la fin de l’URSS était la fin du "socialisme réel", cette opinion qui progresse peut faire penser qu’il s’agit de son commencement.

Le XXIe° siècle va être, selon nous, l’histoire du renversement de ce système, et celui de l’accouchement d’une nouvelle société mondiale, opposée point par point aux crimes et gabegies du capitalisme, une république sociale universelle libre, égale, fraternelle, démocratique. Il sera le siècle des organisations internationales, du contrôle démocratique, du développement durable, celui de l’annulation de la dette, celui des investissements dans les pays en développement, celui de la fin des diktats du FMI, celui où l’OIT travaillera à parité avec l’OMC de façon à rendre le droit du travail constitutif du droit de la concurrence.

Nous ne voulons pas d’OMC sans OIT, sans OMS, sans OME, sans ONU. Nous voulons la transparence boursière, bancaire, l’épuration de la fraude et des fraudeurs, la taxation des mouvements de capitaux, la réforme du droit des sociétés, des tribunaux de commerce, la réforme des règles de la concurrence incluant le respect du droit du travail, la réglementation de la sous-traitance, des critères de passation des marchés au niveau national et international.

3.4 L’Europe fédérale, sociale

De Gênes à Barcelone, chacun a noté ce phénomène exponentielle qui aboutit à ce que chaque semestre, les manifestations pour l’Europe sociale soient de plus en plus fortes. Alors qu’à Porto encore, il ne s’agissait que de démonstrations des "directions syndicales" voilà que de Nice à Laeken, ce sont des centaines de milliers de salariés, de jeunes qui défilent dorénavant, plus que ce que tous les dirigeants de la CES n’envisageaient.

Il y a eu déjà des premières grèves européennes de cheminots, de routiers, et l’on voit se constituer l’Europe des luttes sociales. Les masses commencent à prendre en main les affaires que les technocrates de Bruxelles se croyaient réservées. Ce n’est qu’un début, nous l’avons dit mille fois : la monnaie unique encourage au combat pour un salaire minimum européen (1200 euros par mois), les 35 h en France, en Allemagne, en Belgique, posent la question à l’Italie, à l’Espagne, et à toute l’union européenne. À force de privilégier l’Europe des marchands et des banquiers, les dirigeants vont voir se dresser l’autre Europe, celle des salariés, des syndicats, des grèves et des manifestations. Nous sommes favorables à une Europe fédérale car c’est cette orientation qui vise à garantir un contrôle citoyen, un fonctionnement démocratique, une suprématie du politique sur l’économique. Moins l’Europe est organisée, plus les multinationales y règnent, plus le marché est incontrôlable. C’est pourquoi les libéraux, en Europe comme ailleurs, (Amérique du Nord, Amérique du sud, Asie) sont favorables à tous les élargissements sans conditions d’échanges ni de droits sociaux.

Nous sommes opposés à tout nouvel élargissement de l’Europe sans garanties, constitution démocratique, sans garanties sociales, (salaires, durée du travail, garanties de l’emploi, droits syndicaux).

Il est devenu essentiel pour les socialistes de montrer en quoi l’Europe qu’ils veulent est une réponse à la brutalité sociale et à la dépossession démocratique engendrée par la mondialisation libérale. Les socialistes doivent dire comment, en tirant les leçons des années 97-2002 et de la dérive libérale de la construction européenne, dérive dont le sommet de Barcelone restera le symbole, ils comptent mettre la puissance économique de l’Europe au service d’un modèle social de haut niveau et de la conquête de nouveaux droits. Ils doivent dire que c’est pour cela et pour une Europe qui pèse dans le monde face aux Etats Unis, pour la paix, la justice, le développement durable, qu’ils veulent une Europe politique plus intégrée. Pas pour renforcer les institutions actuelles. Mais pour remettre la volonté des citoyens dans le poste de commande.

Dans le débat qui va se dérouler au sein et autour de la Convention pour l’avenir de l’Union, si les fédéralistes de gauche n’ont à proposer que les « acquis » et la « méthode communautaire », c’est l’option défendue par MM. Aznar, Chirac et Blair, avec le soutien du Président de la Convention, Giscard d’Estaing qui l’emportera : celle d’une présidence du Conseil renforcée, bloquant l’Europe à la case intergouvernementale et perpétuant l’opacité et les limites actuels.

L’Europe a besoin d’institutions nouvelles

L’heure est venue de bâtir une véritable démocratie parlementaire européenne. La Commission doit être transformée en un gouvernement européen constitué à partir de la majorité issue des élections européennes. Ainsi se créera un lien direct entre l’exécutif européen et le vote des citoyens. Le Parlement européen doit être doté de la plénitude des pouvoirs législatifs et budgétaires pour pouvoir adopter à la majorité, avec le Conseil, les mesures de progrès social, d’harmonisation fiscale, de financement de la recherche ou des grands travaux européens, répondant aux besoins et à l’intérêt collectif de l’Union. Les socialistes européens doivent se battre au sein de la Convention pour une Constitution sociale de la Fédération européenne, c’est à dire pour que le futur traité constitutionnel établisse les conditions d’une harmonisation sociale vers le haut, comme le traité de Maastricht avait établit les conditions de la convergence monétaire vers la monnaie la plus forte. Ils doivent demander un chapitre sur les services d’intérêts général qui favorise la mise en réseau européen et la modernisation des services publics et pas leur démentiellement suivant les règles du "marché intérieur". Un moratoire sur les libéralisations doit être appliqué tant qu’une directive cadre n’aura pas garanti la pérennité et le développement des services publics dans l’Union. Les socialistes doivent demander que les objectifs de la banque centrale européenne soient complétés pour inclure la croissance et l’emploi, ainsi qu’un réaménagement du Pacte de stabilité afin de pouvoir mener des politiques monétaires et budgétaires actives stimulant l’investissement et la croissance.

3.5 La Gauche socialiste, en se construisant, cette dernière décennie, s’est internationalisée.

Elle a essaimé en Europe par une action volontariste au sein du Parti socialiste européen. Cela s’est traduit par la création, le développement du "Club des Républiques sociales européennes". des réunions régulières, des documents communs, une plate-forme internationale lors du congrès du PSE de mai 2001 constituent des avancées d’autant plus positives qu’elles ont été effectuées avec la participation de la motion 3 dirigée par Henri Emmanuelli.

Nous avons également engagé une action dans le cadre des batailles internationales contre la mondialisation libérale. Nous avons été présents aux deux sommets de Porto Alegre et avons pu y apparaître, faire connaître nos orientations en tant que composante du parti socialiste français, et des partis sociaux-démocrates européens. Ce n’était pas acquis d’y trouver notre place, de nous lier aux dirigeants du Parti des travailleurs brésiliens, au forum de Sao Paolo, de cohabiter avec toutes les forces vives qui s’y trouvaient représentées.

Nous étions à Millau en 2000 aux côtés de José Bové et considérons comme une honte son emprisonnement en 2002. Ce deuxième sommet de Porto Alegre c’est 80 000 participants venus de 131 pays... Plus de 1100 parlementaires (dont 77 italiens et 76 français) ont débattu de l’alternative à la mondialisation libérale pendant deux jours. Il s’inscrit dans la série de manifestations de Seattle, Porto, Göteborg, Prague, Nice, Gênes, Laeken, mais il a sa caractéristique propre : il est le produit partiellement spontané d’une lame de fond. Malgré l’infériorité en matière de financement et de communication des forces opposées à la mondialisation libérale dominée par l’impérialisme américain, elles l’emportent en nombre, en détermination, en symbolique sur le forum de Davos, le maudit sommet des ultralibéraux, devenu minoritaire.

Attac a émergé dans quarante pays. En France, elle s’est développée après novembre-décembre 1995, et compte 28 000 Membres et 230 comités locaux. Intellectuels, syndicalistes font le cocktail détonant qui assure la réussite d’Attac qui s’est assigné "d’emblée une mission d’éducation populaire orientée vers l’action contre la dictature des marchés, et, d’autre part, qu’elle place cette mission dans un cadre non seulement international, mais également internationaliste, la solidarité avec les sociétés des autres pays du monde se situant au centre même de sa démarche". (Plate-forme d’Attac). D’où la parfaite adéquation d’Attac avec le forum social mondial.

La Gauche socialiste est investie aux cotes d’Attac et de plus en plus nombreux sont ses militants qui y agissent. Nous nous félicitons du succès de ses assises d’Arles 2002.

3.6 Pour la République sociale universelle

Notre pays a des acquis de luttes et des acquis sociaux exceptionnels par rapport au monde actuel. Deux grèves générales en trente ans, de 1968 à 1995 les ont conservés et développés.

En 1995, un journal italien "La Repubblica" écrivait : "L’Europe est un volcan et quand la lave veut sortir, elle choisit Paris". Depuis, il y a eu d’autres grèves générales exceptionnelles, en Italie les 13 mars et 16 avril contre Berlusconi, en juin dans l’état Espagnol, contre Aznar et toute l’Europe.

Quatre cent mille salariés et jeunes se sont retrouvés en liesse à Barcelone le 16 mars. De semestre en semestre, chaque sommet européen, est l’occasion de démonstrations de force de plus en plus populaires, les mots d’ordre se précisent, les échanges se développent par branche, entre pays, l’internationalisme syndical et démocratique se développe contre le mondialisme capitaliste et libéral. Il y a eu trois millions de manifestants, le 23 mars, à Rome, venus de toute l’Italie.

C’est une fantastique mobilisation, tous les syndicats ont participé, toute la gauche commence à revivre, à la place qu’elle n’aurait jamais dû quitter, combative, pour s’opposer à une nouvelle loi sur les licenciements. La coupure entre gauche modérée et gauche radicale, s’est en cette occasion atténuée, et c’est le bon chemin à suivre.

Le même processus s’amorce dans l’état espagnol. L’Europe n’est pas "bleue", les luttes montent, de nouveaux mouvements de type Attac, naissent dans la jeunesse surtout.

Nous ne travaillons pas dans un cadre chauvin, nationaliste, mais dans un cadre internationaliste, européen, mondial. Notre démarche de république sociale n’est pas séparatiste mais universelle, elle se veut globale, ouverte, dynamique. Nous ne sommes pas opposés à la "mondialisation" si on l’entend par internationalisation, si l’on veut "réglementer la mondialisation" et non pas "mondialiser la déreglementation".

ici amendement intégré au passage sur la mondialisation. (Harlem)

Les socialistes doivent proposer que l’Union soit la première zone s’appliquant à elle-même une taxe Tobin sur les transactions financières internationales, premier impôt de solidarité mondiale, de même qu’elle a décidé d’appliquer le protocole de Kyoto sans attendre les autres pays. L’Europe doit proposer la création de "fonds structurels mondiaux" pour aider les pays du Sud à faire face à leurs besoins vitaux dans des domaines comme l’accès à l’eau, aux énergies renouvelables, à l’éducation, à la santé. L’accès à ces biens publics mondiaux doit relever d’une logique de mondialisation des droits fondamentaux de l’être humain et non de la marchandisation.

Les socialistes doivent demander que l’Europe regroupe ses droits de vote au sein du FMI et de la Banque Mondiale, pour réformer leur fonctionnement, remettre ces institutions publiques mondiales au service du développement, de la lutte contre la pauvreté, du rattrapage des retards dans les pays du Sud, pour y obtenir l’annulation de la dette et imposer le respect des stratégies de développement et des modèles de société que se choisissent les peuples. Avec une "exception service public" contre les privatisations ou les libéralisations forcée imposées de l’extérieur par les organisations internationales, comme il y a une "exception culturelle" contre les interventions de l’OMC dans ce domaine.

Les socialistes doivent soutenir l’abandon des subventions aux exportations agricoles qui ruinent les petits agriculteurs du Sud et demander que l’Europe donne la priorité au sein de l’OMC, non pas à la libéralisation des services, des marchés publics et des investissements, mais à l’intégration régionale (Mercosur, etc.) qui permet la diversification économique, un développement maîtrisé, et l’émergence d’un monde multipolaire. Ils doivent défendre la reconnaissance d’une hiérarchie des normes internationales qui place les conventions sociales de l’OIT dont les pouvoirs de sanction doivent devenir effectifs, les accords multilatéraux sur l’environnement, ceux de l’OMS sur la santé et l’accès aux médicaments, au-dessus du droit commercial. C’est à dire un nouvel équilibre de la gouvernance mondiale. On devrait pouvoir faire appel d’une décision de l’OMC devant les agences compétentes des Nations Unies, l’OMC devrait être réintégrée en son sein et placé, comme le FMI et la Banque Mondiale, sous la responsabilité d’un Conseil de sécurité économique et social veillant à la cohérence de leurs actions et au respect des objectifs de développement durable qui seront débattus au sommet de la terre de Johannesbourg. L’Europe doit demander une véritable transparence, l’ouverture aux ONG et le renforcement du contrôle parlementaire sur les organes du FMI et de l’OMC.

Les socialistes doivent faire de l’Europe l’instrument d’un nouvel internationalisme qui donne un débouché aux revendications et aux aspirations du mouvement social mondial qui a vu le jour de Seattle à Porto Alegre.

Quatrième partie : Les moyens politiques Représenter, unifier la force sociale majoritaire : le salariat

4.1 La Gauche socialiste n’est pas seulement un courant du Parti socialiste, elle est un courant de la société

Ses militants sont engagés dans les associations (Attac) dans les syndicats, (en priorité les grandes confédérations... mais tout syndicat combatif, représentatif) dans les mouvements de jeunesse (UNEF, FIDL, SOS-racisme...). Sans mouvement social, nous ne sommes rien. Tout part du mouvement social et y revient. En passant par un programme et un débouché politique.

À la différence de la droite, et de ses partis politiques, les forces d’un Parti socialiste comme de toute la gauche, doivent se nourrir des activités citoyennes, militantes, syndicales, sinon elles se dessèchent et sont condamnées à périr. Des socialistes qui prôneraient la séparation de l’institutionnel du "radical", le modéré "sérieux" du mouvement social, se suicideraient, eux, leur théorie et le parti avec. Ils feraient le jeu des ultragauches qui veulent "cliver entre deux gauches" comme la LCR.

Les blairistes qui, en Grande-Bretagne, ont fait main basse sur le Parti travailliste, l’ont coupé de sa base syndicale, ont modifié ses statuts, isolé bureaucratiquement la gauche vivante, bloqué les débats démocratiques, ont sans doute (provisoirement) conquis le pouvoir, mais le résultat de leur action n’a plus guère à voir avec la transformation sociale, ils se sont soumis au libéralisme, et nul doute qu’un renversement ne se reproduise, régénérant tôt ou tard ce parti vers de meilleures traditions, programmes et résultats pratiques. Nous voulons épargner au Parti socialiste français cet errement - lequel, d’ailleurs ne correspond ni à la combativité propre, ni aux acquis du salariat de notre pays. Nos idées, notre programme, nos méthodes d’action ne sont pas "élaborées en chambre", ni dans une "fraction" séparée, secrète d’un quelconque parti ou courant, elles proviennent au contraire des enseignements mêmes des luttes et des traditions des organisations de masse concernées, dont nous respectons l’indépendance, car nous savons que c’est le meilleur moyen pour qu’elles se développent, s’enrichissent, s’unifient, et se dynamisent. Nous sommes contre les "clans", les "disciplines" abstraites, les "ordres" venus d’en haut, car nous savons trop bien, qu’il y a, à tous niveaux une interaction positive, nécessaire, entre le politique et le syndical, entre l’associatif et l’institutionnel, entre le spontané et l’organisé.

La Gauche socialiste est irremplaçable par ses acquis historiques, sa genèse, par son enracinement dans les luttes, par sa volonté consciente de faire "le pont" entre les institutionnels et les radicaux, par son choix d’un parti socialiste militant, à la fois de gouvernement et de lutte, implanté syndicalement et présent à tous les niveaux de la société. La Gauche socialiste, après le 21 avril, est la seule à défendre consciemment cette perspective d’enraciner le parti socialiste dans les mouvements sociaux : sans elle, sans une vraie gauche organisée avec elle, autour d’elle, le clivage surviendrait tôt ou tard entre modérés et gauchistes, "deux gauches" se diviseraient à l’infini, la droite pourrait avoir toutes les coudées franches et resterait plus longtemps au pouvoir.

4.2 un grand parti de toute la gauche

N’étant ni une avant-garde, ni une fraction, mais seulement consciente de ses connaissances, de ses cadres, de son implantation, la Gauche socialiste est ouverte à toute la gauche. Elle ne vise pas à perdurer, à se maintenir, à s’isoler, au contraire, elle milite depuis toujours pour un grand parti de toute la gauche. Nous, GS, le disons tel quel : il faudrait en France un grand parti des travailleurs - comme au Brésil. Un parti de tous les salariés français : 88 % de la population active. Un PS. Un vrai. Pas hésitant face au libéralisme.

Ce n’est pas une question facile quand des socialistes posent cette question. Car ils ont toutes les raisons d’être soupçonnés d’hégémonisme, d’utilitarisme, de manipulation. Surtout, il faut le dire honnêtement après le scrutin du 16 juin.

L’union fait la force. C’est le refrain des unions américaines. Solidarnosc, ou la CUT brésilienne, quelque soit leur évolution, datent de ces grands moments historiques où le syndicalisme est un raz-de-marée unitaire.

En France, nous l’avons vu, il n’y eut jamais tant de syndiqués qu’en 1935 ou 1945 : quand il y avait unité syndicale, il y avait des millions d’adhérents ! Les grandes périodes de la gauche sont celles de son unité, même si le contenu et les modalités de cette unité n’étaient pas satisfaisants, loin de là (front populaire, front républicain, front national, union de la gauche, gauche plurielle, gauche unie...)

Aujourd’hui où il y a 88 % de la population active salariée, pourquoi l’unité ne serait-elle pas au cœur de tous les problèmes de la gauche ? Il ne s’agit pas de prôner un parti "unique" à bureaucratie unique ! Il faut respecter scrupuleusement les traditions de chacun, la moindre des sensibilités, des susceptibilités. Les rancœurs, les réticences pratiques sont multiples et innommables, nous le savons. Mais théoriquement quels arguments s’opposent à ce que communistes d’aujourd’hui et socialistes soient dans un même parti ? Les débats internes sont les mêmes ! Évidemment il existe une condition sine qua non c’est qu’il y ait une démocratie scrupuleuse respectant les débats, et les responsabilités.

Aucune avancée ne se construit sur la délimitation, contrairement à tant d’idées erronées selon lesquelles "le clivage réformisme-révolution", entre "deux gauches", est préalable ou fondamental à toute action de masse. Pour faire bouger une société, il ne faut pas en détacher le quarteron des plus convaincus : au contraire, il faut rassembler et entraîner la majorité. Être au cœur de la gauche ! Un parti unifié de la gauche ne pourrait être que pluriel pour être fort ! Au lieu de chercher à s’exclure, à surenchérir, à différencier, toutes et tous devraient pouvoir discuter, agir dans un même cadre, à condition, que l’expression de la base serait entendue, respectée...

Certes, une telle condition est exorbitante alors que dans chacun des partis de gauche existants, elle n’est pas respectée. Mais justement, seule une confrontation, des états généraux, une refondation peut parvenir à changer les mauvaises mœurs régnantes. C’est sous une poussée d’en bas, dans un cadre collectif qu’un programme nouvel anticapitaliste peut être conçu et mis en oeuvre.

Comment parvenir à une telle symbiose, une fusion ? D’abord en commencent par en évoquer l’utilité, la nécessité, en réfléchissant aux transitions, en créant des comités de liaison à la base, partant du monde syndical, associatif. C’est peut-être un long travail, utopique, avec des chemins compliqués et imprévisibles mais pourquoi n’y parviendrions-nous pas ? On devra psser par une confédération, ou toute formule respectant les sensibilités de chacun.

La droite en face s’efforce de le faire, le patronat, lui, est uni, dans une même organisation. La gauche, syndicats et partis, elle, a besoin d’unité aussi. Profondément.

4.3 : le programme que nous défendons, nous GS, doit être démocratiquement soumis à débat...

Évidemment nous ne sommes pas prêts à renoncer à nos convictions les plus ancrées, sur le nouvel âge du capitalisme, sur la sécurité sociale, sur la VI° république sociale... Comme tous, nous croyons à ce socle commun qui nous soude, et que nous avons mis tant de temps à élaborer. Sans être conservateurs ni repliés sur nous-mêmes, nous n’avons pas envie de le gaspiller. Nous ne sommes pas une fraction, nous ne sommes pas non plus constitués de sous-courants, nous nous sommes même interdit de rassembler, comme on dit, "des cliques et des clans". Sans être centralisés, par contre, nous essayons d’être disciplinés, simple question d’efficacité. La Gauche socialiste s’est construite par strates, par addition, par dynamique, elle est forte de chacun de ces apports, sans que l’un puisse dicter quoi que ce soit à l’autre. Elle est essentiellement un "collectif". C’est notre force, pas notre faiblesse. Les débats peuvent être vifs, mais personne ne peut exclure personne, l’adhésion est libre et volontaire, dans le cadre des statuts du parti socialiste. De même pour le club de la République sociale. Nous existons par une même impulsion, une même racine, puis un même mouvement, et surtout un même programme.

Nous le défendons, même par rapport à l’autre courant de gauche du Parti socialiste, la motion 3, Henri Emmanuelli, Alain Vidalies... Nous le défendons à l’intérieur du Parti socialiste, et également au sein de la gauche en général... Nous acceptons volontiers la confrontation et les unifications sans crainte que cela débouche sur un programme moins radical... au contraire. Élaboré démocratiquement, le programme d’un grand parti unifié des salariés, serait, n’en doutons pas, plus à gauche.

Il y a, soulignons-le, des "majorités d’idées" : elles sont vraiment à gauche

Contrairement à ce que croient les gauchistes, toujours persuadés, que dans un "grand parti", ce serait les spécificités de gauche qui se perdraient...Ce serait le contraire, car "la base" de la gauche est, de loin, plus sincèrement avide de changement que ses dirigeants. Elle serait davantage écoutée dans un grand parti que morcelée dans quatre, cinq, six, sept partis différents... ces derniers ont des instincts de chapelle, des règles moins démocratiques séparément que ce qu’ils seraient obligés d’avoir et de faire s’ils étaient ensemble.

Rien que dans le Parti socialiste aujourd’hui, si les militants avaient vraiment la liberté de voter, (sans que la direction ne décrète que nos amendements sont "contradictoires", sans qu’elle n’utilise le "49-3" en interne) les propositions de la Gauche socialiste seraient majoritaires.

À gauche, s’il n’y avait pas les divisions, le retour aux 37,5 annuités serait massivement acquis. De Fo à la Cgt en passant par 45 % d’opposants Cfdt, les Sud, l’Unsa, la Fsu. De même pour la nationalisation de l’eau : ce serait un plébiscite.

De même pour de vraies 35 h : il a existé sur des questions clefs de la mise en oeuvre des 35 h, des majorités syndicales, politiques, mélangées, qui, de façon écrasante, auraient, si elles avaient été entendues, modifié le cours des choses, le contenu de la loi.

Pour de grands services publics : là encore des états généraux montreraient la force puissante de ceux qui les défendent, qui sont prêts à combattre à fond pour les rétablir, les élargir.

De même pour une VIe république démocratisée : d’Arnaud Montebourg, au PCF, des Verts à la GS, une constitution démocratique serait mise en place, si la démocratie d’un grand parti de gauche l’emportait.

Pour batailler pour une mondialisation régulée, il y aurait une majorité telle que les nationalistes, souverainistes, xénophobes, et autres gourous chevènementistes seraient déconsidérés : un programme international offensif en faveur d’une OIT dotée du pouvoir de sanctionner pour imposer ses normes, une ONU véritable, une OMEnvironnement, une OMsanté, elles aussi doté de pouvoirs qui s’imposent à l’OMC, s’appuierait sur un véritable soutien populaire de masse, dans lequel ni "la nation", ni "l’état républicain" ne seraient plus menacés de dissolution, de repli, de conservatisme.

À gauche, s’il y avait un grand parti démocratique, il y aurait des centaines de milliers d’adhérents : les militants ne manqueraient plus, les liens avec le monde associatif et les syndicats seraient considérables. On aurait une société mobilisée et un état volontaire...Un contrôle des élus et une garantie que les promesses de changement social seraient respectées. Le 21 avril pousse à la discussion en ce sens.

4.4 De la gauche plurielle à la nécessaire unité de la gauche :

Nous savons que la perspective d’un grand parti de la gauche demande de nombreuses transitions, débats, échanges, actions, vérifications.

Ne serait-ce que pour dégager ces fameuses majorités d’idées dont nous pensons qu’elles existent : pour les faire apparaître, il faut confronter, converger, associer, dépasser les cadres et idées régnantes.

Il faut aussi rétablir un front "de classe" , la certitude d’appartenance à un même "camp", celui du salariat face à la droite.

Nous avons contribué à ce que le Parti socialiste appelle les citoyens, toute la gauche, à l’automne 2002, à débattre sous toutes les formes libres de colloques, d’état généraux, d’assemblée permettant au maximum de militants, de français de faire connaître leurs opinions.

Cette phase de concertation, d’échange, la plus libre possible, la plus profonde, la plus sérieuse, est absolument indispensable pour reconstruire la gauche après le 21 avril. Il ne doit pas y avoir de limites ni d’exclusives dans ce processus, tous ceux qui voudront y participer de façon positive y seront bienvenus .

Nous souhaitons un processus dans lequel les syndicalistes comme les associatifs puissent, à titre individuel, s’impliquer, apporter, enrichir la discussion. Notamment pour le congrès du Parti socialiste qui se tiendra à Dijon en avril 2003. Car ce congrès ne doit pas, lui non plus, être formel. Il faut comme nous l’avons dit tout au long de ce texte, et comme la Gauche socialiste entend le défendre, qu’il entende les leçons des 21 avril, 9 et 16 juin.

Les présentes thèses ont pour fonction de définir ce que la Gauche socialiste veut proposer aux citoyens, à la gauche, aux courants et sensibilités du parti socialiste, à son congrès.

Avant que des "états-généraux", (ou Assises de la transformation sociale, ou tout autre cadre similaire...) avec nos partenaires, sous une forme appropriée reconstitue un front victorieux face à la droite, aussi bien dans les luttes que pour les prochaines élections de 2004 à 2007.

4.5 Conclusion : au cœur de la Gauche

La Gauche socialiste vise d’abord, à Nantes et à son Conseil national qui suit, de se doter de thèses cohérentes, tirant bilan et perspectives, des événements et de son action pour faire une contribution claire, unie, devant tous. Elle entend partir de là pour s’adresser à tous les socialistes, à toute la gauche. Les relations privilégiées qu’elle souhaite pouvoir nouer avec les forces et courant les plus proches seront déterminées d’abord par la proximité - ou non - du programme, des idées.

Deux buts essentiels sont à sa portée :

* de rassembler toute la gauche du Parti socialiste sur une base politique solide, cohérente, audible par tous les militants adhérents.

* d’empêcher que le congrès du parti socialiste en soit formel et ne débouche sur une main-mise de courants droitiers qui entendraient le "blairiser", et l’écarter ainsi du mouvement social en même temps que d’au proche retour de la gauche au pouvoir.

1°) C’est pourquoi la Gauche Socialiste lance un appel à tous les militants et responsables socialistes, à toutes les composantes du parti et de la gauche pour recomposer sans préalable ni exclusive un grand Parti Socialiste en prise avec les aspirations et les besoins sociaux, porteur d’un projet de rupture avec l’ordre libéral.

Cela vise en premier lieu, les camarades de la motion 3 d’Henri Emmanuelli, Alain Vidalies, Christian Bataille, Annick Aguirre, Isabelle Martin, Jean Malot, Emmanuel Maurel, et des militants qui ont pris au dernier congrès et depuis des positions différentes mais assez voisines des nôtres.

Les événements du 21 avril nous imposent de tout faire pour travailler ensemble à l’émergence d’un nouveau courant, portant un projet de rupture avec la mondialisation libérale, unitaire, ouvert au sein du parti comme sur la société.

Nos deux courants représentaient plus de 27% du parti socialiste au congrès de Grenoble. Réunis, ils peuvent former le socle d’un grand courant de toute la gauche du parti, à vocation majoritaire dès le prochain congrès, capable de rassembler les militants et courants soucieux de former une grand force de rupture avec l’ordre libéral.

Ce n’est pas du jour au lendemain qu’on règle les traditions de débat différentes et qu’on parvient à des approches communes sur tout. Des divergences subsistent sans doute, qu’il faudra surmonter par le débat et l’action commune. Mais nous partageons un large champ d’accord qu’il faut savoir approfondir.

La Gauche Socialiste propose de prendre toutes les mesures d’organisation dès la fin de cette université d’été pour travailler avec les camarades de la motion 3 : échange de nos documents de référence, mise en place d’une commission de travail pour rédiger un document commun et coorganisation de rencontres à Argelès les 27, et 28 septembre prochains. Il s’agit de poser à cette date, si l’accord politique se vérifie, les premiers actes de fondation d’un grand courant de gauche du Parti Socialiste . Evidemment, nos thèses seront versées au débat dans le but de réaliser cet objectif, sans en faire un préalable.

Un comité de « liaison » ou « d’organisation » commun à nos deux courants préparera ces rencontres, en élaborant un texte-appel pour fonder un nouveau courant largement ouvert à tous ceux qui voudront participer à cette démarche.

Argelès peut être le point de départ d’une dynamique de rassemblement à vocation majoritaire. Les militants socialistes percevront que la gauche du parti s’unit. C’est un signal de ralliement autant pour l’intérieur que pour l’extérieur du PS. Nous appelons tous ceux qui souhaitent participer au renouveau du socialisme, partisans d’un réformisme radical, adversaires de la mondialisation libérale, à y participer.

Une autre réunion nationale à Paris, quelques semaines plus tard, pourrait permettre l’engagement public de milliers de militants, démocratiquement, dans ce processus.

Nous chercherons évidemment à y associer d’autres forces, puisqu’il s’agit d’une démarche d’ensemble à vocation majoritaire. Dans cette optique, nous proposerons au nouveau courant de réunir rapidement une Conférence nationale, ouverte à toutes celles et tous ceux qui veulent ancrer le Parti socialiste à gauche et éviter toute dérive libérale.

Pour cela, nous multiplierons les démarches, et notamment nous prendrons également langue avec Arnaud Montebourg et avec ceux qui le soutiennent et dont nous nous félicitons qu’ils défendent une VI ° République. Nous proposerons d’échanger entre nos réunions, débats, contributions, de façon à faire avancer sur ces thèmes, le plus possible nos idées communes.

De façon générale, nous voulons progresser des « majorités d’idées » - cf. ci-dessus - dans la gauche du Parti socialiste, comme dans la gauche toute entière. Nous savons que les rapports de force existent et que si, sur certaines questions clefs (contre le présidentialisme, pour les 37, 5 annuités de retraites, pour les salaires, etc.) il apparaît des majorités nettes, les militants se sentiront enhardis à voter, exprimeront cette majorité, penseront que leur parti (et toute la gauche) se renforcera en les adoptant.

Le débat à venir est d’abord politique, et non « tactique » ou « organisationnel » : les choix tactiques et organisationnels sont subordonnés aux choix politiques.

2°) Notre deuxième effort, complémentaire, aussi difficile et volontaire, est d’œuvrer à ce que la confrontation nécessaire avec les « modérés » ou « blairistes » n’aboutisse pas à la prise du parti par ces derniers qui le couperait de ses indispensables racines dans les profondeurs du mouvement social.

Si nous voulons une gauche forte et unie dans le Parti socialiste, c’est non pas pour qu’elle constitue « l’opposition de sa majesté » ni qu’elle renferme dans une « minorité » mais pour qu’elle influence et constitue l’axe de recomposition d’une nouvelle majorité dans le parti. Parce qu’une nouvelle période s’ouvre, nous voulons être forts, théoriquement, politiquement, organisationnellement, pour influer sur son cours.

Tel est le sens de toute notre démarche qui commence par s’affirmer dans l’ensemble de ces thèses soumises démocratiquement à discussion de l’assemblée des membres de la Gauche socialiste rassemblés à Nantes.

FIN


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