Coup d’Etat au Pakistan : Le second putsch de Moucharraf (positions PS et PCF)

jeudi 8 novembre 2007.
 

Redoutant que son élection à la présidence ne soit invalidée, le général Pervez Moucharraf a décrété samedi l’état d’urgence et suspendu la Constitution.

1) Parti Socialiste

Le Parti socialiste exprime sa vive inquiétude après la proclamation de l’état d’urgence au Pakistan par le général Pervez MUSHARRAF. Il condamne l’arrestation des opposants politiques, des juges et des avocats, notamment celle du Président de la Cour suprême de la justice, ainsi que la suspension de l’application des droits et des libertés fondamentaux des citoyens. Le Pakistan ne peut surmonter les difficultés auxquelles il est confronté, particulièrement dans le domaine de la politique intérieure et de sécurité, et ne peut assumer plus efficacement sa place dans la lutte contre le terrorisme que si la démocratie est réinstaurée dans ce pays et si le gouvernement bénéficie d’une réelle légitimité.

Le Parti socialiste demande le rétablissement immédiat de la Constitution et l’organisation des élections générales libres et transparentes à la date prévue, à la mi-janvier 2008. Il demande à la communauté internationale, à l’Union européenne et au gouvernement français d’user de leurs moyens d’influence pour exhorter le général Pervez MUSHARRAF à suspendre sa décision.

Le Parti socialiste réaffirme son soutien et sa solidarité avec les forces démocratiques du Pakistan, notamment avec le Parti du peuple pakistanais (PPP) et sa présidente Benazir BHUTTO.

Communiqué de Pierre MOSCOVICI, Secrétaire national aux Relations internationales

2) Article de L’Huma

Le général Moucharraf, au pouvoir depuis son coup d’État d’octobre 1999, est de nouveau passé à l’action anticonstitutionnelle en décrétant samedi soir l’état d’urgence au Pakistan. Cette décision n’est pas une surprise, la rumeur d’un putsch s’intensifiait ces derniers jours, tandis que l’imbroglio politique dans lequel se débat le chef de l’État depuis sa réélection controversée du 6 octobre ne tournait pas en sa faveur. La Cour suprême, la plus haute juridiction du pays, qui contrariait depuis des mois ses desseins, devait se prononcer dans les prochains jours sur la légalité de sa réélection. Dans un discours télévisé à la nation, Pervez Moucharraf s’est justifié en invoquant le terrorisme islamiste qui sévit au Pakistan. Ce que personne ne lui conteste : une vague sans précédent d’attentats suicide a fait 420 morts depuis juillet, parmi lesquels 139 tués à Karachi le 18 octobre et, dans les zones tribales frontalières avec l’Afghanistan, l’armée fait aussi face à une insurrection intégriste, proche des taliban et d’al Qaeda, qui s’étend maintenant au nord-ouest du pays.

La cause du décret

Mais en fait la cause réelle du décret est ailleurs. Visant la Cour suprême, Moucharraf s’en est longuement pris au « militantisme judiciaire ». Il s’est fait élire il y a deux semaines par un Parlement dont la majorité lui était acquise. Or sa candidature était contestée par l’opposition parce que la Constitution interdit au président d’occuper simultanément d’autres fonctions officielles de l’État (chef des armées, en l’occurrence). Même si Moucharraf abandonne l’uniforme, comme il a promis de le faire, il contreviendra à un autre article de la Constitution, qui impose à tout ex-fonctionnaire un délai de deux ans avant de se lancer en politique. La Cour suprême avait juridiction de statuer avant le 12 novembre. Pour couper court à toute contestation judiciaire, le texte fondamental a été suspendu et la bête noire de Moucharraf, le juge Chaudhry, président de la Cour suprême, a été immédiatement remplacé par Hameed Dogar. L’état d’urgence permet de repousser au maximum d’un an la tenue des élections, législatives initialement prévues en janvier 2008. Une série de restrictions ont été imposées aux médias. Toute publication diffamant le président, son gouvernement ou les forces armées est désormais proscrite. Les forces de sécurité étaient déployées dimanche autour des principaux bâtiments officiels à Islamabad et au moins 500 personnes de l’opposition ont été interpellées parmi lesquelles des avocats proches du juge Chaudhry.

L’ex-premier ministre pakistanais Benazir Bhutto, qui négociait sous la houlette américaine avec Moucharraf pour un partage du pouvoir, a dénoncé une régression vers un régime « dictatorial », et reconnu que le Pakistan était « au bord de la déstabilisation ». Toute la question est maintenant de savoir si elle va choisir d’appeler à des manifestations ou tenter de convaincre le président de revenir sur sa décision. Ce qui remettrait en selle le projet de Washington de mettre en place le ticket Moucharraf-Bhutto. Le premier restant l’homme clé dans l’alliance antiterroriste américaine, la seconde contrant l’impopularité croissante du premier en se faisant l’égérie d’un retour à la « démocratisation ». Un plan qui, pour avoir l’aval des pays occidentaux, est un sujet de crispation au sein de l’armée et d’une partie de la population pakistanaise, excédée par les ingérences américaines dans le pays sous couvert de lutte contre l’extrémisme islamique.

La décision de Moucharraf risque de se retourner contre lui, d’attiser l’insurrection islamiste et d’aboutir à une multiplication des attentats d’extrémistes, redoutent des analystes, alors que l’armée jusque-là derrière son chef d’état-major, commence à traîner des pieds. Toutes puissantes dans le pays, les forces militaires, qui comptent 500 000 hommes, sont démoralisées par les attentats suicide dont elles sont souvent la cible. Dans les zones tribales, des soldats sont kidnappés par des islamistes, quand ils ne font pas tout simplement reddition. Pour certains observateurs, l’état d’urgence pourrait accentuer les contradictions entre Moucharraf et l’armée.

Tolérance zéro

À Karachi, la plus grande ville du pays, le chef de la police Azhar Ali Farooqi a prévenu qu’aucun débordement ne serait toléré. « Notre politique clémente est désormais révolue. Nous appliquons la tolérance zéro. Nous prendrons des mesures, nous procéderons à des interpellations et nous aurons recours à la force si nécessaire. » Des avocats ont hier appelé pour aujourd’hui à une grève nationale et à des manifestations.

Dominique Bari


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